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Message  Estuaire44 Jeu 17 Déc 2020 - 14:51

Une belle idée de cadeau !

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Message  Dearesttara Mer 24 Fév 2021 - 20:29

Fini le premier livre Hypérion de Dan Simmons. La structure en 6 nouvelles reliées vaguement par un fil rouge (menace galactique à neutraliser, blabla) déconcerte au premier abord car cela veut dire qu'on ne va pas attaquer le gros de l'aventure avant le 2e livre. Et surtout suivre des personnages qui n'intéragissent que peu, tout à leurs récits. Mais si les 640 pages font office de prélude, il doit s'agir du plus magnifique prélude qui soit, à l'ampleur wagnérienne dans ses aspects symphonique, apocalyptique et surtout de worldbuilding.

Car il faut admettre que les vingt planètes du Retz sont d'une richesse inépuisable, d'une Tau Ceti tentaculaire à une Lusus ultraurbaine en passant par l'orgueilleuse Brassia, sans oublier la mystérieuse Hypérion. Simmons construit son univers quasiment ligne par ligne, chaque nouveau paragraphe est l'occasion d'une idée brillante, souvent originale, bourrée de fulgurances dignes du cinéma (coup de coeur pour la forêt de flammes). Le niveau de détail est extrêmement élevé, qui à être parfois un peu lourd, mais il faut l'avouer en refermant ce premier tome : on aura rarement vu un monde aussi brillamment riche, détaillé, divers sous toutes ses coutures.

Hypérion ne se résume pas à du worldbuilding de qualité. Simmons ne choisit pas la facilité avec une structure "à sketches" habituellement inégale. Mais les étoiles s'alignent et c'est un déferlement ininterrompu de récits captivants et aussi variés que leurs personnages auquel on assiste. La cauchemardesque expédition anthropologique narrée par Hoyt ou l'odyssée poétique et vulgaire de Silenus (souvent irritant mais b ordel, il est complètement allumé) mettent la barre déjà haut mais on passe au niveau supérieur avec l'histoire du colonel Kassad, véritable récit de guerre où Eros et Thanatos s'entremêlent dans un jeu pervers et souvent explicite (le passage survivaliste dans l'espace est à couper le souffle, littéralement). Du côté émotion, le destin de Rachel Weintraub, relecture horrifiante du Benjamin Button de Fitzgerald, mais en plus cruel, est un récit déchirant, le combat désespéré d'un père face au Temps lui-même. C'est sans doute le plus mémorable alors qu'il est le plus avare en action.
Également enthousiaste du récit de Brawne Lamia, qui assure le spectacle, commençant en enquête hardboiled classique, avant de virer vers le thriller paranoïaque, l'invasion cyberpunk et se boucler dans la pure tragédie (quoiqu'un peu facile, mais inviter Keats lui-même dans un monde futuriste demeure une des trouvailles les plus bizarres mais ô combien réussie d'Hypérion).
Au milieu de tout cela, la géniale idée d'auteur qu'est le Gritche plante un pilier ténébreux qui parcourt toute la saga. Sommité monstrueuse digne des pires cauchemars, il est à la fois absent et présent, partout et nulle part. Dans le domaine vilain de fiction, il se pose en majesté dans les hautes marches. J'attends aussi beaucoup de la dimension Cyberpunk, que n'aurait sans doute pas reniée Gibson.

Deux réserves seulement. La première est le récit final de Merin Aspic et son amour à travers le temps avec Siri (j'avoue que le nom m'a un peu sorti du livre par son humour involontaire). Ni Merin ni Siri ne sont suffisamment déssinés pour autoriser l'émotion de leur histoire d'amour en pointillés, même si cela prépare le terrain au twist final dégainé par le taiseux consul. Enfin, une certaine faiblesse des personnages féminins, en grande minorité et plus sexualisées que leurs homologues masculins, est à relever. Moneta est un cliché assez facile de l'action girl érotique, Brawne, seule héroïne du récit, est comme par hasard l'objet d'un récit centré sur sa love story, sa badasserie et la nature singulière de son amant ne suffisent pas à pallier une sexualisation opportuniste. Tandis que les femmes Weintraub se cantonnent respectivement à une victime et une mère passives. Gladstone fait exception pour son côté femme de tête parfois impitoyable, mais elle demeure un personnage mineur. J'espère aussi que la résolution du mystère du Templier sera à la hauteur.

J'ai déjà commandé les 3 autres livres, mais Hypérion, dès son premier tome, témoigne du génie de Dan Simmons dans l'art si difficile du worldbuilding, ici poussé à des hauteurs célestes, et d'un sens de la narration hors du commun par sa richesse, sa variété, son intensité. Je me pose bien sûr la question des tomes suivants. Maintenant que les récits sont terminés, on va devoir passer au feuilleton, à moins d'une autre surprise. J'ai déjà hâte de pénétrer dans les Tombeaux du Temps (****)
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Message  Estuaire44 Mer 24 Fév 2021 - 20:58

J'ai bien aimé que le côté "film à sketchs" du livre donne lieu à des histoires de style très variées, chacune relevant d'un style de SF distinct. Cela finit par faire du livre comme une encyclopédie du genre, particulièrement riche et évocatrice. Les trois autres livres sont de facture plus classique mais savent répondre avec talent aux différentes questions restées en suspens. Un très bel ensemble ! Merci pour la critique !
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Message  Camarade Totoff Jeu 25 Fév 2021 - 12:32

Splendide critique et d'autant plus qu'elle donne envie de lire ce livre !

