Série "Astrid et Raphaëlle"

Certaines personnes ont de bonnes idées quand même ! Lorsqu’ils ont commencé à travailler sur un projet de série en 2017 (un unitaire - « Puzzle » - qui pouvait valoir pilote en cas de succès), Alexandre de Seguins et Laurent Burtin voulaient un personnage autiste. Un autiste oui mais qui soit éloigné du cliché de « l’autiste de génie ». Le scénariste Alexandre de Seguins s’est donc beaucoup documenté. En 2019, est livré « Astrid et Raphaëlle » et c’est un carton qui entraîne la commande d’une première saison de 8 épisodes. Deux autres suivront et une quatrième est déjà commandée.

Le personnage autiste est celui d’Astrid Nielsen campé par Sara Mortensen. La transformation de l’actrice est phénoménale ! Démarche, voix (la voix d’Astrid est reconnaissable entre mille, presque robotique), coiffure (frange avec deux mèches encadrant le visage) et vêture ultra-classique ; le travail de la comédienne est impressionnant et franchement réussi. Dans la série, Astrid est chargée de documentation à la Documentation criminelle de la police judiciaire. L’institution existe mais le bâtiment montré à l’écran est celui des Archives départementales du Val de Marne. Elle a été placé là par son père, un policier mort en service (cette histoire constituera le final de la saison 3) qui connaissait le directeur Alain Gaillard (Geoffrey Thiebault, plein d’empathie ; à mille lieux de son rôle de salopard dans Braquo !) qui voulait qu’Astrid puisse trouver sa place après avoir été lâché par l’Éducation nationale (qui prend cher sur sa gestion des handicapés ; les psychologues sont également sévèrement épinglés à plusieurs reprises). Recherche minutieuse, ponctualité, rigueur : Astrid va s’épanouir à la Doc. C’est par ce biais qu’elle va croiser la commandante Raphaëlle Coste, incarnée par Lola Dewaere (fille de).

Celle-ci, plutôt bordélique dans son fonctionnement (y compris avec sa hiérarchie), va curieusement s’entendre à merveille avec cette rigoriste patentée ! Comme le disent les scénaristes, les deux femmes s’équilibrent. Raphaëlle emmène donc Astrid sur le terrain (« Je suis capable. Je suis qualifiée » dira Astrid ; ce qui constitue quasiment le gimmick de la série) et cette amitié, ce nouveau mode de fonctionnement va permettre à Astrid de s’ouvrir. En saison 2, elle fait la rencontre de Tetsuo Tanaka (Kengo Saito) avec qui elle noue une relation sentimentale. En retour, le regard clinique d’Astrid sur les relations entre « neurotypiques » (ceux qui ne sont pas autistes) va amener Raphaëlle à regarder différemment le monde autour d’elle et, par exemple, ouvrir les yeux sur ses sentiments envers un collègue, qui, las d’attendre que cette dernière daigne le regarder, s’est mis en couple avec une autre femme ! Fin de la saison 3, Raphaëlle avoue ses sentiments à son collègue. On attend de voir ce que cela donnera en saison 4 !

Cette dimension « personnelle » apporte la touche d’humanité indispensable pour accueillir les personnages et s’attacher à eux et c’est pleinement réussi. L’écriture des épisodes, de son côté, est habile et intègre à plusieurs reprises des éléments fantastiques ; toujours expliqués ensuite dans une lignée qu’on peut faire remonter à Jean Ray. On a ainsi une maison hantée (« Hantise », 1-1), l’alchimie (« Fulcanelli », 1-5), les extraterrestres (« Le paradoxe de Fermi », 2-3), la sorcellerie (« Circé », 2-5), le Golem (« Golem », 2-6), le vampirisme (« Sang d’or », 3-6). Une vraie marque de fabrique ! Si la série peux s’apparenter au classique tandem « policier-expert » vu et revu, la forte symbiose entre les deux personnages et ces éléments de « fantastique rationalisé » lui donnent un cachet original, savoureux et captivant.

Interprètes
Sarah Mortensen/Astrid Nielsen : actrice française, vue à la télévision dans Paris enquêtes criminelles (2007), Engrenages (2008), Femmes de loi (2009), Plus belle la vie (274 épisodes, 2012-2019), Le déclin de l’empire masculin (2013), Clem (2015), Chefs (8 épisodes, 2016), Nina (2017), Les mystères de la basilique (2018), L’Art du crime (2021), Tropiques criminelles (2022), L’Abîme (2023) ; au cinéma dans L’idéal (2016), La deuxième étoile (2017), Déflagrations (2021)
Lola Dewaere/Raphaëlle Coste : actrice française vue au cinéma dans Mince alors ! (2012), Tu es si jolie ce soir (2014), Les derniers Parisiens (2016) et à la télévision dans La croisière (6 épisodes, 2013), La vengeance aux yeux clairs (14 épisodes, 2016-2017), Le tueur du lac (2017), Crimes parfaits (2019), Peur sur le lac (2020), OPJ Pacifique Sud (6 épisodes, 2022). Elle incarne le personnage récurrent de Carole Martinez dans Crime dans le Lubéron (2018), Crime dans l’Hérault (2019), Crime dans le Larzac (2020), Crime à Biot (2021), Crime à Ramatuelle (2022).

Scénario :  Alexandre de Seguins et Laurent Burtin  
Réalisation : Elsa Bennett et Hippolyte Dard

Résumé
Après avoir retiré une grosse somme de son compte, un homme se suicide en s’immolant par le feu. Malgré son peu d’enthousiasme pour cette affaire, la commandante Raphaëlle Coste doit s’en occuper. Elle va rencontrer Astrid Nielsen, documentaliste à la Documentation criminelle qui va lui apporter de l’aide et, surtout, un autre point de vue.

Critique
L’exercice de présenter les personnages tout en déroulant une histoire intéressante et qui ne soit pas seulement un prétexte est délicat mais Alexandre de Seguins et Laurent Burtin y parviennent grâce à une durée de 90 minutes. A la base, cet épisode « pilote » était un unitaire pouvant servir de pilote en cas de succès. Ce fut le cas.


L’histoire est en soi intéressante car elle réussit à se développer en partant d’une impasse : un suicide. Si Raphaëlle enquête, c’est qu’elle y a été forcé par son supérieur. Ensuite, son intelligence va lui faire comprendre qu’il y a plus mais c’est un « accident » qui va décider du « saut quantique » de l’enquête : elle reçoit un dossier qu’elle n’a pas demandé lorsqu’elle se rend à la Documentation criminelle pour en savoir plus. Et qui lui apporte ce dossier supplémentaire ? Astrid Nielsen. Pourquoi faire cela ? Parce qu’« il y a un faisceau d’indices concordants » liant ces enquêtes. Voici le premier gimmick de la série en gestation. Rien que dans ce pilote, on l’entend trois fois.


Quand on regarde ce pilote après avoir vu la série, on savoure davantage encore le premier « crash » entre Astrid et le docteur Fournier, le médecin légiste. Celui-ci, imbu de sa science, s’arrête aux premières constatations et ne va pas chercher plus loin s’il ne le juge pas nécessaire. Or, voilà qu’une inconnue vient le chercher sur son propre terrain et le bat ! Pour la première fois (mais pas la dernière), Fournier ricane, râle mais s’exécute...et doit donner raison à Astrid. Husky Kihal donne une interprétation vraiment revêche de son personnage, clairement hostile à Astrid. Ce jeu se justifie d’un point de vue narratif par la contestation de son expertise par un amateur. Se jugeant attaqué sur son terrain, Fournier commence logiquement par se défendre et la meilleure défense étant l’attaque, il se montre plutôt agressif.


La série a ceci d’intelligent qu’elle présente l’autisme avec simplicité, sans effet dramatique. A cet égard, la séance du groupe de parole auquel participe Astrid (et qui va devenir un passage obligé des futurs épisodes) est une séquence sensible, intéressante, sans tabou ni misérabilisme dotée d’une grande force émotionnelle. De quoi nettement relativiser le concept, très contestable, de « normalité ». En outre, le pilote ne fait pas l’impasse sur les difficultés que rencontrent Astrid pour se mouvoir dans un univers qui n’a pas été conçu pour elle. Sara Mortensen restitue avec force la souffrance que traverse Astrid et l’on constate avec gêne la bêtise de trop nombreuses personnes qui ricanent et se croient supérieures parce que l’autre est différent. Le psychologue qui affirme péremptoirement au père que sa fille ne s’adaptera jamais n’est que le premier de ces praticiens qui ne comprendront rien à la jeune fille. Pourquoi s’intéresser d’ailleurs à cette personne « anormale » ? Plutôt la mettre dans une institution ! Ce n’est quand même pas à la société qui doit s’adapter aux handicapés !


