Série "Clair de Lune"
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Re: Série "Clair de Lune"
Lala a écrit:Hé bien mon petit Clément je te félicite d'avoir tenu toute la saison. En dépit de la faiblesse de la saison 4, tu as continue et continué encore sans que la qualité de tes critiques en patissent.
Merci beaucoup. En fait, je pense que la saison 4 est moitié brillante, moitié consternante. Entre le 4x02 et le 4x08, c'est à peu près que du désastre, et je pense que les fans ont surtout retenu ça. Mais si on accepte le coup de théâtre pachydermique du mariage de Maddie, les cinq derniers épisodes sont des petits bijoux. Bon, je pense que finalement je vais baisser une ou deux notes ; mais dans l'ensemble, j'ai trouvé cette saison pas si mauvaise.
Puis j'ai l'impression que vers la fin tu l'aime bien Walter. Oui il est trop gentil mais si tous les maris pouvaient être aussi prévenants...Puis sa dernière scène avec Maddie est d'une douceur! Moi aussi je veux un divorce comme ça.
Par contre Terry je n'ai jamais accroché. Je ne sais pas pourquoi. Pourtant j'ai totalement accepté Walter mais alors elle...En plus elle est gentille, elle comprend parfaitement la relation Maddie/David mais peut être est-elle trop dans la séduction pour pouvoir me plaire.
Curieux, moi, c'est l'inverse. J'ai tout de suite accroché à Terri, mais Walter a eu du mal à me convaincre. Finalement, sa dernière scène, celle du divorce, l'a bien racheté à mes yeux. Exactement comme toi : si j'avais l'infortune de divorcer un jour, j'aimerais moi aussi que ça se passe comme ça.
Je pense qu'un homme n'est jamais aussi séduisant quand il ne cherche pas à séduire. David est certes attiré par elle, mais ne pense pas qu'il pourrait vivre avec elle. Et il est aussi prévenant et gentil envers elle que Walter envers Maddie. Forcément, ça la fait un peu craquer. J'ai plus apprécié le naturel de leur relation plutôt que celle, plus artificielle, de Maddie-Walter, vu les circonstances de leur rencontre.
Le monologue de David sur l'ardoise est totalement justifié. Et puis c'est l'occasion de nous prouver que Bruce Willis peut être émouvant sans pleurer, sans crier. Mais juste sobre avec ce qu'il faut d'autorité virile et de déception. Bruuuuuuuuuuce qu'est-ce que t'as fait après ?!!!
La course poursuite est l'une de mes préférées et renoue parfaitement avec l'ambiance des débuts.
100% d'accord !
Bon et c'est la dernière fois que l'on verra Cybill Shepherd avec une coupe à son avantage. La saison 5 sera un désastre capillaire.
Quiconque a survécu à la coiffure choucroutée de Gillian Anderson dans Le diable du New Jersey peut tout supporter ! Je prends note de ta remarque.
Dearesttara- Roi (Reine)
- Date d'inscription : 08/02/2010
Top 5 de la saison 4
Top 5 de la saison 4 :
1. Maddie va se marier : Rythme pétaradant, disputes en perpetuum mobile, situations absurdes, humour ravageur, final déjanté. L'esprit de la série se trouve tout entier dans cet épisode déchaîné où les deux segments distincts de la saison se télescopent pour un résultat massif.
2. Deux fois papa : Ce finale de saison relâche peu à peu la tension accumulée depuis le départ de Maddie. C'est l'occasion pour la série de montrer qu'elle est soluble dans la sobriété et la douceur. La justesse psychologique et les très beaux adieux des deux personnages secondaires : Terri et Walter, sont portés par une interprétation parfaite. La grosse tranche de délire final est sauvagement jouissive !
3. L’inaccessible amour : Le rêve était presque parfait version Agnès-Herbert. La copie fait bonne figure auprès de l'original. Herbert Viola montre qu'il est capable de tenir un épisode à lui tout seul. L'histoire est imaginative, utilise brillamment l'émotion. La parodie de Casablanca est un très grand moment de la série !
4. Etats d'âme : Superbe dialogue désenchanté entre deux êtres incapables d'assumer pleinement les conséquences de leurs actes. L'humour est l'expression de leur incommunicabilité. Mais l'émotion et les larmes ne sont jamais loin. Glenn Gordon Caron connaît ses créatures sur le bout des doigts et leur offre des scènes magnifiques. Cybill Shepherd et Bruce Willis sont étincelants.