Misère ! Mais il va me falloir plusieurs vies pour tout ça !
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Message  Dearesttara Jeu 25 Fév 2021 - 22:08

Oui, une vie est à la fois beaucoup et bien peu pour lire tous ces trésors ! Le grand atout de la SF et de la Fantasy est aussi son inconvénient : avec toutes les suites en plusieurs livres, il faut bien plus de temps pour lire une saga qu'un roman "classique" le plus souvent unitaire. Je compte lire un jour tout le cycle de La Roue du Temps mais ça fait 14 gros livres Joint
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Message  Estuaire44 Jeu 25 Fév 2021 - 22:18

Quand je pense à tous les livres qu'il me reste encore à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux.

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Message  Dearesttara Jeu 25 Fév 2021 - 23:21

Depuis toujours l'une de mes citations préférées.  love
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Message  Philo Ven 26 Fév 2021 - 10:46

Camarade Totoff a écrit:
Splendide critique et d'autant plus qu'elle donne envie de lire ce livre !

Misère ! Mais il va me falloir plusieurs vies pour tout ça !

Tu ne le sais pas encore, mais tu en auras d'autres ))
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Message  Camarade Totoff Mar 13 Avr 2021 - 11:50

Ce soir sur TF1, et la semaine prochaine, rediffusion du film "Le Labyrinthe".

L'occasion de dire que "Le Labyrinthe" est le titre du premier volet de la trilogie de James Dashner et non de la trilogie elle-même qui, elle, s'appelle L'Epreuve. A juste titre d'ailleurs car les jeunes gens qui sont les héros de cette saga souffrent énormément.

J'ai bien aimé cette trilogie qui, sans atteindre les sommets, est agréable à lire, intéressante à suivre, assez intelligente (jusqu'où est-on près à aller pour "sauver" l'humanité ? Peut-on rester humain en faisant des choses effroyables mais au nom d'un idéal plus grand ? ) et comporte des personnages assez attachants. Pour le coup, le premier film adapte plutôt bien le roman. C'est beaucoup moins vrai après.

Dans le second volet, regardez-bien la tête de "l'homme-rat" (Janson), c'est Aidan Gillen alias Petyr Baelish.

(***)
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Message  Estuaire44 Mar 13 Avr 2021 - 12:33

J'ai bien aimé le mystère du premier roman, après la résolution en revient à un certain classicisme. Pas vu les films
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Message  Dearesttara Lun 31 Mai 2021 - 1:44

Terminé La chute d'Hypérion, 2e volet de la tétralogie de Dan Simmons. Effectivement, on revient à une écriture plus classique, mais ô combien dynamique, l'auteur n'hésitant pas à multiplier les sauts et boucles temporelles (je renonce à rétablir la timeline du Gritche) et à diviser son récit en un enchevêtrement de storylines secondaires à la fois indépendantes et reliées derrière la grande épopée narrée par Keats. Le brio de la forme se reflète avec le fond, avec une réflexion métaphysique vertigineuse - coup de coeur pour l'interprétation du sacrifice d'Abraham - et un pessimisme envers les IA (qui semblent se foutre royalement des lois d'Asimov).

La 1re partie déconcerte quelque peu par son tempo très retenu. Action en suspens, pélerins à la ramasse, Keats écoutant sagement les conseils de guerre. C'est comme dans le 1er volet, le style puissamment évocateur de Simmons qui en est la sève, avec cette description de l'Empire des hommes au bord de la destruction et de pélerins aussi valeureux que largués. Ce fascinant témoin passif qu'est Keats regardant l'humanité avec une irritation mêlée de compassion. Bon, on peut sourire de l'ubiquité bien pratique du Gritche, prétexte facile à dynamiser un récit lent - le Gritche serait-il le jumpscare de cette authentique planète terreur qu'est Hypérion ? Mais combien de monstres de fiction peuvent prétendre insuffler une peur aussi profonde rien qu'à leur mention (Stephen King applaudit dans le lointain), même si de plus en plus répétée ?

Mais c'est dans la 2e partie que Simmons se déchaîne. S'appuyant sur 1000 pages de préparation, il nous conte cette poignée d'heures au cours duquel le destin de l'humanité se joue. 360 pages, pas plus de 8 heures, Simmons nous fait son 24 heures chrono, joignant tous les fils narratifs dans une chevauchée dionysiaque au bout de la nuit. Les twists fracassants se succèdent et les scènes cultes se multiplient - le volet Cyberpunk est juste grandiose. J'avoue honteusement n'avoir pas vu venir la révélation finale de Moneta alors que c'était juste logique, et préparé depuis le 1er tome. On décèle rétrospectivement un satané pari de Simmons, car en définitive, les pèlerins auront à peine influencé le cours des évènements, pendant que c'était Keats qui se tapait tout le boulot. On peut voir ça comme un défaut, mais il me semble que Simmons ne croit pas en un héroïsme belliqueux et triomphal (Kassad prend cher) ni en une rédemption par l'art (Silenus tête à claques jusqu'au bout).