Question présentation des personnages, on est royalement servi ! Raphaëlle est donc une policière fonceuse, bordélique, peu enclin à obéir mais obstinée, sensible et pleine d’empathie. A un seul moment, elle perdra son sang-froid face à Astrid parce que celle-ci, désemparée par l’imprévisibilité de la policière, lui lâche tout de go ce qu’elle pense d’elle. C’est la seule et unique crise entre les deux femmes mais elle est fondatrice de la solide amitié qui va naître. Prestation réussie pour Lola Dewaere qui rend parfaitement crédible cette enquêtrice tenace mais pleine d’humour, capable de dureté et de tendresse selon ses interlocuteurs. On s’incline évidemment devant le jeu éblouissant de Sara Mortensen. Si, au départ, elle cherche encore la voix de son personnage, l’élocution quasi mécanique d’Astrid vient petit à petit. Autant Raphaëlle est bordélique, autant Astrid est minutieuse (et nous explique pourquoi), réfléchi, sérieuse et patiente. Obstinée aussi : elle veut trouver absolument la résolution d’une énigme. On sourit lorsque Astrid est désarçonnée quand Raphaëlle répond « Ouais » alors qu’elle avait prévu d’entendre « Allô » et que cela met à bas tout le scénario qu’elle avait construit ! On sourit mais on comprend l’effort qu’elle avait dû faire. Saluons aussi les entrées réussies de Benoît Michel, le collègue bienveillant de Raphaëlle et de William, l’informaticien autiste qui donne à Raphaëlle la clé pour capter l’attention d’Astrid. Sans lui à ce moment précis, c’en était fini de leur association partant de leur amitié et donc du plaisir de les revoir.


Informations supplémentaires :
Diffusion le 12 avril 2019.
Astrid a toujours deux parapluies sur elle au cas où le premier ne fonctionnerait pas.
Raphaëlle aime jouer à « Word of Warcraft » avec son fils Théo.
Astrid ne connaît pas « l’affaire Landru », le tueur en série du début du XXème siècle.
Le collège où Astrid va chercher Théo s’appelle « Elsa Bennett » ; la co-réalisatrice du pilote.
Raphaëlle sollicite le meneur du groupe de parole d’Astrid afin d’infiltrer l’ordinateur d’un certain Yann Malcolm, qui n’est autre que le nom du personnage joué par Jeff Goldblum dans Jurassic Park (Ian Malcolm). Deux des victimes s’appellent respectivement Alain Grant (Alan Grant) et Trouduc Nedry (Dennis Nedry), tous deux protagonistes de ce même film. Raphaëlle contacte également par téléphone un certain Dr Thierry Rex (référence au T-Rex ou Tyrannosaurus rex).
Astrid explique à Raphaëlle que la mémoire n’est pas extensible à l'infini ; il s’agit de la même explication que celle que fournit Sherlock Holmes au docteur Watson au début de leur relation dans le roman Une étude en rouge.
Le choix de la cattleya constitue une allusion au roman de Marcel Proust, Un amour de Swann où le personnage principal utilise l’expression « faire cattleya » pour désigner un rapport sexuel. Enfin, la variété mentionnée, Cattleya trianae, est endémique de la Colombie, d’où la coupable est originaire.
Benoît Michel/capitaine Nicolas Perran : acteur français, surtout présent à la télévision dans Cœur Océan (2011), Clem (21 épisodes, 2013-2017), Fais pas ci, fais pas ça (7 épisodes, 2013-2017), Commissaire Magellan (2015), La vengeance aux yeux clairs (14 épisodes, 2016-2017), Camping Paradis (2018), Meurtres à… (2 épisodes, 2018, 2020), Un si grand soleil (40 épisodes, 2019).
Husky Kihal/Henry Fournier : acteur français, on a pu le voir au cinéma dans Recto/Verso (1999), Avant qu’il ne soit trop tard (2005), Taxi 4 (2007), 48 heures par jour (2008), Carbone (2017), Les Tuche 4 (2021). Il travaille surtout pour la télévision : PJ (2002), Central nuit (2003), Boulevard du Palais (2003), Fargas (2005), RIS : police scientifique (2 épisodes, 2006, 2009), Les Bleus : premier pas dans la police (2007), Section de recherches (2008), Plus belle la vie (17 épisodes, 2009), Diane, femme flic (2010), Les Dames (2014), Le bureau des légendes (3 épisodes, 2015), Balthazar (2018), HPI (2021)
Geoffrey Thiebaut/Alain Gaillard : acteur français, surtout vu à la télévision : Les enquêtes caméléon (1987), Commissaire Moulin (1993), L’homme aux semelles de vent (1995), L’allée du roi (1996), Boulevard du Palais (1999), Diane, femme flic (2003), Plus belle la vie (9 épisodes, 2005), RIS police scientifique (2008), La reine et le cardinal (2009), Braquo (2009-2016), Profilage (2013), Meurtres à… (3 épisodes, 2018-2021), Commissaire Magellan (2019) ; au cinéma dans La Révolution française (1989).
Jean-Benoît Souilh/William : acteur français, mis sa part une participation à la série Munch (2018), Astrid et Raphaëlle est son principal fait d’armes.
Ces quatre acteurs seront conservés dans la série.
Daniel Njo Lobé/commissaire Carl Becher : acteur français vu au cinéma dans Sahara (2005), Love (et ses petits désastres)[2006], A l’aveugle (2012), A tous les vents du ciel (2016) ; à la télévision dans Diane, femme flic (2003), Plus belle la vie (15 épisodes, 2005), Femmes de loi (2006), Avocats et associés (2007), Équipe médicale d’urgence (2006-2010), Boulevard du Palais (2013), Engrenages (2014), Marseille (11 épisodes, 2016-2018), Section de recherches (2017), Les Rivières pourpres (2 épisodes, 2018), Nina (2019), Meurtres à… (2 épisodes, 2019-2020), Le Code (12 épisodes, 2021-2023), Cassandre (2022). Il n’apparaît pas dans la série.

Scénario : Alexandre de Seguins et Laurent Burton  
Réalisation : Elsa Bennett et Hippolyte Dard

Résumé
Un avocat meurt brusquement lors d’un procès très médiatique. Il serait mort de peur !

Critique
Le démarrage de cet épisode rappelle le pilote : le point de départ ne ressemble pas à une scène de crime et les héroïnes sont d’abord filmées de dos. L’arrivée d’un nouveau collègue dans l’équipe de Raphaëlle – Arthur – donne l’occasion à celle-ci de lui expliquer – ainsi qu’aux spectateurs car un an s’est écoulé depuis le pilote – pourquoi Astrid est à ses côtés.

Sourire obligatoire quand le docteur Fournier pontifie que ce n’est pas un meurtre mais une banale crise cardiaque et qu’il est contredit par Astrid qui inverse la logique du praticien (ce n’est pas l’arrêt du cœur qui cause la peur mais la peur qui cause l’arrêt du cœur) et lui indique que son hypothèse est vérifiable par une autopsie. Fournier doit s’incliner...et Astrid a raison. Si le commissaire a changé de tête, Jean-Louis Garçon reprend le jeu de son prédécesseur : Raphaëlle le « gonfle » à trouver des crimes partout et à ne jamais faire ce qu’on attend d’elle. Il se montre par contre ouvertement sceptique sur la présence d’Astrid ; ce qui crée une menace potentielle pour notre duo d’héroïnes.


L’affaire en elle-même ne manque pas de complexité dans cette première partie. Un appel téléphonique à la victime amène Astrid et Raphaëlle à s’intéresser à un certain Max Ribaud qui a disparu deux jours plus tôt. Son épouse veut quitter leur maison car celle-ci l’angoisse ! Des phénomènes étranges se produisent depuis plusieurs mois. Raphaëlle accueille ce témoignage avec circonspection mais déchante vite. Excellente réalisation d’Elsa Bennett et Hippolyte Dard car, en quelques minutes, ils installent une atmosphère, donne de la profondeur et de l’épaisseur à celle-ci ; la maison devient menaçante. Ajoutons qu’elle a un lourd passé criminel exhumé par Astrid et voici nos enquêtrices confrontées à une « maison hantée » !