5. Ciel, ma femme ! : La screwball comedy reprend ses droits au sein de cet épisode enlevé. L'enquête est passionnante, les disputes bien énormes, la relation David-Maddie fait l'objet de variations virtuoses. La dernière partie de la saison s'envole vers les sommets !
Accessits d'honneur : David père de famille, Le nouveau David, Tournez à gauche avant l'autel.
1. Maddie va se marier : Rythme pétaradant, disputes en perpetuum mobile, situations absurdes, humour ravageur, final déjanté. L'esprit de la série se trouve tout entier dans cet épisode déchaîné où les deux segments distincts de la saison se télescopent pour un résultat massif.
2. Deux fois papa : Ce finale de saison relâche peu à peu la tension accumulée depuis le départ de Maddie. C'est l'occasion pour la série de montrer qu'elle est soluble dans la sobriété et la douceur. La justesse psychologique et les très beaux adieux des deux personnages secondaires : Terri et Walter, sont portés par une interprétation parfaite. La grosse tranche de délire final est sauvagement jouissive !
3. L’inaccessible amour : Le rêve était presque parfait version Agnès-Herbert. La copie fait bonne figure auprès de l'original. Herbert Viola montre qu'il est capable de tenir un épisode à lui tout seul. L'histoire est imaginative, utilise brillamment l'émotion. La parodie de Casablanca est un très grand moment de la série !
4. Etats d'âme : Superbe dialogue désenchanté entre deux êtres incapables d'assumer pleinement les conséquences de leurs actes. L'humour est l'expression de leur incommunicabilité. Mais l'émotion et les larmes ne sont jamais loin. Glenn Gordon Caron connaît ses créatures sur le bout des doigts et leur offre des scènes magnifiques. Cybill Shepherd et Bruce Willis sont étincelants.
5. Ciel, ma femme ! : La screwball comedy reprend ses droits au sein de cet épisode enlevé. L'enquête est passionnante, les disputes bien énormes, la relation David-Maddie fait l'objet de variations virtuoses. La dernière partie de la saison s'envole vers les sommets !
Accessits d'honneur : David père de famille, Le nouveau David, Tournez à gauche avant l'autel.
Dearesttara- Roi (Reine)
- Age : 33
Localisation : Charenton (94)
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Série "Clair de Lune"
La saison 4 a été envoyée à S3 !
Conformément à la loi de l'alternance, je mets en standby Clair de Lune pour me concentrer sur la saison 6 de Dr.House. Ensuite, nous conclurons Moonlighting avec sa 5e et dernière saison.
Conformément à la loi de l'alternance, je mets en standby Clair de Lune pour me concentrer sur la saison 6 de Dr.House. Ensuite, nous conclurons Moonlighting avec sa 5e et dernière saison.
Dearesttara- Roi (Reine)
- Age : 33
Localisation : Charenton (94)
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Série "Clair de Lune"
La saison 4 est en ligne!
http://theavengers.fr/index.php/hors-serie/annees-1980/clair-de-lune-1985-1989/clair-de-lune-saison-4
http://theavengers.fr/index.php/hors-serie/annees-1980/clair-de-lune-1985-1989/clair-de-lune-saison-4
Invité- Invité
Re: Série "Clair de Lune"
Merci beaucoup, Steed3003 !
Juste une correction à apporter (ce serait pas drôle sinon ) : le lien du Top 5 de la saison 4 renvoie à l'épisode 11. C'est tout !
Juste une correction à apporter (ce serait pas drôle sinon ) : le lien du Top 5 de la saison 4 renvoie à l'épisode 11. C'est tout !
Dearesttara- Roi (Reine)
- Age : 33
Localisation : Charenton (94)
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Série "Clair de Lune"
Thanks !
Dearesttara- Roi (Reine)
- Age : 33
Localisation : Charenton (94)
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Série "Clair de Lune"
Curtis Amstrong nouveau guest de Supernatural. Dans la dernière ligne droite de la saison 8, il va jouer Metatron en personne (). Un personnage déjà évoqué mais jamais sorti du bois jusqu'ici. Visiblement il a une touche avec la douce Naomi. Toujours la bonne ambiance au Paradis depuis les Archanges se sont faits ventilés façon puzzle.