Que raconte La chute d'Hypérion ? Un crépuscule des dieux, des humains ballotés par le destin, impuissants face à la marée du temps, qui ne peuvent résister qu'en demeurant fidèles à leurs valeurs. C'est l'amour de Brawne, la confiance de Sol, la détermination de Kassad, la sagesse de Duré, la rédemption du consul, le sens du sacrifice de Keats, qui font que chacun traverse leurs épreuves individuelles, et changent la face du monde. C'est la conclusion que je tire de ce livre, changer soi-même pour changer le monde... sans qu'on l'ait cherché. Une morale taoïste assez surprenante, mais qui fait sens. Mais surtout La chute d'Hypérion couronne sa réussite par sa véritable héroïne : Meina Gladstone.

Propulsée au rang de personnage majeur, Gladstone, plus Churchillienne que jamais (quel discours final !), prend les plus terribles décisions avec un stoïcisme déchirant. Meneuse du monde au destin inhumain et lourd, elle assume seule son fardeau, jusqu'à son gambit final, l'un des plus dévastateurs coups politiques que l'imagination humaine pouvait rêver. Elle est l'âme de ces premiers cantos d'Hypérion, sa roue motrice. Ni idéalisée ni corrompue, Gladstone fait juste son job, rongée par un doute perpétuel qu'elle garde pour elle. Quel personnage ! Derrière le fracas des batailles et d'un worldbuilding en folie, Simmons nous aura raconté la lutte déchirante d'une femme qui aura aimé son espèce jusqu'au bout, malgré les erreurs. L'épilogue enfin apaisé clôt magistralement ce récit foisonnant... et on se demande avec curiosité quelle histoire va bien pouvoir raconter le 3e tome après la fermeture de tous les dossiers ! (****)
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Message  Camarade Totoff Mar 1 Juin 2021 - 13:19

Critique superbe qui me fait ajouter ce voulûmes à la liste des livres à lire avant de mourir (elle enfle dangereusement).

Lecture d'Hypérion en cours. J'ai un peu de mal à suivre mais j'aime beaucoup les histoires. Ah! Pensez à rajouter Chaucer sur la liste aussi.
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Message  Dearesttara Mar 1 Juin 2021 - 16:19

Heureux que tu aies commencé à lire Hypérion, cher Camarade, c'est une magnifique découverte pour ma part. En espérant lire bientôt ta critique !
Bon, je vais faire un p'tit break avec un court roman de fantasy, critique évidemment à suivre.
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Message  Camarade Totoff Lun 5 Juil 2021 - 13:01

Pas encore fini la lecture d'Hypérion mais je voudrais soumettre à votre sagacité ce véritable sujet de philo trouvé dans le récit de Lamia :

"Il y avait des lois très strictes sur la protection des libertés individuelles, mais les lois ont la mauvaise habitude de s'effacer ou de se faire abroger chaque fois que la pression sociale se transforme en poussée totalitaire".

Pour la référence, p.349 de l'édition Robert Laffont
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Message  Philo Lun 5 Juil 2021 - 13:14

C'est ce qui se passe depuis des siècles... Quoi de neuf, Docteur ?
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Message  Dearesttara Lun 5 Juil 2021 - 14:11

Camarade Totoff a écrit:
Pas encore fini la lecture d'Hypérion mais je voudrais soumettre à votre sagacité ce véritable sujet de philo trouvé dans le récit de Lamia :

"Il y avait des lois très strictes sur la protection des libertés individuelles, mais les lois ont la mauvaise habitude de s'effacer ou de se faire abroger chaque fois que la pression sociale se transforme en poussée totalitaire".

Pour la référence, p.349 de l'édition Robert Laffont

Effectivement un passage qui m'a pas mal marqué dans le récit. Simmons se montre très fin observateur des excès humains avec ces sociétés toujours à deux doigts de sombrer dans le chaos.
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Message  Dearesttara Mar 9 Nov 2021 - 21:16

Terminé les 7 livres originaux du Cycle de Fondation d'Isaac Asimov. Je reste globalement conquis par cette ambitieuse saga à travers le temps et l'espace (le temps est-il comme une roue hahahah) malgré un épuisement en fin de parcours.
A vrai dire, je ne comprends pas les critiques disant que le cycle a vieilli ou que les personnages ne seraient que des vaisseaux de chair à seule vocation à relayer les débats et idées scientifiques, psychologiques, historiques chers à l'auteur. C'est en effet très perceptible dans les 2 derniers volumes, mais dans les 5 premiers, cet aspect ne prend jamais le dessus sur l'action et ce qui à mon sens fait le sel de la saga, les jeux d'intelligence, de pouvoir et les bonnes grosses disputes comme on aime.

Car Asimov sait, du moins jusqu'à Seconde Fondation, épicer ses débats denses sur l'humanité et l'avenir - je ne sais pas si le cycle est considéré comme de la hard SF, mais on s'en approche au moins - par de savantes parties d'échecs à longue distance (quelques milliers d'années-lumière). Dans cette lutte entre les Fondations, l'Empire finissant, quelques humains d'exception, des éléments parasites inattendus sans parler des players tardifs, c'est tout le destin de l'humanité dans cette ère des ténèbres qui se joue. Et cette lutte se montre passionnante, car cristallisant l'éternel dilemme d'un libre-arbitre typique de notre humanité, mais capable de la détruire versus un plan mathématique qui sans annihiler ce libre-arbitre, le limite au prix d'une ascension vers un nouvel ordre harmonieux. Ce dilemme, qu'Asimov résout dans les ultimes pages mais avec une ironie terrible, est la source d'une farandole impayable de personnages au QI monstrueux tout à leurs calculs stratégiques et prises de risques maximum. J'apprécie chez Asimov l'art du twist fracassant, les plus importants parvenant à remettre en cause l'intégralité de ce qui s'est passé avant. C'est bien simple, chaque fois qu'un player croit asseoir sa suprématie, un autre se glisse et vole le show. L'auteur répète encore et encore le procédé mais avec tellement de variations et toujours au moment le plus inattendu que la surprise est permanente. En passant, les 3 lois de la robotique (les 3 mousquetaires des lois scientifiques en fait) ne sont mises à contribution qu'avec parcimonie, mais entraînent des explications aussi astucieuses que convaincantes.