L’épisode installe aussi les souvenirs d’enfance d’Astrid (jouée par Sylvie Filloux, remarquable) – on retrouve également la crise de panique devant une situation ingérable pour elle - et ils dramatisent l’ensemble donnant une plus grande force à la série qui n’est pas une série policière de plus. Police oui, humour oui, émotion surtout. Comment ne pas être mal à l’aise devant la bêtise et la méchanceté de ces enfants ? Comment ne pas comprendre la colère (contenue) du père d’Astrid devant la lâcheté de la directrice qui, « pour le bien d’Astrid » - car c’est toujours pour le bien – conseille de la placer « dans un institut plus spécialisé » (surlignement à dessein). Notons l’euphémisme !

Informations supplémentaires :
Apparition du casque anti-bruit d’Astrid.
Il y aurait 600 000 autistes en France en 2020.
Selon le site cassetete.org, un entrecroisé de Boer est « facile » !
Meledeen Yacoubi/lieutenant Arthur Enguien : acteur français, il est présent dans tous les épisodes. Sa carrière débute pratiquement avec cette série.
Jean-Louis Garçon/commissaire Carl Becher : il reprend le rôle joué par Daniel Njo Lobé. Vu à la télévision dans Falco (2016), Balthazar (2018), L’art du crime (2021) ; au cinéma dans Bienvenu au Gondwana (2016), Hors du monde (2020)
Aliocha Itovitch/Angus Nielsen : vu à la télévision dans Docteur Sylvestre (2001), Une femme d’honneur (2004), Le juge est une femme (2006), RIS police scientifique (2008), Section de recherche (2014), L’art du crime (2018), Plus belle la vie (45 épisodes, 2020), Balthazar (2021). Il jouera à 11 reprises dans la série.

Scénario : Alexandre de Seguins et Laurent Burtin  
Réalisation : Elsa Bennett et Hippolyte Dard

Résumé
Grâce à Astrid, Raphaëlle fait le lien entre un familicide en 1995 et la mort de l’avocat. Mais, surmenée, Astrid s’effondre et son tuteur s’interroge sur l’opportunité de poursuivre sa collaboration avec Raphaëlle.

Critique
Prenant directement la suite du précédent, cet épisode commence par une belle frayeur de Raphaëlle qui l’envoie dans les pommes ! La maison hantée a encore frappé ! Mais, grâce à Astrid, des traces de sang et de la farine vérolée sont découverts et ça va tout changer. On apprécie plus tard le fatalisme du docteur Fournier : « J’arrête de poser des questions. Je sens que je ne vais pas aimer les réponses » et Raphaëlle de confirmer du regard ! Il est aussi ouvertement méfiant envers Astrid. La suite de l’enquête mêle militantisme d’extrême-droite dans les années 1990, naissance illégitime, présence d’un graffiti en arabe et tout ça s’explique le plus logiquement du monde. Il suffit, comme dans un entrecroisé de Boer, de trouver le « verrou », la pièce qui commande tout.

L’épisode est surtout intéressant parce qu’il creuse la relation Astrid/Raphaëlle et la questionne. Est-elle viable sur le plan policier (interrogation du commissaire) mais est-elle bonne pour Astrid ? La jeune femme s’effondre en effet, victime d’un burn-out. Incapable de savoir où sont ses limites, elle s’est épuisée à vouloir suivre Raphaëlle, à interagir dans le monde. Ce sont deux séquences très dures pour la première et émouvante pour la seconde car son tuteur est très préoccupé. Geoffrey Thiebault est juste parfait ; à la fois strict et en position d’autorité face au commandant Coste mais plein d’empathie envers Astrid. Laquelle veut juste « pouvoir gérer les imprévus ». La preuve de confiance que manifeste la documentaliste envers la policière va décider Gaillard à faire confiance. Après tout, faire confiance, c’est prendre un risque.

Informations supplémentaires :
Dans les deux premiers épisodes, Laure Gana et Wilfred Tarquin sont des références à deux protagonistes de Star Wars (Leïa Organa et le général Wilhuff Tarkin). Il est également fait furtivement référence à un certain Monsieur Jaba né à Tataouine (pour Jabba le Hutt vivant sur la planète Tatooine).
Lorsqu’Astrid parle du « syndrome post-hallucinatoire persistant » de Laure Gana, Raphaëlle traduit par « Elle est restée perchée toute sa vie ».
Astrid fait référence à l’affaire des « Possédés de Pont-Saint-Esprit » dite « affaire du pain maudit » qui eut effectivement lieu en 1951, en août précisément. Il y aura sept morts, 50 personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques et 250 atteints de symptômes plus ou moins graves. Si Astrid incrimine l’ergot de seigle, cela reste une hypothèse, la plus plausible mais qui n’a nullement été démontrée. En 2009, la CIA a été suspectée d’avoir procédé à une pulvérisation de LSD.
Principe de Locard : le principe d’échange, énoncé par le pionnier de la police scientifique Edmond Locard, détermine que lorsque deux corps entrent en contact l’un avec l’autre, il y a nécessairement un transfert entre ceux-ci. En d’autres termes, lorsqu’un acte criminel se produit, l’individu responsable laisse des traces de sa présence et emporte avec lui des traces du lieu où il se trouvait. (Source : Wikipédia)
Charlélie Couture/le père Bouilloux : chanteur, compositeur, peintre, écrivain, graphiste et photographe, il s’inscrit dans le courant « multiste » des artistes pluridisciplinaires. On lui doit notamment la chanson « Comme un avion sans aile » (1981). En 2020, il reçoit le prix Heredia de l’Académie française pour son livre de poèmes, « La mécanique du Ciel ».
A noter que le nom du personnage de Charlélie Couture est aussi celui du producteur Jean-Sébastien Bouilloux.

Scénario : Alexandre de Seguins et Laurent Burtin      
Réalisation :  Elsa Bennett et Hippolyte Dard

Résumé
Une jeune paléontologue est retrouvée morte noyée au milieu du Museum national d’histoire naturelle.

Critique
Voici le premier épisode « classique » de la série puisqu’il dure 50 minutes mais les scénaristes maîtrisent désormais suffisamment bien leurs personnages pour faire tenir une enquête criminelle et quelques éléments personnels dans ce laps de temps.

Ils ont aussi identifié le potentiel comique des confrontations Fournier/Astrid ; entre le légiste revêche et la jeune autiste toujours polie, le courant ne passe toujours pas. Là, il conteste formellement la conclusion de la jeune femme et Nicolas soutient Fournier contre Astrid. Une question de « bon sens ». Fournier va même jusqu’à parier...et il perd ! Savoureux moment où c’est avec une élocution embarrassée et quelques circonvolutions qu’il admet sa défaite. Le plus cocasse, c’est qu’Astrid passe largement au-dessus de ce genre de considération. Excellente prestation d’Husky Kihal ! Notons qu’à la différence des séries américaines où les corps sont toujours présentés couverts, ici, le corps de la victime est montré nu.

C’est un tatouage parmi d’autres, mais identifié dès le départ (et même par Fournier qui le signale à Astrid, et il est pas peu fier de ça !), qui va indiquer le mobile du meurtre à Raphaëlle et, partant, l’identité du coupable. Dans la série Bones, un épisode s’appelle « Publier ou périr » (4-19) : c’est exactement ça. L’arrivée de Richard Gotainer qui joue le tatoueur est un grand moment d’équilibre scénaristique puisqu’il délivre des informations importantes et le spectateur rigole en même temps. Le chanteur/acteur s’amuse aussi visiblement !

Question vie personnelle, Astrid est très perturbée de n’avoir pu faire ses courses en temps et en heure puisque Raphaëlle lui a demandé de venir « toutes affaires cessantes » ; une phrase facile à comprendre pour un neurotypique mais qui plonge la jeune femme dans une panique certaine. Raphaëlle trouvera une solution et en apprendra un peu plus sur son amie créant une nouvelle habitude avec elle.