Estuaire44- Empereur
- Age : 55
Localisation : Villejuif (94)
Date d'inscription : 10/04/2007
Re: Série "Clair de Lune"
Je m'adresse à Lala (même à E44 s'il a vu l'épisode) ou à tout autre fan de la série : quelqu'un peut-il me dire comment aimer le premier épisode de la saison 5 : A womb with a view ? Parce que moi j'ai pas vraiment aimé et ça me fait de la peine : je suis sûr qu'avec le bon angle de vision, je peux lui trouver des qualités (Raaaaaah, cette chute finale, c'est trop cruel !!). Bon, vous me direz, la saison 3 n'avait pas bien commencé, et c'est la meilleure saison du show, alors...
Ceci dit, Bruce Willis en couche culotte et avec une tétine...
Ceci dit, Bruce Willis en couche culotte et avec une tétine...
Dearesttara- Roi (Reine)
- Age : 33
Localisation : Charenton (94)
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Série "Clair de Lune"
Ba pour la performance de Bruce Willis en bébé oui cet épisode est bien. Puis après la crise de la saison 4,la relation de David et Maddie est beaucoup plus douce dans cet épisode (malgré une petite dispute). Après je ne trouve pas que cet épisode soit tellement marquant, on fait un peu du surplace.
Mais la scène de fin avec une Maddie en pleur et David à ses côtés est tellement belle.
Mais la scène de fin avec une Maddie en pleur et David à ses côtés est tellement belle.
Lala- Duc(hesse)
- Age : 38
Localisation : Paris
Date d'inscription : 05/10/2005
Re: Série "Clair de Lune"
Désolé, je ne m'en souviens pas précisément. Pas revu depuis lors.
Estuaire44- Empereur
- Age : 55
Localisation : Villejuif (94)
Date d'inscription : 10/04/2007
Re: Série "Clair de Lune"
Dis donc Dear mine de rien tu avances sur la saison et tu nous postes même pas tes critiques...je suis trop déçue .
Lala- Duc(hesse)
- Age : 38
Localisation : Paris
Date d'inscription : 05/10/2005
Re: Série "Clair de Lune"
C'est que je dois revoir vraiment mon barème. La saison 5 se concentre davantage sur les enquêtes que sur notre duo chéri, ce qui m'oblige à prendre un autre point de vue. Il y'a notamment deux épisodes que je n'arrive pas à noter (Womb with a view et Color of Maddie), et les autres, je suis pas encore sûr des notes que j'ai mises. Cependant je peux te dire que sur les 7 premiers épisodes de la saison, mon préféré est pour le moment le 7 (I see England, I see France, I see Maddie's netherworld).
Pardon Lala de te décevoir, je te promets de prendre des décisions rapidement.
Pardon Lala de te décevoir, je te promets de prendre des décisions rapidement.
Dearesttara- Roi (Reine)
- Age : 33
Localisation : Charenton (94)
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Série "Clair de Lune"
Bon, Lala, chers lecteurs de ce topic, désolé, mais il va encore falloir attendre pour les critiques de la saison 5. Cependant, pour vous faire patienter, voici une présentation que j'ai faite de la série :
Clair de Lune (Moonlighting en VO) est une série comique et policière américaine. Constituée de 5 saisons totalisant un pilote de 90 minutes, et 65 épisodes de 42 minutes. Créée par Glenn Gordon Caron en 1985, et diffusée aux Etats-Unis sur le réseau ABC jusqu’en 1989, année de son arrêt.
La série raconte le jeu de cache-cache amoureux, de tension sexuelle explosive, au sein d’un duo d’enquêteurs : Maddie Hayes (Cybill Shepherd) et David Addison Jr (Bruce Willis), dirigeants de l’agence de détectives Blue moon. Avant, pendant, et après leurs enquêtes policières totalement loufoques, la principale occupation du fin duo consiste en effet à nier leurs sentiments l’un envers l’autre en s’engueulant continuellement. Le duo est parfois assisté dans sa tâche par Agnès Topisto (Allyce Beasley), une standardiste qui aime s’exprimer en vers, et à partir de la saison 3, par un jeune employé plein d’ambition : Herbert Viola (Curtis Armstrong).
