Série "La Roue du Temps"

Pour ce que j'en ai compris, apparemment Egwene sera Ta’veren dans la série, ce qu'elle n'était pas dans les romans. Seuls les trois garçons (Rand évidemment encore davantage que les deux autres) avaient cette faculté innée et longtemps insoupçonnée de modifier le Tissage même de la Réalité par la Roue, de connaître une destinée changeant le cours du Monde et rendant presque invulnérable en chemin. On pourra pointer une concession au PC, selon lequel il serait insupportable que seuls des mâles soient les véritables Héros de la Trame des Ages et, en vérité, généralement je n'apprécie pas ces négociations avec l'air du temps. Mais cette fois j'approuve totalement, si quelqu'un a bien mérité cette ascension et cet honneur, c'est certainement Egwene al’Vere du Champ d'Edmond.

Je sens qu'il va falloir que j'inscrire ce cycle romanesque à mon tableau.

Après 248 trailers ou teasers, après 712 photos promos, après des interviews sur tous les support possibles ou imaginables, après les besogneux dessins animés explicatifs idiots à la The Witcher, le déluge d'artillerie de Prime se poursuit, après cette étonnante installation à Picadilly Circus. Bon, pour le coup, cela fait plus Blade Runner que The Wheel of Time... Certainement un artefact de l'Ere des Légendes.

Cinématique d'ouverture du jeu vidéo de 1999, une bonne présentation de l'univers. Plutôt bien fait, le jeu était un prequel des romans. A travers l'aventure d'Elayna Sedai, Gardienne des Chroniques de la Tour Blanche, il nous faisait découvrir plusieurs des lieux clefs de l'univers, mais aussi ses antagonistes majeurs. Les Amis du Ténébreux rassemblent les Sceaux de sa prison pour accomplir un rituel permettant de le libérer avant l'avènement du Dragon Réincarné. ils tentent de s'emparer des deux encore détenus à Tar Valon, ce qui va alerter Elayna et l'Amyrlin.

Très beau générique, dédié à la Trame et aux Sept Ajahs de la Tour. Sept, bien entendu, car tout le monde sait bien que la Huitième Ajah, la Noire, n'est qu'une rumeur colportée par les ennemis de la Flamme de Tar Valon.

Lancement tonitruant pour la série, plus grand succès de l'année pour Prime, et le cinquième depuis la naissance de la plateforme. En même temps, après tout ce pilonnage d'artillerie promotionnelle, le contraire eut été désespérant. Préparez vos bunkers, Tolken est en marche.

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Bon système, évidemment l'Auteur lui-même n'est plus là. Cela apporte l'expertise sans avoir à subir les diktats ou les humeurs du créateur, Roger Moore et l'équipe du Saint ont dû être d'une patience in,finie avec Charteris. Tout le monde n'est pas aussi complaisant que Martin. Ceci dit je ne suis pas convaincu que la série WoT doit aussi fidèle aux romans que ce l'on veut nous vendre. D'après les trailers, Rand est clairement plus âgé que le personnage littéraire.

Vu Leavetaking, effectivement une relative déception, mais moins marquée que dans l’excellente critique de Dear. Je trouve que, de manière encore plus marquée que dans GoT ou la Trilogie de Jackson, l’épisode connaît vraiment deux lectures, selon que l’ait pratiqué ou non les bouquins.

Pour le grand public n’ayant pas lu le Cycle, je trouve honnêtement que le spectacle se laisse voir, même si le budget n’a clairement rien à voir avec GoT, ni sans doute avec la série Tolkien à venir. Dans cette version-ci de l’histoire, on ne s’extrait certes pas des poncifs de la Fantasy, mais se retrouver dans le terrain connu de ce que l’on perçoit d‘un genre peut satisfaire. Le récit correspond à l’idée de la Fantasy qu’en ont les gens demeurant à la surface des choses, ce qui est ne prend personne à rebrousse poil et peut être perçu comme rassurant. Et c’est toujours tellement  meilleur que The Watch.

Peut-être parce que je viens de le voir juste après en avoir fini avec l’épuisante frénésie du Flux, mais j’ai vraiment apprécié que l’épisode prenne le temps de camper ses personnages. Quand on n’a  conscience ni des multiples trahisons, ni du terrible travail de standardisation entrepris vis-à-vis du roman, je trouve que les protagonistes apparaissent  décrits dans leurs forces et faiblesses, dans leurs ombres et leur lumières, même si rien n’est foncièrement original. On voit très bien qui et qui et on sympathise volontiers avec eux, d’autant que l’interprétation aura plutôt apporté une bonne surprise, y compris chez les jeunes gens (notamment Madeleine Madden, parfaite en Egwene, personnage que j’aime d’amour).

Plusieurs éléments de l’univers demeurent flous, mais la série ne fait que débuter. A mon avis, concernant l’Opposition la série joue assez cyniquement de l’assimilation aux films LOTR : les Trollocs aux Orques, les Myrddraals aux Nazgûls, pas la peine de enquiquiner à dépeindre le Ténébreux, tout le monde va songer à Sauron. Ce qui n’est d’ailleurs pas faux, comme le dirait un Chevalier légendaire, même si Shai'tan apparaît plutôt comme un mix de Sauron et de Morgoth. L’opus sait entretenir une ambivalence concernant les Aes Sedai, d’autant que la véritable allégeance de Liandrin n’est pas encore connue.

