Série "Poupée russe"

Enfin vu Poupée Russe, énième mais plaisante version autour de la boucle temporelle, ce thème inépuisable devenu un passage obligé des séries de l'Imaginaire. Poupée russe diffère du classique Un Jour sans Fin, dans le sens où les protagonistes ne doivent pas s'en sortir en devenant de meilleures personnes mais en se confrontant à leurs traumas (ce que le Rabbin appelle joliment l'Abîme, rejoignant ainsi Batman ; « J'ai contemplé l'Abîme, et l'Abîme m'a rendu mon regard ». Mais il faut avoir la démesure de Bruce Wayne pour résoudre la problématique en devenant ce qui le hante, a contrario les héros vont tenter plus prosaïquement de recoller les morceaux, ce qui nous vaut une prenante construction narrative en forme de puzzle autour du parcours et de la personnalité de Nadia, d'ailleurs bien davantage qu'autour d'Allan : Natasha Lyonne  privilégie son personnage, de manière assez classique quand un comédien principal dirige un projet.

On passe un très bon moment devant Poupée Russe. On apprécie que ce scénario habile se voit porté par une excellente interprétation, à commencer par celle de Natasha Lyonne, et qui comporte quelques bonnes surprises, comme le mini revival Orange is the new black avec la présence de Dascha Polanco, ou des retrouvailles avec Elizabeth Ashley. J'ai aimé également la mise en scène, avec tout un travail sur les décors, intérieurs mais aussi urbains, avec un quartier en soi avenant mais aussi peuplé de dealers, de poivrots, de périls inattendus, quelque part entre les New York de Woody Allen et de Jessica Jones. Les nombreux dialogues, parfois très verts, savent entremêler humour et émotion tout en mettant en place quelques piquantes rencontres. Mais Poupée russe souffre néanmoins d'un certain manque d'originalité.

Ainsi on songe tout de même pas mal à Happy Birthdead, pour la mécanique de l'anniversaire, pour le caractère à la fois fracassé et badass de la vaillante héroïne, la présence clé d'un trauma lié à la mère décédée, certes de nature différente, et jusqu'à la mise en place d'un dérèglement progressif de la boucle, induisant une menace. Sur tous ces points, Poupée russe se montre plutôt supérieure, Happy Birthdead visant moins la subtilité qu'un pastiche rigolard et codifié du genre Slasher. Mais en définitive la série m'aura surtout fait songer à un long double épisode spécial de Tru Calling, où la survie du « client » de Tru serait corrélée à la sienne propre. Et là je trouve que Tru Calling demeure supérieure, car il est dramatiquement plus fort de voir l'héroïne lutter pied à pied contre le Destin au lieu d'en recevoir une aide constante (rencontre miraculeuse avec Allan et tant d'autres hasards providentiels). Par ailleurs Poupée Russe n'assume pas totalement de substituer Ordre et Chaos à Bien et Mal et demeure de facture classique jusque dans le choix d'un happy ending global assez forcé. La série aurait été plus déstabilisante avec un échec terminal.(***)