I. Prologue
Retournez la jaquette d’un DVD de série, il y’a 9 chances sur 10 pour qu’il y soit inscrit : « série culte », ou « série qui a révolutionné la télévision », ou mieux : « série culte qui a révolutionné la télévision ». Inutile de dire que la plupart du temps, c’est une publicité mensongère. Bien peu de séries peuvent se targuer d’avoir eu une aura telle qu’elle a profondément influencé des séries futures. Mais dans le cas de Clair de Lune, on peut sans hésiter dire qu’elle fait partie de ce cercle très privé.
Moonlighting est une des grandes séries des années 80. La mise en scène, le soin accordé à la BO, et la description d’un Los Angeles lumineux et brillant, sont profondément ancrées dans leur époque. Suivie assidûment par un public large (atteignant 60 millions de spectateurs à la fin de la saison 3), elle fut l’objet d’une attention soutenue de la part des médias, comme en témoignent journaux et magazines de l’époque. Alors pourquoi cette série eut un tel succès et est encore analysée, décortiquée aujourd’hui ? Parce qu’elle a véritablement révolutionné la télévision, et nous allons apprendre comment.
II. Remington Steele : prélude à Moonlighting
Le génie, c’est aussi améliorer plutôt qu’inventer. Si Clair de Lune a certes apporté beaucoup d’innovations, elle a amélioré aussi des idées créées dans un autre show : Les enquêtes de Remington Steele (Remington Steele en VO), lancée en 1982.
Cette série de Michael Gleason et Robert Butler - réalisateur du pilote de Clair de Lune - mettait en scène des enquêtes policières aussi légères que des bulles de savon pour mieux se focaliser sur son couple vedette : la détective Laura Holt (Stéphanie Zimbalist), et un cambrioleur repenti surnommé Remington Steele (Pierce Brosnan, qui allait bientôt enfiler le smoking de James Bond). Le charme de ce duo, tout en douceur, quitte à être trop sucré par moments, est le principal intérêt de cette série.
Un duo mixte détonnant, l’idée était peu répandue mais pas nouvelle : le couple fondamental de Chapeau melon et bottes de cuir, John Steed-Cathy Gale (1963) est la matrice de tous les couples de séries télé : tension sexuelle et rapports conflictuels n’excluant pas le respect mutuel. Cependant, dans le cas des Avengers, cette plaisante relation est toujours un « à-côté » et non l’axe principal de la série. Le déplacement du centre de gravité de la série policière de l’enquête aux personnages est une mode qui ne sera lancée que plus tard : d’abord par Les Drôles de Dames, puis par le couple marié de Pour l’amour du risque, et, dans une certaine mesure, le détonnant duo de Mission Casse-Cou. Remington Steele est non seulement la première série à se concentrer sur le couple plutôt que les enquêtes mais surtout va incorporer dans le policier la comédie. En particulier la screwball comedy (voir plus loin).
Ces nouveautés vont être reprises, développées, et poussées au sommet par Clair de Lune.
Un jeune scénariste, Glenn Gordon Caron, participe à l’écriture et à la production de la première saison de Remington Steele. Mais il la quitte bientôt car il a des projets plus ambitieux. Devant le succès de la série, ABC lui commande en 1985 une série qui serait similaire, avec un couple aussi sucré que Holt et Steele ou Jonathan et Jennifer Hart. Mais cette conception aseptisée d’un duo mixte ne sied guère à Caron qui écrit un pilote plus proche de ses idées : un couple conflictuel, électrique, dont les disputes perpétuelles sous-tendent une puissante mais niée attirance. ABC émet bien quelques protestations mais reconnaît l’audace de l’auteur et lui donne le feu vert.
Penchons-nous maintenant sur la série en elle-même :
III. Clair de Lune : une série révolutionnaire
Clair de Lune repose tout entière sur le modèle de la screwball comedy : il s’agit d’un genre cinématographique américain qui fit fureur pendant les années 30. Les films appartenant à cette mouvance centralisent leurs histoires sur un couple improbable et conflictuel. Piégés dans un engrenage infernal d’aventures burlesques, ce couple est forcé de cohabiter, pour le meilleur et surtout pour le pire. Il s’agit donc d’un mélange de farce et de comédie romantique. Parmi la galerie de chefs-d’œuvre qu’a produit le genre, le joyau le plus emblématique est certainement l’hallucinatoire L’Impossible Monsieur Bébé d’Howard Hawks (1938). Clair de Lune peut être définie comme étant une série Screwball comedy. Cependant, la priorité tant dans la série que dans ses modèles, c’est le couple, davantage que leurs aventures. Aussi ne sera-t-on pas étonné si plus d’un tiers des épisodes de la série ne contiennent aucune enquête : ce n’est pas le plus important. On peut discerner dans la série pas moins de sept innovations ou améliorations qui ont profondément influencé les séries futures, jusqu’à aujourd’hui.