Le revers est que dans cette histoire à travers le temps, il n'est guère possible de s'attacher aux personnages, la plupart ne restant pas plus de 100 pages, car il faut laisser l'espace à la génération ou aux planètes suivantes. Asimov ne cherche pas à les creuser et en effet, on en reste à des players surtout caractérisés par leur spécialité et leur intelligence, et pas grand-chose d'autre. Le côté cérébral écrase l'émotion mais pour peu qu'on soit sensible aux chausses-trappes de ce Westeros galactique, on se laisse porter sans problème. L'exception étant les 2 prequels qui racontent plus précisément la vie du génial Hari Seldon. Une vie mouvementée, riche, tendue, souvent tragique, qui aura payé bien cher la création de la psychohistoire. Asimov se départ du style habituel des 5 livres "officiels" par une narration bien plus classique, mais où l'émotion palpite bien davantage. On tremble avec Seldon, on reste subjugués par le charisme de Dors, le charisme brut de Raych et bien sûr Demerzel, sans doute l'un des plus magistraux fusils de Tchekhov de la littérature car son influence déborde Fondation jusqu'au Cycle des Robots (pour ce que j'en ai suivi). J'ose le dire, ces prequels sont à mon sens encore meilleurs que les 5 romans centraux par leur souffle aventureux plus continu.
Les livres se livrent aussi à un crescendo dans les finals, chaque fin de livre se montre encore plus vertigineux que le précédent (le gambit du 1er Orateur et le dilemme à trois branches de Trevize sont à couper le souffle). Tandis que les discrètes interventions des robots, révélées après coup, sont hautement jouissives.
C'est surtout le cas dans Seconde Fondation, dont la 1re moitié est un cyclone de rebondissements proprement frappadingues. Le Mulet restera comme une des grandes créations du cycle, il lui aura donné ses meilleurs moments. On ne peut pas en dire autant des personnages féminins. A part Dors, elles sont transparentes. Je ne me suis jamais attaché à Joie, une tête à claques de choix.

Malheureusement, Fondation achoppe sur les deux derniers livres. Écrits 30 ans après les 3 premiers, ils montrent un épuisement d'Asimov, retournant à son cycle chéri pressé bien davantage par ses lecteurs et son éditeur que de lui-même (il le dit franchement dans la préface). Fondation Foudroyée continue de maintenir l'intérêt par sa partie d'échecs galactique, mais Asimov allonge la sauce et se perd dans des digressions scientifiques artificielles, sans aucun support au récit. L'auteur se regarde trop le nombril, commente et ressasse le peu d'action à coup de dialogues ternes. L'histoire demeure au moins intéressante, ce qui n'est pas le cas de Terre et Fondation. Dans l'ultime tome, Asimov montre clairement que la Fondation ne l'inspire plus et se perd dans un planet opera à la Star Trek fragmenté, d'intérêt divers, où les échanges du trio de voyageurs (souvent énervants) se répètent ad nauseam sur 500 pages. Heureusement la conclusion du cycle est l'ultime preuve de l'audace d'Asimov, n'hésitant pas à remettre en cause tout ce que nous avions lu jusqu'ici. Comme un auteur cassant son jouet adoré en riant sous nos yeux, mais nous faisant avaler l'évènement avec une logique implacable. Non, franchement bien joué.


Prélude à Fondation : ****
L'Aube de Fondation : ****
Fondation : ****
Fondation et Empire : ****
Seconde Fondation : ****
Fondation Foudroyée : ***
Terre et Fondation : **

Le Cycle de Fondation (***) : Au total, un cycle cérébral, stimulant, narration ambitieuse de l'humanité entière à travers l'espace-temps, rehaussé de brillants prequels, malgré un épuisement en fin de course.
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Message  Estuaire44 Mar 9 Nov 2021 - 23:22

Excellente analyse, sous son style en apparence froid et intellectuel; Asimov s'avère un auteur particulièrement ludique, particulièrement propice aux jeux d'esprit. Comme souvent il aime à poser des règles puis à les pousser dans leurs retranchements, comme avec le Mulet. cela vaut aussi pour ses écrits non SF, comme les énigmes des veufs Noirs; c'est aussi un auteur boulimique, qui a beaucoup écrit, pas toujours pour les meilleures raisons, d'où des écrits effectivement inégaux. il a toujours été d'un féroce humour avec lui-même sur ce sujet. J'ai beaucoup aimé Fondation, l'une des meilleurs Histoires du Futur que nous aient proposé la SF, avec les Seigneurs de l'Instrumentalité.

