Série "Fringe"

Vu le pilote de Finge et je dois avouer une véritable déception devant ce pseudo X-Files. Tout d’abord le concept est faussé dès l’origine car les détectives ne sont plus ici confrontés au paranormal, mais en font eux même partie, avec comme résultante une considérable diminution de l’intensité dramatique. En effet à chaque problème le scientifique (le sorcier à ce niveau) a une solution miracle, bricolée en quelques heures (qui plus est après un décrochage de 17ans tandis que le progrès technique s’intensifiait toujours davantage). Cela en devient infantile. Si toutes les situations continuent à se voir résolues aussi aisément par le MacGyver du Paranormal , la série va vite devenir répétitive et lassante (en plus d’idiote).

De plus dans les X-Files le scepticisme de Scully autorise des duels souvent désopilants avec Mulder, tant ses raisonnements sophistiqués apparaissent plus énormes encore que les thèses surnaturelles. Or ici la posture similaire du fiston ne se traduit que par de l’ironie balourde et crispante à force de répétition. Un trio reste toujours plus difficile à équilibrer tout en instaurant une dynamique qu’un duo et de fait le personnage du fils apparaît comme le talon d’Achille d’un groupe auquel il n’apporte que fort peu de choses, si ce n’est de la lourdeur. La série gagnerait en efficience en se limitant à l’agent du FBI, éventuellement sceptique, et à l’illuminé parano. Hum, cela semble une bonne idée, on tient un sujet, là. Il faut dire que les personnages apparaissent souvent totalement lisses et dépourvus d’épaisseur, hormis le professeur incarnant il est vrai la spécificité de la série. John Noble (qui incarnait déjà les vieux cinglés avec Denethor…) lui insuffle une vraie personnalité, tandis que Anna Torv convainc, dans le cadre limité de son personnage. Le reste de la distribution parait en deçà.

Mais ce qui irrité le plus agaçant demeure la mise en scène, avec sa propension forcenée à l’épate et au spectaculaire facile : images oniriques pompières, insertions des commentaires dans l’image encore plus colossale que dans Heroes, apparitions d’idéogrammes abscons, course poursuite automobile totalement inutile, bras cybernétique totalement hors sujet… Ces insertions d’images chocs n’ont d’autres fonctions que de montrer l’argent au chaland et de tenter de dissimuler le manque criant de profondeur et d’intensité d’une série marquée par une infantilisation dramatique par comparée à son modèle.

Alors effectivement il ne s’agit que du pilote (mais celui des X-Files hissait déjà la barre beaucoup plus haut) et le fameux Projet semble effectivement prometteur. Reste qu’il faut absolument que Fringe donne plus d’épaisseur à ses personnages et sorte de ce schéma initial inepte de l’invention géniale parant la menace à coup sûr. Sinon, au delà de quelques épisodes je passerai l’été sans Fringe (et sans regrets).

Vu les épisodes deux et trois. La même impression demeure, avec un sentiment d'abattement en prime. La martingale de l'invention miraculeuse semble désormais bien ancrée, avec comme conséquence de rendre la série terriblement répétitive tout en désamorçant le suspens de chaque épisode. Avant sionternement le génie universel (la liste de ses découverte et compétences donnerait le tournis à Mrs Peel) avaient dissimulé ses inventions dans diverses caches et, 17 ans plus tard, il en révèle à chaque fois une contenant l'élément permettant de combattre le fléau de la semaine. On se situe exactement au niveau du Géo Trouvetou de Picsou Magazine. Le modus operandi est à chaque fois similaire : après une séquence d'intro bien réalisée il est vrai (mais à des lieues de ce que pouvait offrir un Kim Manners), se produit un brouillon d'intrigue hyper classique et téléphonée conduisant à la révélation de l'invention puis à la résolution des plus rapides du problème.

On se demande où est passé Darin Morgan même si on reconnaît sa patte dans la dinguerie attendrissante et l'humanité du scientifique, pour l'instant la seule spécificité intéressante de Fringe. L'Agente du FBI est sympa mais ne dégage pas grand chose (elle me rappelle Dakota), même si l'interprète est convaincante. Je ne supporte plus le personnage du fils, aux dialogues d'une lourdeur totale et qui ne sert à rien sinon à développer artificiellement l'histoire rachitique s'étendant entre le Fléau et l'Invention. Son humour idiot et agressif me hérisse les nerfs. Les méchants promettent, c'est vrai, mais pour l'instant, tiennent peu. Et puis il exsude de la série une fascination pour le pouvoir et le fric qui moi m'indispose. Là où les X-Files laissaient savamment entrevoir et travailler l'imagination à propos du pouvoir du Complot (avec des réunions toujours dans des appartements anonymes ou des terrains vagues), Fringe exhibe et assène, cherche à en mettre plein la vue. Le compte à rebous est déclenché en ce qui me concerne.