Informations supplémentaires :
SOS Fantômes est mis à l’honneur : la victime se nomme Diana Barrette, son ancien petit-ami Pierre Venkman, et son patron Raymond Stan (Dana Barett, Peter Venkman et Ray Stanz).
Astrid parle japonais.
Museum national d’histoire naturelle : établissement d’enseignement, de recherche et de diffusion de la culture scientifique naturaliste. Fondé en 1793, il a pris la suite du Jardin du Roi qui remontait à 1626.
Ornithischiens/Saurischiens : ce sont les deux divisions des dinosaures basés sur la forme du bassin ; les premiers « en forme d’oiseau » (uniquement des dinosaures herbivores) et les seconds « en forme de lézard » (les bipèdes et l’entièreté des dinosaures carnivores et piscivores).
Richard Gotainer/Levinas : chanteur et acteur français, il débute comme publicitaire. On lui doit notamment le « On se lève tous » pour une célèbre marque de dessert. C’est la chanson de variété qui le fait connaître dans les années 80 comme Le mambo du décalco (1982) ou Le Youki (1984). Il a sorti 10 albums depuis 1977. Au cinéma, on l’a vu dans Hygiène de l’assassin (1998), Les Parisiens (2004). A la télévision dans H (2000), Paris 16ème (2009). Il reviendra la saison suivante.
Le nom « Levinas » fait référence au philosophe Emmanuel Levinas.

Scénario : Alexandre de Seguins et Denis Alamercery    
Réalisation : Elsa Bennett et Hippolyte Dard

Résumé
Un auteur de romans policiers est retrouvé mort chez lui. Logiquement, c’est un suicide puisque la pièce est close mais Astrid relève le détail qui renverse cette logique.

Critique
Le classique des classiques du roman policier ! Le meurtre en chambre close ! Il est logiquement impossible mais il a eu lieu quand même. Le scénario commence par rejeter toute possibilité d’intrusion extérieure avant de trouver le détail minuscule mais déterminant qui prouve indubitablement le meurtre. Que la victime écrive des polars est un petit plaisir supplémentaire.

D’autant que, non contents de rendre hommage à Gaston Leroux (ainsi que le remarque Nicolas, le pseudonyme de l’auteur renvoie directement au Fantôme de l’Opéra), les scénaristes s’offrent un effet miroir avec Romain Gary, auteur de la plus grande supercherie de l’histoire littéraire française.   Le miroir va plus loin puisque le mort écrivait des romans adulés du public et boudés par la critique (des « romans de gare ») alors qu’un autre publie des romans qui n’intéressent que les critiques. Facile mais révélateur et qui vise juste. L’effet miroir se poursuit jusqu’à la citation finale quand Astrid demande à Raphaëlle : « Croyez-vous que nous sommes des personnages de fiction ? »

Choisir Stéphane Guillon pour incarner le romancier Alain Lamarck surprend de prime abord puisqu’il est plus connu pour ses spectacles d’humour acide que pour sa carrière de comédien mais il est absolument remarquable, bluffant de véracité mêlant séduction et dangerosité sous un vernis mondain. C’est simple : on croit presque tout ce qu’il dit et déterminer la vérité du mensonge est extrêmement compliqué. Tellement complexe que c’est grâce à Théo que Raphaëlle va avoir le déclic.

Dans cet épisode, on assiste à une évolution des rapports entre Astrid et le docteur Fournier. On notera tout d’abord qu’il s’est montré un peu plus méticuleux au départ. Ensuite, il ne tempête pas quand la jeune femme lui expose le détail embarrassant qui contredit la thèse du suicide. Toujours franche, elle lui dit qu’elle veut « le ménager » (comme Raphaëlle le lui a conseillé mais elle prend le conseil littéralement bien sûr d’où l’effet comique). Enfin, il l’écoute quand elle vient lui demander de l’aide. C’est ensemble qu’ils font basculer l’enquête en apportant un élément capital.

L’épisode permet aussi de retrouver le groupe de parole d’Astrid (où elle va pouvoir se voir expliciter le concept de « besoin de se confier ») qui va se trouver investi d’un nouveau rôle. Puisque ses débats sont confidentiels, la jeune femme, non sans réticences mais aussi avec un certain plaisir, y parle de l’affaire en cours et les participants d’y aller de leurs commentaires très pertinents. Dernier point dans le registre personnel ; Raphaëlle finit par avouer à Astrid qu’elle a retrouvé la mère de celle-ci mais elle est surprise par la réaction de son amie.

Informations supplémentaires :
Les noms des personnages Francœur, Lamarck et de Mont-Cenis sont des noms de rues de Paris (18ème arrondissement).
Astrid préfère l’expression « roman à énigme » à celui de « polar » et aime à être à égalité avec l’enquêteur.
Selon Astrid, le romancier John Dickson Carr a identifié 7 possibilités de résolution d’un crime en chambre close...mais elle est interrompue au 4ème.
Citations à méditer : « Le premier suspect n’est là que pour détourner l’attention »
Ariel Wizman/Junot : acteur et scénariste français, vu à la télévision dans L’agence Lambert (1997) et au cinéma dans Iznogoud (2005), Opium (2013), Les yeux jaunes des crocodiles (2014).
Stéphane Guillon/Alain Lamarck : acteur et scénariste français, vu au cinéma dans On s’en fout…nous, on s’aime (1982), La neige et le feu (1991), A vendre (1998), Comment j’ai tué mon père (2001), Moi, César, 10 ans ½, 1m39 (2003), Une vie à t’attendre (2004), Les âmes de papier (2013), à la télévision dans La comtesse de Charny (1989), Navarro (1991), Munch (2018), Double Je (2019), Le bazar de la Charité (2019), Crime dans le Larzac (2020), Le remplaçant (10 épisodes, 2020-2022).

Scénario :  Alexandre de Seguins et Laurent Burtin    
Réalisation : Frédéric Berthe

Résumé
Au cours d’une rave party dans les galeries souterraines de Paris, un corps tombe du plafond. L’autopsie révèle que la victime, disparue en 1952, avait avalé une bague portant de mystérieux signes alchimiques.

Critique
C’est le point fort de la série : partir d’un élément fantastique (ici, l’alchimie) pour nous ramener sur notre bonne vieille Terre après nous avoir fait voyager, notamment dans le Temps. A cette aune, la conclusion est particulièrement ironique et grinçante.

Premier épisode réalisé par Frédéric Berthe qui effectue une belle entrée en matière avec ce travelling mystérieux qui débouche sur la fête des jeunes ! Une sorte de métaphore de ce qui va suivre. Après ce départ réussi, le scénario effectue une première pirouette temporelle : la victime est là depuis 70 ans ! Évidemment, le commissaire veut classer ce « cold case » (d’autant qu’il existe dorénavant une structure policière et judiciaire pour ça) et, tout aussi évidemment, Raphaëlle va trouver un moyen de continuer (convaincant Astrid avec une certaine habileté qui montre qu’elle commence à comprendre le fonctionnement de son amie) et découvrir un second meurtre, celui-ci tout frais mais lié au premier. Aux termes d’une seconde pirouette temporelle, l’épisode nous amène jusqu’à Henri II et à sa « boîte à chiffrer » (à coder). Une énigme qu’Astrid parviendra à résoudre.

La composante personnelle dans cet épisode est très forte. Ainsi, on découvre la sœur cadette de Raphaëlle qui ne fait que passer ; afin d’illustrer qu’elles ne sont pas très proches. Plus important, Astrid et Raphaëlle sont nées le même jour ! La première se torture l’esprit pour offrir un cadeau (et en parle à son groupe de paroles). Ledit cadeau surprend Raphaëlle qui a cependant l’élégance de l’accepter sans poser de question avant d’en demander l’explication à la toute fin. La réponse est d’une grande tendresse.

Informations supplémentaires :
L’épisode s’appelait initialement « L’esprit de famille ». On ignore pourquoi le titre a été changé.
Alchimie : terme à l’étymologie discutée qui pourrait venir de l’arabe d’après le grec et signifier « fusion », « art de fondre et d’allier les métaux ». Elle peut se définir comme la discipline cherchant à réaliser la transmutation des métaux vils (comme le plomb) en métaux noble (comme l’or), la recherche de la panacée (la médecine universelle) et l’élixir de longue vie.
Fulcanelli : auteur mystérieux à l’identité réelle inconnue qui a laissé deux ouvrages (Les mystères des cathédrales, 1926 ; Les demeures philosophales, 1930) préfacés par Eugène Canseliet qui se présente comme son disciple.
Daniel Mesguich/Athanasius : acteur, metteur en scène et écrivain français ; comme acteur, on a pu le voir au cinéma dans Molière (1978), La banquière (1980), La Belle captive (1983), L’Autrichienne (1989), Jefferson à Paris (1995), D’Artagnan (2001), Astérix-Le secret de la potion magique (2018). Il a aussi tourné pour la télévision : Joséphine ou la comédie des ambitions (1979), Le Château (1984), La Garçonne (1988), Mon dernier rêve sera pour vous (1989), L’Affaire Dreyfus (1995), L’Allée du Roi (1996), L’Affaire Salengro (2009), Chateaubriant (2010), Crime d’État (2013).