Je trouve que nombre de personnages ne font effectivement que passer mais n'en demeurent pas moins mémorables, comme lCléon II et le Général Bel Riose (bon, c'est le fan de Warhammer qui parle, Bel Riose n'ayant pas eu l'occasion de devenir Horus, on se dit que l'Empereur a été trop bon). effectivement très peu de personnages féminins mis en avant (comme chez les Veufs Noirs, là aussi), les romans centraux demeurant issus de l'Age d'Or. Le cycle accuse son âge, j'ai d'ailleurs lu que dans la série télé W40K, enfin, Fondation je veux dire,  Demerzel était joué par une femme. Je peux comprendre, mais cela fait bizarre de voir l'androïde central d'Asimov connaître un tel changement. en même temps la série n'est sans doute pas à cela près.
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Message  Dearesttara Mar 9 Nov 2021 - 23:35

Oui, l'aspect ludique est une grande force du cycle, il est pour beaucoup dans le binge-reading enthousiaste qu'il m'a provoqué.
Pour Demerzel, je pense que c'est comme la Roue du Temps. Malgré les siècles et les personnages, les deux figures centrales du cycle sont Seldon et Demerzel, deux hommes donc. Pour équilibrer la parité, je suppose qu'il était fatal de changer le genre d'un des deux. Remarque, Joie utilise les pronoms elle/elles et Fallom est non-binaire (ou bigenre). Je sais qu'Ursula Le Guin avait déjà parlé de personnes agenres à la sexualité fluide, mais c'est fun de voir qu'Asimov aussi avait anticipé sur les nouveaux pronoms et l'écriture inclusive ! Razz

Merci pour le conseil des Seigneurs de l'instrumentalité, je vais l'ajouter à ma collection Very Happy
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Message  Dearesttara Ven 25 Mar 2022 - 23:57

3 mois, c'est le temps qu'il m'a fallu pour venir à bout d'Endymion. Ce 3e tome des Cantos d'Hyperion de Dan Simmons s'est montré en effet une déception de chaque instant. Comme une sorte d'ombre fidèle mais terne des chefs-d'oeuvre précédents.

Un sequel/spin-off de l'aventure des Tombeaux du Temps, pourquoi pas ? D'autant que quelqu'un comme Asimov a montré qu'on pouvait très bien sauter des siècles dans le futur tout en maintenant une histoire intéressante. Le problème est qu'Endymion est constamment enseveli par deux défauts fatals : l'épique aventure contenue sur deux planètes vire au planet opera laborieux (même Terre et Fondation n'était pas si énervant) et les fascinants personnages que constituaient les Pélerins, Keats, les IA, l'entourage de Meina Gladstone... sont remplacés par des aventuriers dilettantes sans consistance. Bon, le caméo de Silenus fait plaisir, même si perso je l'ai toujours considéré comme le plus irritant du groupe initial. Par contre, Lenar Hoyt qui vrille en pape sanguinaire, je ne comprends pas. Je sais bien que le pouvoir corrompt, mais ce n'est nullement expliqué, d'autant qu'Hoyt était plutôt falot dans les premiers romans.

Même en ne comparant pas avec les héros d'Hyperion/La chute d'Hyperion, difficile de se passionner pour le Trio. Endymion est un leader efficace, mais dénué d'aspérités. A l'exception de son coup de sang initial, il reste un aventurier lisse, sans défauts frappants. Énée est piégée dans un statut de Messie en devenir, souvent inactif. Les rares moments où elle agit sont les meilleurs passages du livre (j'apprécie beaucoup son double bluff gonflé à l'hélium face à De Soya), mais sinon, l'action est laissée à Endymion. Son coming-of-age ne décolle pas avant les ultimes pages, la figeant dans un simple état de témoin. Bettik est sympa, mais il n'amène pas grand-chose au trope de l'androïde classique (Demerzel hausse les sourcils au loin).

L'opposition, vraie ou fausse, est bien faible. Remplacer le TechnoCentre, le Gritche, les Extros par une Église de silhouettes est une déperdition terrible. De Soya est touchant par ses doutes, mais il ne peut à lui seul former une opposition inquiétante. Alors on lui adjoint plus tard un T-X qui fait le ménage, mais la sécheresse de Némès fonctionnerait mieux à l'écran, où elle serait source de bonnes scènes d'action sous octane. Sur le papier, elle est juste une action girl létale sans personnalité. Même le Gritche déchoit, passant de créature surnaturelle à l'agenda imprévisible à garde du corps intermittent du Messie. Tout se passe comme si Simmons avait concentré son inspiration sur l'aventure précédente, et n'a plus que des restes fades à nous proposer. Seule la relation trouble entre Raul et Énée parvient à palpiter de temps à autre, Simmons parvenant à établir une relation à mi-chemin entre l'amour romantique platonique et l'amour paternel, tout en évitant d'être scabreux malgré l'âge de l'héroïne. Un tour d'adresse que je dois saluer, le duo ne tombe jamais dans le malaisant.

L'Histoire ne vient pas au secours de personnages moroses. Le gros prélude initial est pourtant la partie la plus intéressante du livre, avec son objectif clair, son action préparée et déclenchée, son suspense face aux tours qu'on attend des Tombeaux. Après, ça se gâte, et Endymion tombe dans un planet opera fastidieux où le trio visite tranquillement des planètes le plus souvent vides, lève parfois la paluche pour donner le change, à la poursuite d'un but flou. Les personnages rencontrés ne sont que des silhouettes, que ce soient les sympathiques Chichatuks ou les gardes de Mare Infinitus. Que c'est long, répétitif, interminable. Le duel des monstres chromés et l'épilogue calme relèvent le niveau, mais qu'on s'ennuie au long de ces 700 pages, qui ressemblent davantage à une novelisation languissante de Stargate qu'un roman du calibre de Simmons.