Plusieurs jolies scènes sont réussies, notamment un vent inquiétant soufflant dans les arbres à la manière des Destination Finale, ou la scène de l’affrontement sachant expliciter le mode de combat en duo entre Guerrier et Jeteuse de Sorts de Donj, les Rôlistes seront en terrain connu. Je n’en voudrai pas à la mise en scène d’avoir opéré quelques changements pour privilégier le visuel, assumant ainsi le passage au format série. La maison de Rand se situe ainsi en montagne et non plus forêt, ce qui autorise de belles perspectives (et tant pis si au Deux-Rivières la montagne effraie). Pour la dimension visuelle, il était aussi logique que la caméra choisisse de montrer la bataille plutôt que Rand emmenant son père blessé chez la Sagette, à l’exact opposé des livres. Baston et effets spéciaux de rigueur répondent ainsi à l’appel. Ceux-ci sont meilleurs que chez Xena (et ses centaures…), je trouve, mais c’est vrai que l’on espère mieux chez Tolkien. Ceci-dit j’ai apprécié que la bataille soit montrée à travers des participants paniqués, façon Fabrice à Waterloo.

Au total le grand public verra sans doute dans Leavetaking un honnête spectacle de Fantasy, certes avec un battage publicitaire exagéré, mais se regardant sans ennui. Pour eux, la fameuse phrase introductive reste sans doute mieux placée en fin d’épisode et Moiraine sait la jouer totalement à la Galadriel. En tant que lecteur de longue date des romans, perso j’ai eu la conviction de l’avoir dans le fondement, et bien profond encore. Je ne comprends  tout simplement pas l’enthousiasme de l’équipe sincère et sympathique de la Pierre de Tear. La série peut se garder son experte autoproclamée, ici tout est modifié du sol au plafond et rarement  dans le bon sens.

Il y a bien entendu les inévitables changements pour être dans l’air du temps, celui des cases à cocher. Que le village soit éthiquement nettement plus cosmopolite que dans les romans ne me dérange que peu, car il ne s’agit pas d’une fiction historique. Mais cela reste étonnant dans une contexte médiéval où les déplacements de population sont si limités. De plus Rand n’est du coup plus du tout repérable en Aiel, l’un des indices conduisant à sa désignation comme Dragon Réincarné, mais il vrai que Moiraine n’a apparemment plus guère besoin d’indices pou savoir qui est qui(le « c’est magique » bien connu de Donj, sans doute)  Qu’Egwene devienne Ta’veren, je suis à 100 % pour, mais il est dommage de camper la Sagette en cheffe du village, effaçant le Maire et le cercle masculin. On simplifie l’univers en oblitérant  l’une des idées fortes de la Roue qui est que l’Humanité s’accomplit pleinement quand hommes et femmes œuvrent de concert, tout ça juste pour se situer dans le mood matriarcal.

Pour simplifier, gagner du temps, se rapprocher des canons de la Fantasy, on fait des protagoniste de jeunes adultes, ce qui les transforme totalement. Hormis Moiraine et Lan (parfait casting, of course), je n’ai tout simplement pas reconnu les personnages. On invente beaucoup d’éléments stupides, comme l’épouse de Perrin, dont on sait ipso facto qu’elle va mourir (Faile et ma chère Berelain sur Paendrag Paeron ont leur avis sur la question), mais sans prévoir le surplus de pathos apporté sans honte par le récit. Comme s’il fallait absolument un trauma, comme si Perrin ne pouvait pas être d’un naturel taciturne et introverti. D’ailleurs pas de souci pour une femme enceinte pour travailler comme forgeron, of course.  Par ailleurs, où sont passées les colères de Nynaeve, où est passée la malicieuse joie de vivre de Mat ? Il n’a jamais barbotéses bijoux à  une femme non plus. C’est un farceur, pas un voleur.

Évidemment on profite du vieillissement pour insérer une scène de sexe  entre Rand et Egwene, même si évidemment plus soft que chez les joyeux de HBO. Au passage on nie tout l’émoi et l’hésitation des sentiments qui faisait le charme de leur relation lors du premier volume. Mais bon, qu’importe, pour la scène de cul, c’est fait. Idem pour la scène de bain entre Moiraine et Lann toute en subtils sous-entendus sur la nature de leur relation, à peu près aussi HS et outrée qu’entre Steed et Emma dans le « film » Avengers.

On pourrait poursuivre la liste, mais cela en deviendrait déprimant. Au total, l’épisode est volontiers plaisant (***) pour les profanes, mais  une purge indigne pour les lecteurs (*), donc (**), car il faut être inclusif.

Certes, il y a des spécificités culturelles pour Lan, c'est pour cela que je ne mets pas tout à fait la scène au même niveau d'incongruité  que chez les Avengers. Mais pour Moiraine, c'est inenvisageable. D'ailleurs dans le chapitre 14 de l'Oeil du Monde, quand elle prend un bain à l'auberge du Cerf et de Lion, elle se rend aux thermes avec Egwene, aucun homme ne les accompagne, même pas Lan. Et dans la nation militarisée du Shienar il s'agit de bains strictement hygiéniques, je vois mal Lan demander à ce que le bain soit bien "chaud" à une Moiraine très complice. C'est le Guignol de DSK, ça.

Oui pour cette adaptation là je trouve que le curseur habituel a été largement mis sur le grand public, d'où ma surprise devant la réaction de la Pierre de Tear, les fans de la Roue sont autrement plus cools que les Tolkienistes, c'est clair.

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