Scénario : Alexandre de Seguins et Denis Alamercery      
Réalisation : Frédéric Berthe

Résumé
Un homme meurt brusquement dans un bus. Il a été empoisonné à l’anthrax. Astrid et Raphaëlle se retrouvent à enquêter sur une possible affaire terroriste.

Critique
Un épisode un brin décevant, sans élément étrange et, même, trop réaliste et un brin emberlificoté.

Identifier la victime prend beaucoup de temps à la suite d’identités multiples et Astrid la perce grâce à une poupée gigogne. Heureusement, cet élément est découpé en plusieurs temps ; ce qui évite de plomber le rythme. Malheureusement, on a tout de même l’impression que l’épisode fait du surplace. Ainsi, il ne faut pas moins de trois visites à la prison pour que Raphaëlle obtienne quelque chose de concret.

Le fond de l’épisode est éminemment sérieux et peu traité : l’écoterrorisme. Le discours de Cassandre Germain, et son bon usage du mythe grec dont elle porte le nom, est radicalement simple mais aux applications lourdes. Bonne prestation de Fauve Hautot. La mécanique de l’épisode est bien rodée mais déviée par rapport aux précédents. Au lieu de partir d’un élément fantastique pour arriver à une conclusion prosaïque, ici, les scénaristes partent d’un élément grave (le terrorisme) pour arriver à une conclusion prosaïque. C’est une bonne idée en soi.

Côté humour, Fournier voudrait « un petit meurtre à l’arme blanche ; une bonne vieille strangulation » plutôt « qu’un paquet de contradictions ». Une réponse aux fans qui aiment les bizarreries ? On note qu’il fait l’effort d’utiliser les éléments exacts quand il s’adresse à Astrid.

Côté vie personnelle des personnages, on découvre que Raphaëlle et Nico se sont rencontrés au concours officiers de police et qu’ils ont failli renoncer. C’est un moment ridicule où les comédiens ne peuvent faire illusion : ils ont des habits pour se rajeunir mais ça ne colle pas. Cependant, autre découverte : M. Coste père travaille au ministère de l’intérieur et, visiblement, c’est un haut fonctionnaire. Arthur comprend que Nico est amoureux de Raphaëlle mais que celle-ci ne voit rien. Enfin, un technicien de la police technique et scientifique, tombe sous le charme d’Astrid qui finira par lui dire non ; une fois qu’elle aura compris ce qu’il lui demande.

Informations supplémentaires :
L’épisode peut faire référence au livre d'Erwan Montaigu relatant la mise en œuvre d'une opération d'espionnage par les Britanniques à partir d’un cadavre portant sur lui de faux documents.
Plusieurs références à Arsène Lupin : le nom de Louis Valméras est celui utilisé dans le roman L'Aiguille creuse ; Maxime Bermond un de ceux qu'il utilise dans Arsène Lupin contre Herlock Sholmes et enfin, Arsène Lupin prend la place de Victor Hautin dans Victor de la Brigade mondaine.
Raphaëlle appelle Astrid par son prénom mais l’inverse n’est pas vrai.
Fauve Hautot/Casandre Germain : danseuse, chorégraphe et actrice française, connue pour sa participation à Danse avec les stars depuis 2011. Comme actrice, elle a joué dans Nos chers voisins (2013), H24 (2020), Meurtre à… (2021), L’art du crime (2021).
Bruce Tessore/Julien Frédéric : acteur français vu dans Petits secrets entre voisins (2013), Plus belle la vie (85 épisodes, 2015-2018), Commissaire Magellan (2020), Influences (2021). Il jouera dans 8 épisodes de la série.

Scénario : Alexandre de Seguins et Laurent Burtin    
Réalisation : Frédéric Berthe

Résumé
Le corps du frère de William disparaît d’un funérarium. Plus étrange, il semblerait que ce défunt soit le meurtrier de son assassin.

Critique
Voilà un épisode comme on les aime ! Après une ouverture dans un crématorium où l’employé (Raphaël Mezrahi qui réalise une bonne prestation) effectue son travail sur un fond musical inusité, voilà le spectateur plongé dans une histoire de mort-vivant !

Le scénario parle certes d’un empoisonnement pour empêcher la victime de publier une étude qui aurait été accablante pour un chercheur (la seconde victime) et son employeur, un géant de l’agro-alimentaire mais l’important réside dans le fait que le « mort-vivant » est le frère de William. Le possible scandale sanitaire (et la collusion entre chercheurs et industriels) reste en arrière-plan pour crédibiliser le côté policier mais ce n’est vraiment pas l’essentiel.

William devient le personnage principal de cet épisode. On en apprend plus sur son passé dans une séquence simple et touchante. On découvre sa « fiancée » d’abord virtuelle (!) plus en « vrai » qui, hackeuse, donne un coup de main déterminant aux enquêteurs. En outre, la relation entre nos héroïnes est un peu malmenée. William pousse Astrid à mentir à Raphaëlle mais celle-ci, de son côté, manœuvre pour qu’Astrid rencontre Mathilde, sa mère, alors qu’elle avait refusé de le faire jusque-là. Un autre fil rouge s’installe : les tentatives de Nico pour avouer ses sentiments à une Raphaëlle totalement aveugle !

Informations supplémentaires :
L’épisode était initialement intitulé « La nuit du mort-vivant »
Astrid cite Sherlock Holmes : « Lorsque vous éliminez l’impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité » (Le Signe des quatre).
« Le cognac est un antidote contre la morosité ; à condition d’être vieilli en fût de chêne » affirme Fournier
Une nouvelle fois, un psy a un mauvais rôle ; ce qui devient un lieux commun de la série.
Raphaël Mezrahi/Lavardin : humoriste et acteur français, il se fait connaître par ses interviews incongrues au début des années 90. Au cinéma, il a joué dans Iznogoud (2004), Leur morale…et la nôtre (2008), L’amour c’est mieux que la vie (2021) ; à la télévision dans Venus et Apollon (2005), Gerald K. Gerald (2011), Profilage (2012). Il est le créateur de La nuit de la déprime.

Scénario : Alexandre de Seguins, Laurent Burtin et Denis Alamercery    
Réalisation : Frédéric Berthe

Résumé
Le meurtre d’une jeune femme est vite résolu par l’équipe de Raphaëlle mais Astrid trouve que les pièces ne s’emboîtent pas bien. La documentaliste met à jour les crimes d’un tueur en série qui s’en prend à elle.

Critique
Un épisode remarquablement écrit, comme une partition de Bach. En moins de dix minutes, une enquête est bouclée ! Sauf que non ! S’il n’y a pas ici d’éléments fantastiques, on a davantage un pastiche de Columbo puisque le spectateur sait d’entrée de jeu qui est le tueur et que ce n’est pas la personne qui a été arrêté malgré ce que la très réussie réalisation de Frédéric Berthe réussira à nous faire croire. Si la relance dramatique arrive un peu tardivement, elle est pleinement réussie puis qu’Astrid est directement menacée et, le pire, est que la police la suspecte du meurtre d’Alain Gaillard, le directeur de la Documentation criminelle. Mais, Raphaëlle, en essayant de « voir différemment », va faire lit de cette construction hâtive et permettre d’identifier le véritable tueur. De son côté, Astrid essayera de voir les choses « autrement » soit à la manière de Raphaëlle.