Finalement, si je suis parvenu au bout du livre, c'est bien parce qu'Endymion conserve le style dense, riche, fluide, habituel de Simmons. Les descriptions sont toujours à tomber, les différentes atmosphères brillamment dosées, et l'allant des phrases, le vocabulaire recherché, permettent finalement de tourner les pages en ne se forçant pas trop. Je vais toutefois me remettre à Jordan avant de retourner une dernière fois sur Hyperion. (**)
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Message  Estuaire44 Sam 26 Mar 2022 - 3:01

Je suis d'accord avec beaucoup de points de cette excellente critique, même si peut-être un peu moins critique. J'ai notamment trouvé les mondes visités suffisamment variés pour maintenir l'intérêt et la vision de Pacem avait du souffle, même si très cliché en soi (comme souvent l'Eglise dans les romans de Space Opéra). Mais c'est vrai que, globalement, c'est nettement moins bon et Raoul est souvent plus ennuyeux qu'autre chose (quel blabla). Il y a eu des erreurs de faites, comme une trop grande césure temporelle, ou une narration à la première personne (aucun suspense) accompagnée d'un récit plus classique.

Oui le Gritche n'est plus ce qu'il était et malheureusement cela n'ira pas mieux ensuite, même si la quatrième partie saura boucler les différentes intrigues en cours avec parfois des surprises (pas de spoiler). Pour Hoyt, je pense qu'il a perdu la Foi et la Grace après avoir vécu la Résurrection, c'est à dire l'essence du mystère du Christ, et que celle-ci se soit révélée bien plus horrifique qu'extatique. Dès lors il a vécu une chute morale et n'a plus considéré l'Eglise que comme un moyen d'assouvir ses ambitions et de perpétuer son immortalité très particulière, s'appuyant plutôt sur sa puissance d'organisation que sur le message des Évangiles.
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Message  Dearesttara Sam 26 Mar 2022 - 3:09

Voilà un précieux contrepoint qui répond à plusieurs de mes questions. Bravo pour Hoyt, ça paraît plus cohérent dit comme ça. J'aime beaucoup l'idée que la Résurrection charnelle 1er degré puisse se révéler une expérience plus traumatisante qu'épanouissante, c'est finalement fidèle à une vision de la SFFF de cette violation des Lois de la Nature qui réclame son dû. Merci Estuaire !  cheers cheers sunny
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Message  Camarade Totoff Lun 28 Mar 2022 - 13:34

A noter : lire "La Chute d'Hyperion".

A noter (suite) : Ne pas lire "Endymion"

Pense-bête : faire un plan de charge pour le siècle à venir (prévoir rallonges).
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Message  Dearesttara Mar 10 Mai 2022 - 22:52

Passé un bon moment avec Les Monades urbaines de Robert Silverberg. Je découvre l'auteur à cette occasion. Ce roman, en réalité 7 tranches de vie à la fois indépendantes et reliées entre elles, ne prétend pas renouveler le genre si fécond de la dystopie, mais se montre souvent marquant par ses troubles amoraux interrogeant constamment le lecteur, même si le worldbuilding se montre quelque peu défaillant.

On sent que Silverberg a bien digéré la Sainte Trinité des auteurs dystopiques : Zamiatine-Huxley-Orwell. Soit donc une Terre du Futur de 75 milliards d'êtres humains, chiffre en expansion, où la quasi-totalité des habitants habitent dans des tours de 1000 étages, avec interdiction d'aller dehors (mais pourquoi aller dehors, alors que tout le monde est heureux dans les monades). Place à une société se mouvant dans une quasi-totale liberté. Tout le monde appartient à tout le monde, tout le monde est bi. Personne n'aurait l'idée de se refuser à autrui (même pas à quelqu'un de sa famille, où est le problème ?). Dans un mouvement hérité de la religion, tout le monde procréé massivement, chacun se trouve un mari ou une femme pour élever une famille nombreuse dès l'adolescence ; 6-7 enfants, c'est le minimum. Personne n'aurait l'idée d'entrer en conflit avec autrui car "les conflits rendent stérile". Bref une Terre pacifiée, mais peu à peu, des personnes font des crises existentielles. Elles doivent être soignées, sinon, elles seront déclarées "anomo" et exécutées sans procès.

Le tour de force de Silverberg est de réussir à proposer une dystopie où les rapports entre êtres sont dénués de conflits, où la frustration, la jalousie, la conquête ont disparu, et de faire sentir comment cet excès de liberté finit par provoquer un vide existentiel croissant. Les persos principaux se bardent d'ailleurs d'interdits pour survivre, comme perdant pied face à cette liberté trop grande pour eux. On peut transgresser les règles comme on veut du moment qu'on ne commet pas l'unique crime : être antisocial. Nul besoin d'un Big Brother ou d'un Bienfaiteur, ici nous avons une société qui s'autogère, sans dirigeant (ce qui est plus effrayant en fait). Certes, chaque monade a ses administrateurs, mais guère plus. C'est très visible avec le personnage de Sigmund Kluver, yuppie de 15 ans appelé à régner sur la monade, mais gavé jusqu'à l'intolérable de sa richesse.