1. David et Maddie : le modèle du couple mixte de la série télévisée moderne
Aujourd’hui, nombreuses sont les séries télévisées qui mettent en avant des couples mixtes dont la tension sexuelle en suspens est une, si ce n’est la raison d’être. Malgré The Avengers et Remington Steele (sur un mode plus doux) il revient bien à Clair de Lune l’honneur d’avoir lancé durablement cette mode. La relation entre les deux personnages est si intense, puissante, dévastatrice même, qu’elle a marqué les esprits. Jamais un couple ne s’était autant disputé avec tant de passion et parfois de violence, refusant d’admettre leur amour réciproque. Les plages de calme, jolis moments d’abandon, exhalent un parfum romantique pénétrant. L’équation de Glenn Gordon Caron est déséquilibrée car les passages « furieux » sont clairement plus présents que les passages « doux ». Cela donne un dynamisme quasi inégalable. C’est pour cette raison que les couples de série futurs réégaliseront le tout en partageant plus équitablement les moments de tension et de détente. Ils seront ainsi parfois plus profonds psychologiquement que Dave and Mad’. Mais pour les disputes et la passion sous-jacente, Clair de Lune demeure bien le modèle pour toute série du genre.
2. Une série à dialogues
Une des caractéristiques importantes de la série est une profusion de dialogues acérés, débités à un tempo effréné. Il s’agit là d’une des caractéristiques de la screwball comedy où les personnages font du ping-pong verbal très serré. L’effet produit relève autant de la comédie (les répliques claquent à chaque fois) que de la tension (chacun veut prendre le dessus sur l’autre). Les mots sont en effet l’arme favorite de la guerre des sexes. Clair de Lune n’hésite pas à compliquer la tâche en demandant à ses comédiens de parler parfois en même temps dans un effet de « climax ». En cela, la série s’inspire notamment d’un bijou de la screwball comedy : La dame du vendredi d’Howard Hawks (1940) où les dialogues se marchent sur les pieds. Le débit atteint est alors de 240 mots par minute (deux fois et demi le débit d’une conversation normale !) sans qu’une quelconque lassitude se fasse sentir. Les scénaristes de la série seront suffisamment doués pour relever le gant. L’importance des dialogues est telle que si un script d’épisode de 45 minutes fait ordinairement 50 pages, pour Clair de Lune, il en faudra 90, voire 100 !
Cette innovation montre la force des dialogues dans une série. Aujourd’hui, les dialogues comptent autant sinon davantage que les scénarios. Les plus grands scénaristes américains retiendront la leçon. En premier lieu Aaron Sorkin (A la maison blanche), spécialiste des dialogues mitraillette - plus dans un but de tension que de comédie - ou encore David E. Kelley (Ally McBeal), roi des mots d’auteur et des aphorismes assassins, et qui n’hésite pas également à faire se parler en même temps les personnages. D’autres séries se distingueront par la rapidité frénétique de leurs dialogues : la série adolescente Gilmore Girls créée par Amy Sherman-Palladino, ou la tourbillonnante Scandal de Shonda Rhimes. Le succès de ces séries doit beaucoup à ces échanges fougueux et haletants, héritiers de Moonlighting et de la screwball comedy.
3. Le triomphe du burlesque
Malgré son origine américaine, la série se montre dotée d’un humour souvent délirant qui évoque le fameux nonsense anglais. Les enquêtes dans lesquelles nos héros sont embarqués n’ont pas la moindre importance (sauf pendant la dernière saison) car elles ne servent que de McGuffin pour imaginer des séquences loufoques. Il en est ainsi des scènes finales par exemple, où les auteurs se déchaînent souvent (poursuite en fauteuil roulant, bagarre sur un trampoline…). Des gags massifs au kilomètre semblant être sortis d’un générateur d’aléas en roue libre. Et puis, il y’a le personnage de David Addison que Bruce Willis transfigure en machine à rire non stop. On a rarement vu un acteur capable de déchaîner le rire dès qu’il apparaît. De quoi regretter que ce comédien surdoué n’ait pas continué dans cette voie.