La dimension personnelle est importante dans un épisode d’Astrid et Raphaëlle mais, dans celui-ci, elle est même capitale. Alain Gaillard évoque au commencement de l’épisode l’hypothèse de la levée de la tutelle d’Astrid. Celle-ci hésite mais finira par dire oui et la saison se termine sur une Astrid juridiquement majeure. Geoffrey Thiébaut quitte la série sur une prestation aboutie dans laquelle il montre, et fait dire à son personnage, combien il a vu évoluer Astrid et combien lui aussi a évolué dans sa relation avec elle et dans l’image qu’elle lui renvoie. Un autre personnage reconnaîtra avoir évolué au contact d’Astrid : le docteur Fournier ! Dans une confession touchante, pleine de sincérité – et joué avec sensibilité et la juste maladresse pour rendre compte de quelqu’un de bourru – Fournier remercie Astrid « parce qu’elle voit les choses autrement » ; qu’elle lui a rendu la fierté et la passion de son travail. Comme ce remerciement a lieu à la Documentation criminelle, les collègues d’Astrid l’entendent et, eux aussi, vont voir la jeune femme autrement.


Autre dimension personnelle, mais qui aura une importance dans l’enquête : la passion d’Astrid pour Jean-Sébastien Bach. On entend plusieurs fois ce compositeur dans cet épisode (la suite pour violoncelle) mais, pour la jeune femme, c’est surtout qu’il « écrivait des puzzles musicaux ». Le morceau, L’Art de la fugue, agit aussi comme une madeleine de Proust puisqu’il lui rappelle son père qui lui a maintes et maintes fois expliqué ce morceau.

La référence à entrecroisé de Boer renvoie directement à l’épisode 1 et boucle la saison 1.

Informations supplémentaires :
Dans le huitième épisode (1 min 10), un personnage jette une boîte de cure-dents sur le sol et demande à Astrid de les compter d'un seul regard à la manière du personnage de Rain Man, à qui Astrid est comparée explicitement.
Un personnage s’appelle Vavin et un autre Varenne ; ce sont deux rues de Paris.
« Ils se moquent de moi parce que je suis différent ; je me moque d’eux parce qu’ils sont tous pareils » dit Astrid à Gaillard qui lui demande si c’est de Diderot. Non, c’est de Kurt Cobain !
Encore un psy qui ne comprend rien à Astrid. Celui-ci, joué par Gérard Miller, psychanalyste de son état, est le plus agressif de tous.

Lola Dewaere s'est montrée moins aveugle que Raphaëlle pour trouver l'amour :

https://www.20minutes.fr/arts-stars/people/4048027-20230804-lola-dewaere-gianni-gardinelli-officialisent-romance

Scénario : Alexandre de Seguins et Laurent Burtin    
Réalisation : Frédéric Berthe

Résumé
Un avocat d’affaires est assassiné au moment de la signature d’un contrat. Tout le monde pense à un sniper jusqu’à ce qu’Astrid démontre que l’assassin était dans la même pièce que 12 témoins qui n’ont rien vu !

Critique
Démarrage réussie pour cette seconde saison avec cette enquête sans fantastique rationalisé certes mais qui met en jeu la « magie ». Notre duo d’enquêtrices, toujours aussi complices, incarne les deux facettes du public face à celle-ci : l’admiration sans réserve ou l’indifférence massive.

Le scénario est très bien travaillé puisqu’il multiplie les fausses pistes sans jamais perdre sa cohérence. Le mobile du tueur renvoie à du sordide mais la série n’en fait pas trop dans la dramaturgie. La noirceur lui sert puisqu’elle fournit ses sujets mais la série n’est pas noire. Le choix de Pierre Palmade et de Gérard Majax est également brillantissime car tous deux jouent sur une problématique identique : « saturer » d’information l’attention du spectateur pour le manipuler. Mais qui ment dans ce cas ?

La saison réussit aussi l’introduction d’un nouveau personnage, le procureur Forest à qui Hubert Delattre donne une allure certes professionnelle mais qui est là pour créer un courant électrique avec Raphaëlle car ce sont d’anciennes connaissances très proches. Côté vie personnelle, on découvre les débuts difficiles d’Astrid à la Documentation criminelle ; ce qui permet de revoir avec plaisir Geoffrey Thiébaut toujours aussi chaleureux et protecteur.

Informations supplémentaires :
Le successeur de Gaillard n’est pas connu en début de saison 2 et ne le sera jamais.
Parmi la liste des suspects énumérés par Nico figurent les noms des producteurs.
Hubert Delattre/Mathias Forest : acteur français, il tourne surtout pour la télévision : Boulevard du Palais (2008), Léo Mattéi, brigade des mineurs (2014), Malaterra (2015), Zone blanche (16 épisodes, 2017-2019), Alexandra Ehle (5 épisodes, 2019-2021), Paris Police 1900 (8 épisodes, 2021), J’ai menti (12 épisodes, 2021), Syndrome E (2022), Septième ciel (2023). Il intervient dans sept épisodes d’Astrid et Raphaëlle.
Pierre Palmade/Guillaume Delerue : humoriste et acteur français, il est l’élève de Sylvie Joly à Paris, il fait sa première apparition télévisée dans La Classe en 1988. Il écrit la pièce « Pièce montée » pour Jacqueline Maillan (1991). Auteur de nombreux sketches, il triomphe sur scène avec Michèle Laroque dans « Ils s’aiment » (1996) et « Ils se sont aimés » (2001). Au cinéma, il joue dans Astérix et Obélix contre César (1998), Saga (2008). En 2008, il écrit « Le Comique » qu’il joue avec une troupe de jeunes comédiens avec qui il travaille. A la télévision, on a pu le voir dans La Classe (1988-1994), Tout le monde en parle (1999-2005), H (1999), Trois pères à la maison (2004), Le Grand Restaurant (2010, 2011, 2021)
Gérard Majax/Carmine : Prestidigitateur français né Maurice Faier, diplômé en psychologie, c’est Eddie Barclay qui le pousse vers sa vocation. Il présente différentes émissions à la télévision qui le font connaître dans les années 1970. Il a aussi beaucoup lutté contre les mystificateurs et des charlatans du paranormal (Le troisième œil, 1971-1972 ou Stars à la barre, 1991). Il est le créateur de 17 coffrets de prestidigitations entre 1970 et 1990. De 2007 à 2012, il gère les éditions Abracadabra. Il a joué dans Marie Pervenche (1984), Les vacances de l’amour (1998). Il réalise les tours de carte du générique du film Le grand blond avec une chaussure noire (1972).

Interview :

https://www.20minutes.fr/arts-stars/television/4061649-20231110-astrid-raphaelle-tourne-stomy-bugsy-gendarme-revelent-lola-dewaere-sara-morgensen

La saison 4 démarre ce soir.

Les critiques de la saison 2 sont censées continuer prochainement...

Belle interview de Sara Mortensen :

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/info-medias/dans-la-serie-astrid-et-raphaelle-sara-mortensen-ne-veut-surtout-pas-trahir-les-gens-concernes-par-l-autisme_6152316.html#at_medium=5&at_campaign_group=1&at_campaign=culture&at_offre=3&at_variant=V3&at_send_date=20231113&at_recipient_id=726375-1454831019-2a46c449

Je suis très convaincu par ce début de saison 4 mais la série prêchait un converti ! Deux petits changements : la coupe de cheveu de Lola Dewaere (ça surprend mais ça passe, on évite le "syndrome Felicity", si je ne me trompe pas) et l'arrivée d'une petite nouvelle, Sophia Yamna, qui apporte du peps et de la fraîcheur comme on dit dans les émissions culinaires !

Scénario :  Kit Wong, Laurent Courtiaud et Alexandre de Seguins    
Réalisation : Frédéric Berthe

Résumé
Un homme est retrouvé mort dans un bain : c’est un yakuza. Raphaëlle se retrouve confrontée à un monde dont elle ignore les codes et la langue. Heureusement, Astrid est là.

Critique
Un épisode « choc culturel » ! Les scénaristes proposent un cours assez dense sur la culture japonaise, yakuzas compris et ces derniers traités sans romantisme. Le mobile du meurtre paraît au départ simplement matériel mais le scénario va habilement glisser sur le plan personnel.

Astrid joue un rôle déterminant dans cette enquête car elle connaît la culture japonaise et elle parle la langue. Raphaëlle dira même qu’elle comprend Astrid : ne pas comprendre les codes est quelque chose de déroutant et d’inconfortable. Cet épisode est aussi déterminant pour la suite de la série car Astrid rencontre Tetsuo Tanaka, le neveu de son épicier japonais, qui va lui organiser une « cérémonie du thé ». Très stressée, la jeune femme est encouragée par Tetsuo et elle va interroger un suspect. En fait, elle en interrogera même deux car Raphaëlle a l’intelligence de s’effacer. C’est elle aussi qui repérera sur le corps du tueur filmé par une caméra de surveillance un tatouage qui est la clé de toute l’histoire.