C'est en fait une société anesthésiée par son formatage perpétuel que nous montre Silverberg. Ancien auteur de romans pornographiques, il se montre généreux en scènes graphiques mais au lexique volontairement minimaliste, comme pour décrire une sexualité réduite à une simple mécanique. Evidemment Silverberg s'inspire de la Libération sexuelle (le roman date de 1971) mais ici pervertie. La communion avec le monde entier se réduit aux pilules et à l'échangisme, comme une spiritualité vidée de sa propre substance. Même les pontes ont sombré dans la décadence. L'hypocrisie de cette société égalitariste (tout le monde est logé, nourri et satisfait sexuellement) transparaît dans cette division des monades en étages suivant la classe sociale. Nulle révolte ne se produit car les besoins élémentaires sont comblés et de toute façon, quasi personne ne quitte son milieu d'origine. Le débat quant à savoir si ce formatage est dû à un conditionnement ou une évolution génétique se montre aussi cérébral que trivial tant cela n'a plus d'importance : Silverberg se montre d'un pessimisme terrible.
Il n'existe aucune échappatoire. La société alternative décrite dans la sixième nouvelle n'est pas une utopie du retour à la Nature. Ce qu'il y a d'étonnant est que même en comprenant l'imposture de cette société, les héros des Monades se sentent incapables de la détester et tentent de rentrer dans le moule, réalisant trop tard qu'il n'y a plus de retour arrière.

Au-delà d'un avatar du genre bien balisé, Silverberg bute contre certains écueils. Dans cette société soi-disant égalitaire des sexes, les hommes vont quand même souvent au boulot et les femmes balancent en journée entre enfants et boulot. Un certain sexisme que l'auteur ne semble pas dénoncer. Surtout, pour une société ayant sauté les barrières des orientations, Silverberg ne montre que des scènes hétéros (excepté une rêverie gay). Dans une société sans contraception, le problème d'enfants nés hors mariage n'est pas posé. La nouvelle de la société alternative s'étire en longueur, et les persos féminins sont plutôt bien écrits mais relégués au second plan. Bref, on sent que c'est un roman de son temps. Mais le roman se lit très vite et ne cesse de nous creuser la tête sur ses ambivalences morales et son questionnement des libertés. De la bonne SF donc. (***)
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Message  Estuaire44 Mer 11 Mai 2022 - 11:49

Houlala, cela fera bientôt 40 ans que je l’ai lu celui-ci, mais j’en ai des souvenirs car il s’agit bien d’un Classique. Le livre vaut pour sa place dans la petite histoire de la SF, car emblématique du triomphe de la New Wave (fini l’optimisme béat et asexué de l’Age d’Or quant au Futur) comme de ses liens avec une Contre-Culture effectivement nettement moins féministe qu’il ne pourrait le sembler au premier abord. Il témoigne de ce moment particulièrement fécond de l’œuvre de Silverberg, l’une des plus éclectiques qui soit chez les Maîtres de la SF, que fut le début des années 70, avec une écriture prolifique et de haut niveau. Il évoque aussi l’écho alors connu par le thème de la surpopulation, avec tout un florilège de romans sur le sujet (Billenium, Tous à Zanzibar, Soleil Vert…). J’ai bien aimé également la structure chorale du bouquin, très originale pour l’époque, Silverberg a su utiliser des personnages finement caractérisés pour servir de fil rouge et aller au-delà d’un simple agrégat de nouvelles.

Évidemment le résultat sera inégal en passant d’une section à l’autre, j’avais le deux premières au-dessus du lot. Mais l’auteur sait préserver l’atout de styles et de sujets très variés, assez comme les récits des pélerins des Cantos d’Hypérion. La dystopie à la 1984 ne m’a pas parue très originale en soi, mais ses ressorts se voient exposés avec conviction. Nous l’exposer  via le regard de personnages eux-mêmes souvent en marge est une riche idée. Par contre tous les protagonistes sont jeunes, la question du vieillissement et du traitement réservé aux personnes âgées m’a semblé plus survolé que le sexuel. Mais, quelques soient ses carences ou ses aspects ayant vieilli (les femmes cantonnées au domestique), Silverberg édifie ici comme le manifeste d’une SF ambitieuse : aborder  les failles de nos sociétés (et en définitive de l’être humain) et en explorer le conséquences ultimes : urbanisme, stratification des classes, tabous sociaux... Un livre très riche, fondateur sur le thème des Arcologies. Merci pour cette critique très fouillée !!!
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Message  Dearesttara Mer 11 Mai 2022 - 12:34

Merci de replacer le contexte, on voit d'autant mieux les audaces du livre. Je ne connaissais pas le terme "arcologie", on en apprend toujours avec toi, Estuaire  Very Happy
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Message  Camarade Totoff Mer 11 Mai 2022 - 13:18

Très bonne critique qui me remet Robert Silverberg sous les lunettes. J'ai découvert cet auteur très récemment grâce à ma lecture des critiques de Chapeau melon par notre ami Estuaire. En effet, dans "Cette grandeur qu'était Rome", il est fait mention du roman Roma Aeterna. Je l'ai lu et je l'avais trouvé génial. L'auteur imaginant que l'empire romain a continué donc pas d'islam ni de christianisme. Mon souvenir de la fin est assez vague par contre. Je ne crois pas qu'elle met beaucoup marqué. Néanmoins, une bonne lecture.
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Message  Estuaire44 Mer 11 Mai 2022 - 13:33