Ah, visiblement les auteurs ont bien compris les faiblesses de leur ouvrage et tente d’y remédier par des manoeuvres ayant le mérite d’exister ; quelque peu cousues de fil blanc mais néanmoins intéressantes à suivre du point de vue de l’écriture.

Premier front : le manque d’envergure et de densité des personnages. Concernant l’Agent Dunham, la série s’évertue à lui donner une personnalité et une aura en lui construisant ex nihilo un passé traumatisant. C’est un tantinet artificiel mais Darin Morgan a toujours manifesté un grand talent pour la psychologie de ses personnages et le puzzle s’assemble bien, éclairent astucieusement les actes et la rage de la diaphane enquêtrice. Son supérieur (lui même moins monolithique en se découvrant des amis) se voit également mis à contribution en soulignant avec application à quel point elle est forte, battant douée etc. Pour le vain et irritant Peter le problème s’avère plus identifiant encore, car il s’agit déjà de lui trouver une utilité. Alors on tache de lui tricoter une relation avec la méchante de service, de lui faire participer aux travaux de papa, de remplir un rôle dans l’enquête (essentiellement de grouillot), bref de le faire exister. Ici la sauce ne prend pas du tout et Peter continue de résulter avant tout comme un boulet qu le récit doit traîner sans quasiment aucune contrepartie réelle. Son statut de Talon d’Achille grand train de Fringe se rehausse encore par le jeu bien trop caricatural d’un Joshua Jackson semblant décidément de disposer d’aucune marge de progression, alors que la très charmante Anna Torv ne cesse d’apporter éclat et subtilité à son jeu, son évolution depuis un pilote où elle était des plus transparentes s’avère même étonnante. Le Prof reste lui l’atout maître de la série, les auteurs se contente de maintenir la drôlerie de ses dialogues, cela fonctionne sans réserves.

Second front : le caractère répétitif et par conséquent lassant des intrigues. C’est avec un zèle presque touchant les auteurs assènent lourdement que cette fois le Doc n’a pas travaillé sur le fléau du jour, qu’il n’a aucun plan miracle préétabli, que houlala que va-t-il advenir ? etc. Au total rien ne change, il bricole un gadget qui résout tout comme de coutume (McGyver, si tu nous lis), mais on a effectivement ressenti un petit frisson durant quelques minutes. La série tente te également de pérenniser l’apport de son intrigante mythologie à ses loners, via un nouveau groupe d’illuminés très prometteurs dans la cruauté démente, nous valant des Monstres de la Semaine pas piqués des vers. Les histoires se voient également pimentées avec un afflux nouveau de gore et de suspens. Certains scènes se montrent ainsi très organiquement explicites, et là rien à dire, c’est goûteux à souhait. Par ailleurs Fringe qui reste avant tout une série surfant sur l’air du temps et les modes plutôt que creusant son propre sillon, distille désormais des scènes de suspens très efficaces mais pompées de manière très marquée sur 24hchrono (compte à rebours, héroïne improvisant en permanence sans respect des règles, séparation du front et du backstage, cause supérieure et incontestable justifiant des positions dérangeantes, instants paroxystiques etc.). Tout ceci ne relève pas de l’originalité la plus débordante qui soit, mais, les chiens ne faisant pas des chats, fonctionne avec l’efficacité d’une machinerie bien huilée.


Au total ces grandes manoeuvres se voient comme le nez au milieu de la figure mais, y compris avec un peu de maladresse de sa part, on apprécie de voir la série refuser de s’ankyloser, se débattre pour survivre. Les auteurs prennent le taureau par les cornes et n’hésitent pas devant une certaine audace, on apprécie vivement cette approche. Le tout maintient l’espoir d’une série qui finirait par tenir ses promesses et relève d’ores et déjà l’intérêt du spectacle. Finalement je regarderai toute la saison de Fringe, dont on sent qu’elle peut encore ménager des surprises d’ici sa conclusion et constituer une série appréciable à défaut de majeure. Pas si mal par les temps qui courent.