Informations supplémentaires :
Irezumi : type de tatouage
Retour de Richard Gotainer.
Kentaro : acteur et scénariste vu au cinéma dans Taxi 2 (2000), Le baiser mortel du dragon (2001), Michel Vaillant (2003), Rush Hour 3 (2007), Tokyo Shaking (2021) et à la télévision dans Des héros ordinaires (1993), Lea Parker (2006), Affaires étrangères (2011), Perception (2014).
Kengo Saito/Tetsuo Tanaka : vu au cinéma dans Les Tuches 4 (2021) et à la télévision dans Les gouttes de Dieu (2023). Il a participé à 12 épisodes d’Astrid et Raphaëlle.

Scénario : Alexandre de Seguins et Laurent Burtin    
Réalisation : Frédéric Berthe

Résumé
Un meurtre a eu lieu dans une usine ultra-sécurisé ainsi que des événements inexpliqués comme la disparition de la principale suspecte durant des heures. Pour Astrid, une explication pourrait être un enlèvement extra-terrestre !

Critique
Après le fantastique rationalisé, voici la science-fiction rationalisée et ça marche tout autant ! On sait d’avance que la série retombera sur ses pattes mais on savoure quand même ces moments d’étrangeté qui donnent lieu à des scènes savoureuses comme l’interrogatoire surréaliste des adhérents de l’association des personnes enlevées par les extra-terrestres !


Un détail sur la scène de crime a « chiffonné » Astrid qui s’en ouvre au docteur Fournier. L’absence d’Husky Kihal au début de l’épisode n’est pas expliquée alors que l’absence de Fournier sert uniquement à différer une révélation capitale ; celle justement qui entame le retour sur Terre de l’enquête.

Un élément psychologique très important est soulevé par le scénario qui ne se moque jamais des croyances dans les extraterrestres : les « abductions » (les enlèvements) fantasmés cacheraient de réels traumatismes qui s’exprimeraient métaphoriquement.

Sur le plan de la vie personnelle de nos héroïnes, on apprend qu’Astrid a modifié son jour de courses (du lundi au mercredi) mais elle nie que cela soit lié au remplacement ce jour-là de son épicier japonais par son neveu (mais Raphaëlle n’y croit pas et nous non plus). L’enquête rappelle à Raphaëlle le souvenir douloureux de son frère Benjamin tombé dans la drogue et dont la parole, comme celle des croyants dans les extraterrestres, ne valait plus rien.

Informations supplémentaires :
Le président de l’association des personnes enlevées par les extra-terrestres est M. Vincent David, une référence à David Vincent, personnage principal de la série culte Les Envahisseurs. Il est joué par le mentaliste Viktor Vincent.
Le paradoxe de Fermi : nom donné à une série de questions que s’est posé le physicien italien Enrico Fermi en 1950, alors qu’il débattait avec des amis de la possibilité d’une vie extraterrestre et d’une visite d’extraterrestres. Le paradoxe de Fermi peut s’énoncer sous la forme d’une question : « S’il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient être déjà chez nous. Où sont-ils donc ? » Bien que ce « paradoxe » donne son titre à l’épisode, il n’est jamais énoncé par les personnages.
Alysson Paradis/Sophia Lenoir : actrice française, vue au cinéma dans Le dernier jour (2004), Camping 2 (2010), Les yeux jaunes des crocodiles (2014), Alors on danse (2022) et à la télévision dans Le grand patron (2000), QI (2012-2014), La guerre des mondes (2019). Elle est la sœur de Vanessa Paradis.

Scénario :  Mathieu Leblanc, Joseph Lantigny et Alexandre de Seguins  
Réalisation :  Frédéric Berthe

Résumé
Deux morts surviennent coup sur coup dans l’auditorium de la Maison de la Radio. Fournier classe le tout comme « morts accidentelles » mais Astrid le contredit : c’est la musique qui les a tué !

Critique
Retour de Bach en fanfare ! Construit autour de la Toccata et fugue en ré mineur (la référence est donnée dans l’épisode), cet épisode est toutefois bien sérieux et pour les non-musiciens, un peu aride.

Dans cet épisode, Astrid est particulièrement mise en valeur. Elle adore Bach (« un grand virtuose » multi-instrumentiste mais particulièrement doué pour l’orgue selon elle) comme on le sait et elle utilise sa sensibilité exacerbée au bruit pour résoudre l’énigme. Au risque de se perdre. C’est la dimension « personnelle » de cet épisode.

Dès le départ, il y a quelque chose « dans » la musique qui perturbe Astrid et, en cherchant à résoudre ce puzzle, elle va découvrir l’arme du crime ! Fournier, triomphant peu avant dans l’épisode, devra en rabattre.

C’est Jean-Sébastien Bach qui va fournir la clé de l’énigme et, c’est bien sûr, Astrid qui la découvre ; aidée toutefois par la culture de Nicolas quand Raphaëlle est complètement larguée. Seule touche d’humour dans cet épisode, cette appréciation d’une élève sur son professeur : « Avec lui, même Bach n’aurait pas obtenu 20 » !

Informations supplémentaires :
La seconde victime s’appelle Jacques Leibniz ; en référence au savant du XVIIème siècle, contemporain de Bach.
Les derniers mots de Bach seraient : « Ne pleurez pas pour moi. Je vais là où va la musique. »
Le dessinateur de bande dessinée Roger Leloup avait déjà imaginé une orgue comme arme dansL’Orgue du Diable.
Elisabeth Mortensen/Mathilde Nielsen : actrice française, vue dans Il était une fois la Légion (1977), Paradis pour tous (1982), La griffe du destin (2 épisodes, 1986), Hôtel Caesar (3 épisodes, 2003). Elle a tourné 6 épisodes pour Astrid et Raphaëlle.

Scénario : Laurent Burtin, Mathieu Picard-Rivalan et Alexandre de Seguins
Réalisation : Eric Le Roux

Résumé
Le corps d’une femme a demi-brûlée est découvert dans les bois. Pour Astrid, c’est un rituel de sorcellerie.

Critique
Un épisode très dense et d’importance par ses thèmes et leur traitement subtil. Détail intéressant : alors qu’il parle des femmes, de leurs droits, de leurs combats ; le scénario a été écrit par trois hommes.

L’enquête va orienter Astrid et Raphaëlle vers un refuge nommé le « sanctuaire » tenu par une association nommée « Circé ». Question symbolique, cela pose ! Ajoutons que la victime était mère porteuse par GPA, qu’un gynécologue est accusé par la victime de viol et que le bébé a disparu. Le sérieux des thèmes ne fait pas de doute ; le sérieux de leur traitement non plus. Une maladresse verbale d’Arthur permet d’aborder le risque de minimisation des faits qui fragiliserait l’écoute et la prise en compte des plaintes. D’où la nécessité de formations. Une série policière a de l’intérêt quand elle aborde les thèmes de la société qui la fait naître. On est en plein dedans.

Le choix des interprètes est réussi. Sophie Duez, en chef de groupe, dégage une autorité naturelle impressionnante et la sincérité de son personnage, désireux de protéger les femmes fragiles et blessées, ne peut être mise en doute. Détail amusant, quand elle apparaît, elle est en train de touiller un chaudron ! De son côté, Louisy Joseph réalise une belle performance d’une femme sur le fil du rasoir.

Ce qui permet aussi à l’épisode de rester dans le ton de la série, pas trop noire, c’est la distillation de pastilles d’humour telles le bouc baptisé « Lucifer » (!), la peur de la sorcellerie de Raphaëlle et celle des araignées d’Arthur ou Théo qui démasque les sentiments de sa mère pour le procureur.

Question « vie personnelle » des héroïnes, on voit ici s’esquisser la relation entre Astrid et Tetuso Tanaka.