L'Empire est renversé par une République, l'Histoire continue... hein
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Message  Estuaire44 Mer 11 Mai 2022 - 13:37

Dearesttara a écrit:Merci de replacer le contexte, on voit d'autant mieux les audaces du livre. Je ne connaissais pas le terme "arcologie", on en apprend toujours avec toi, Estuaire  Very Happy

A côté je ne sais toujours pas me servir d'un QR Code, cela relativise les choses ! Razz
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Message  Camarade Totoff Mer 11 Mai 2022 - 13:44

Estuaire44 a écrit:L'Empire est renversé par une République, l'Histoire continue... hein

C'est sans doute pour ça que je ne m'en souviens plus...
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Message  Dearesttara Mar 20 Juin 2023 - 12:49

Je découvre Arthur C. Clarke avec 2001 : L'Odyssée de l'espace. Je ne suis pas un grand fan du film de Kubrick que je trouve visuellement magnifique (je pense même que peu de films ont une telle qualité visuelle y compris 50 ans après), musicalement brillant, mais très pauvre côté histoire, personnages et worldbuilding. A la lecture du très bon roman de Clarke, j'émets l'hypothèse que les nombreuses qualités du roman étaient en réalité intraduisibles à l'écran, même pour "Stan".

Car Clarke nous fait de la hard SF, parfois à la limite du spéculatif, il y a en effet un sacrifice des personnages tandis que l'histoire se montre très fragmentée, tant d'aspects fatals à l'écran. Mais tout cela est relevé par le côté visionnaire de l'auteur, dont les réflexions sur l'IA, les aliens, l'apprentissage de la connaissance, la montée et le déclin des civilisations, pas seulement terrestres, se montre passionnantes et cohérentes. Pour les années 60, le roman vieillit très bien, malgré le relatif pessimisme scientifique sur la question des aliens (cher Paradoxe de Fermi, je te hais). Et puis la question de l'IA n'a jamais été aussi actuelle, et Hal 9000 demeure un des plus pointus avertissements du genre. Je note aussi que le film de Kubrick se montre volontiers elliptique là où Clarke demeure plus explicite, à tel point que la regression finale de Bowman, inexpliquée et WTFesque dans le film, devient bien plus évidente une fois que l'on comprend la logique des "visiteurs".

Un autre sentiment qui passe mal à l'écran est que malgré son atmosphère, l'action doit primer. Or, l'action n'est pas ce qui intéresse Clarke, qui ne consacre pas plus d'un quart du roman au duel avec HAL. Pour le reste, il dépeint à merveille le fatalisme mélancolique des hommes avant la civilisation (le monolithe), l'hébétude mêlée d'excitation des scientifiques avec la découverte d'AMT-1, la solitude vaillamment combattue des explorateurs de l'espace, le déchirement moral d'HAL... tant de sentiments passionnants à suivre avec les mots mais que Kubrick, malgré son talent, ne peut transmettre avec adéquation. Même si Poole, Bowman, Guetteur de Lune... demeurent schématiques, ce sont ces ambiances mélancoliques, de petitesse face à l'immensité de l'univers et de ses mystères qui font le prix du roman. Sur ce point, ça m'a pas mal rappelé Le Gambit des étoiles (qui contient aussi un passage trip galactique) et c'est un compliment. Alors qu'il ne se passe pas grand-chose, j'ai été littéralement pris par ces ambiances, ces dissertations scientifiques et métaphysiques, cette précision maniaque qui sert de worldbuilding à la hard SF. Car Clarke ne se contente pas de décrire le fonctionnement d'Explorer 1 ou les lunes de Saturne, il rattache tout cela au côté routinier, désacralisé, d'hommes (oui seulement d'hommes, on est en 1968...) qui font juste leur job au quotidien, sans chercher l'héroïsme mais qui à nos yeux le sont. Neil Armstrong a dit une fois à Neil Gaiman qu'il ne se considérait pas comme un héros car "il était juste allé là où on lui a dit d'aller", comme quoi le syndrome de l'imposteur touche tout le monde... Dans cette SF où l'on déchire les limites de l'univers, Clarke célèbre avant tout le quotidien, préhistorique ou futuriste, un sacré tour de force, quitte à s'étirer parfois en longueur (tout le passage sur la Lune ne sert pas à grand-chose). Je ne connais que peu d'oeuvres de SF de ce type si ce n'est ce bijou incompris qu'est le Ad Astra de James Gray.

Le clou du film de Kubrick est son trip final à mon sens, et je dois dire que la version littéraire est au moins à la hauteur. Sans effets visuels ni caméra virtuose, Clarke réussit pourtant à nous étourdir avec le voyage final de Bowman à travers la porte des étoiles (sic !). L'exploration aux confins de l'univers se montre destabilisante à souhait, à la fois luxuriante de merveilles et pourtant oppressante par cet Inconnu qui se referme sur Bowman, entre magie des anciennes civilisations aliens et aller sans-retour, jusqu'à ce final ouvert, à la fois satisfaisante conclusion métaphysique (encore une fois assez proche du roman de Klein) et ouverture vers les volumes suivants que je vais bientôt découvrir de ce pas. Bref, ce premier contact avec Clarke est pleinement opérationnel ! (****)
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