Informations supplémentaires :
Circé : dans la mythologie grecque, « magicienne » plutôt que « sorcière » (le concept est plus tardif), fille du Soleil, qui changeait les hommes en porcs. Excellent portrait féministe dans le roman Circé de Madeline Miller.
Sorcière : pas grand-chose à ajouter à la définition donnée par Sophie Duez. Les bûchers, bien réels, ne datent pas du Moyen Age mais de la Renaissance. cf. la mini-série Filles de feu (2023).
On découvre que Alice, de l’atelier d’aptitude sociale que fréquente Astrid, est lesbienne et a eu une aventure avec une « sorcière ».
Sophie Duez/Oksana : actrice française, vue au cinéma dans Marche à l’ombre (1984), Je hais les acteurs (1986), Présumé dangereux (1990), Barbecue (2014) mais surtout à la télévision : Quai n°1 (1997-2001), Commissaire Cordier (2006), La Vengeance aux yeux clairs (2016-2017), Cassandre (2019),
Louisy Joseph/Sonia : chanteuse et actrice française, elle participe à la comédie musicale « Salammbô » (2001), participe à l’émission « Popstar » et fait partie du groupe des L5 (2002-2006). Elle se lance alors en solo (3 albums, 2008-2015). Elle a tourné dans les séries Camping Paradis (2015) et le téléfilm Coup de foudre à Noël (2017).

Résumé
Un homme de confession juive est retrouvé assassiné chez lui. Selon les premiers éléments de l’enquête, il aurait été tué par le Golem !

Critique
Les joies de cette série quand elle confronte le monde de l’imaginaire et celui de la réalité ! La personne qui a trouvé le corps explique comment on donne vie et comment on arrête le Golem, monstre d’argile. Or, de l’argile, le docteur Fournier en a trouvé sur la victime ! Le scénario s’amuse à confronter réel et imaginaire quand il nous apprend que la victime avait co-fondé une société d’IA, baptisé « Gol-M » ! A Arthur qui s’étonne que l’on puisse être très religieux et porté sur la technologie de pointe, Nico oppose Israël, en pointe sur ces mêmes technologies (ce qui est exact). A ce commencement prometteur, le scénario ajoute la gematria ; une technique issue de la Kabbale et, plus prosaïquement, un triangle amoureux.

Le tout fonctionne harmonieusement. Les relances narratives (l’arrestation d’un suspect en plein délire bipolaire ; l’appel anonyme ; les gélules remplacées ; le corps jamais retrouvé) servent une intrigue complexe mais crédible où la manipulation de la technologie et des sentiments est utilisée avec une subtilité qui en fait la réussite. La manière dont Raphaëlle fait avouer le coupable est absolument brillante.

La réussite ne serait pas complète sans sa partie « personnelle » concernant nos héroïnes. Visiblement, Raphaëlle est en train de se lasser de son procureur qui ne voit rien quand Astrid est très perturbée par ce qui se passe avec Tetsuo. Avec beaucoup d’affection, Raphaëlle lui dit qu’un « faisceau d’indices concordants» l’amène à penser qu’elle est en train de tomber amoureuse ! Elle qui se demandait si elle ne manquait pas d’empathie ou de sensibilité !

Informations supplémentaires :
Golem : Mot hébreu signifiant « informe » ; dans la mystique juive, désigne un être humanoïde le plus souvent fait d’argile, incapable de parole ou de libre-arbitre, façonné pour assister et défendre son créateur. Mentionné dans la littérature talmudique (Psaume 139, 16), il devient populaire dans le folklore juif en étant associé à la figure de Juda Lœw ben Bezalel, rabbin et érudit de Prague du XVIème siècle qui l’aurait créé pour protéger sa communauté.  Dans l’une des versions les plus populaires de sa légende, reprise par certains contes chrétiens, il naît de la terre glaise après que quatre sages, figurant les quatre éléments, ont pourvu sa matière informe de leurs attributs ; sur son front figure le mot emet (אמת, « vérité ») qui devient, lorsque sa première lettre est effacée, met (מת, « mort »), faisant retourner l’homme artificiel à la poussière.
Kabbale : Tradition ésotérique du judaïsme. On peut la définir comme un ensemble de spéculations métaphysiques sur Dieu, l’homme et l’univers. L’ouvrage le plus ancien, Le livre de la Création (Sefer Yetsirah), attribué à Abraham, aurait été composé entre le IIIe et le VIe siècle EC.
Torah : « Instruction » en hébreu. Selon la tradition du judaïsme, c’est la transmission de l’enseignement divin révélé à Moïse et transmis dans cinq livres : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome. La Torah « écrite » se double d’une Torah « orale » recueillie dans le Talmud.
Gematria : « kabbale numérique » en latin d’après le mot grec « géométrie », forme d’exégèse propre à la Bible hébraïque dans laquelle on additionne la valeur numérique des lettres et des phrases afin de les interpréter. La littérature talmudique reconnaît l'intérêt de la gematria « classique » mais met en garde les profanes contre le risque de superstition.
« Spectre autistique » : un trouble du spectre de l’autisme est un diagnostic de l’autisme depuis 2013 posé d’après deux groupes de symptômes. Cette notion permet de mieux reconnaître la diversité des troubles et des comportements des personnes autistes et la possibilité qu’elles ont d’évoluer sur le spectre.
On découvre ici que Tetsuo Tanaka fait des études de mathématiques et consacre sa thèse au « nombre d’or».

Scénario : Joseph Lantigny, Mathieu Leblanc et Alexandre de Seguins    
Réalisation : Eric Le Roux

Résumé
Un commissaire-priseur meurt brusquement alors qu’il mettait en vente un livre ésotérique très rare.

Critique
Ah ! L’ésotérisme ! Cette discipline sympathique qui consiste à ne pas éclairer les chemins obscurs de l’Univers ! Un élément savoureux dans une recette d’histoire policière.

Toute la dimension ésotérique est un leurre puisque la série est réaliste mais jamais elle n’est moquée. Ce qui est cru est aussi important (sinon plus) que ce qui est vrai. Cela permet aussi de jouer la carte de la société secrète ; un attendu qui n’est ni éludé ni explicité mais qui figure dans le scénario. C’est habile car le spectateur se demandera lui-même si cet élément est exact, véridique, vraisemblable ou simplement imaginaire. Les éléments liés à l’ésotérisme sont trop nombreux pour être tous répertoriés.

Scénario : Alexandre de Seguins et Laurent Burtin, d’après une histoire d’Alexandre de Seguins, Laurent Burtin et Denis Alamercery    
Réalisation : Eric Le Roux

Résumé
À la suite d’une prise d’otages à la Documentation criminelle, Astrid et Raphaëlle sont placées en garde à vue.

Critique
Une fin de saison de haute intensité ! Construit selon le procédé classique mais efficace du retour en arrière, cet épisode bénéficie d’un scénario solide, d’une réalisation alerte, d’un peu d’humour et procède à une revue des personnages pleine de saveur.

Dans les cinq premières minutes, on passe du procureur qui prend en charge la prise d’otages à Raphaëlle menottée et interrogée par l’IGPN ! Totalement perdu, le spectateur s’en remet à l’espoir que tout va s’arranger. Premier élément encourageant, le policier de l’Inspection générale de la Police nationale n’est pas un imbécile aigri mais un policier compétent, visiblement séduit par la vivacité d’esprit d’Astrid ; laquelle expose en détail la nature et le fonctionnement de sa relation professionnelle avec Raphaëlle. Second élément encourageant, les amis du tandem poursuivent l’enquête en douce. On croit à une fin « à la Hercule Poirot » quand sont rassemblés au commissariat tous (presque tous) les personnages qui exposent les éléments permettant d’assembler la vérité. Le spectateur, qui est un peu à la place du procureur, complètement largué, savoure tout de même le désarroi de cet arrogant personnage !

Il y a un épilogue qui, en accéléré, amène de l’action, du drame, de l’émotion avant de se terminer par un méchant coup de théâtre.

Moralité : « Une boussole n’est rien sans son dé à coudre » (et réciproquement !)

Informations supplémentaires :
Emily Dequenne/Marissa : actrice belge, vue au cinéma dans Rosetta (1999, Prix d’interprétation féminine à Cannes), Le Pacte des loups (2001), Le Grand Meaulnes (2006), La fille du RER (2009), Möbius (2013), Au revoir là-haut (2017), Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait (2020, César de la meilleure actrice) et à la télévision dans Kaamelott (2004), The Missing (2014),
Retour de Geoffrey Thiebaut
L’épisode raconte dans quelles conditions Astrid et William se sont rencontrés.

Après un surprenant et très intéressant crossover avec Alexandra Ehle (incarnée par Julie Depardieu), la saison 5 de notre sympathique duo commence ce soir sur France 2.

Les critiques de la saison 3 sont toujours programmées dans le plan de charge du Camarade un peu à la ramasse de ce côté ! Désolé !