Le slapstick, les quiproquos improbables, les parodies… la série ne s’interdit aucune limite, quitte à aller braconner sur les terres des Monty Python quand ça lui chante.
4. Le Quatrième mur : un tabou télévisuel fracassé
Regardez la scène d’un théâtre, combien de murs voyez-vous ? Trois : à gauche, au fond, à droite. Le Quatrième mur désigne en fait le mur invisible qui sépare les spectateurs des comédiens, parallèle au mur du fond. Les acteurs jouent leur rôle sans se préoccuper de la présence du public alors que ce dernier, lui, les regarde, comme à travers une glace sans tain. Les comédiens ne doivent normalement pas parler au public. Transgresser cette règle revient donc à « casser » le Quatrième mur. Cette rupture du « contrat » entre l’artiste et le spectateur est un tabou dans l’univers de la fiction. Il existe certes des précédents dans le théâtre classique mais extrêmement rares (on citera Harpagon demandant directement au public de lui dire qui est le voleur de sa cassette dans l’acte IV de l’Avare de Molière).
Les films et les séries ont rarement cassé le 4e mur. Le moyen le plus fréquent consiste à laisser un personnage interpeller directement le public. Il en est ainsi des débuts des quatre premières saisons du Saint. Les Avengers ont cassé deux fois ce mur : à la fin de Rien ne va plus dans la nursery (saison 5), et Visages (saison 7).
Mais Clair de Lune va aller beaucoup plus loin, et inventer de nouvelles manières de briser ce mur. Cela à partir de la saison 2 : un personnage se trompe dans le scénario, mentionne la pub qui vient de passer, les scénaristes lancent un préavis de grève, Maddie et David lisent le courrier des lecteurs, saluent le réalisateur… Car à la différence de tous les autres personnages de série télé, les héros de Clair de Lune SAVENT qu’ils sont des personnages fictifs ! Bref, de grands moments de n’importe quoi hilarants. Mais la série va utiliser le 4e mur non seulement pour un effet comique mais surtout pour rendre hommage au spectateur. Les plus longs cassages de 4e mur (jusqu’à huit minutes !!) sont un grand cri d’amour de la série au public qui la regarde : chant de Noël entonné par toute l’équipe, salutations enthousiastes, parole donnée directement à des fans de la série, etc. Clair de Lune est certainement la série qui a le plus manifesté son amour pour son public.
Ce tabou demeure aujourd’hui très fort. Mais quelques séries l’ont repris comme Malcolm, Journal intime d’une call-girl, Earl… cependant, la seule série qui à ce jour rivalise avec Clair de Lune dans ce domaine est Boston Justice de David E. Kelley. Les personnages de cette série, comme ceux de Moonlighting, savent qu’ils sont des personnages de série, et utilisent ce moyen hilarant pour le rappeler.
5. Naissance de la dramedy : forme comique/fond dramatique
Une analyse plus poussée des rapports entre David et Maddie laisse entrevoir des gravités insoupçonnées. Microcosme de la communication impossible entre les hommes et les femmes, la série dresse un bilan souvent amer de leur relation. David et Maddie ne se rejoignent en fait que dans leur fuite des rapports amoureux, enfermés dans leur orgueil, dans leur peur de s’abandonner, et surtout de l’incompréhension de l’Autre. De plus, tous les efforts de l’un pour se rapprocher de l’autre conduisent à des catastrophes certes hilarantes, mais révélateurs du fossé qui les sépare. A une plus grande échelle, l’esprit masculin, plus direct, plus franc, se casse les dents sur l’esprit féminin, plus subtil et indirect, et vice-versa. Même après la concrétisation de leur relation, Maddie et David seront incapables de maintenir une relation stable. C’est cette fois une lecture pessimiste de la vie de couple qui est étudiée ici. Au-delà de leurs crises à la limite du burlesque, l’amertume demeure. Et le finale de la série, en suspens, ambigu, ne résout rien.
A l’inverse, le duo secondaire de la série (Agnès et Herbert), malgré des dissensions rappelant celles de leurs patrons, est bien plus apaisé et harmonieux dans leurs rapports. Le parallèle entre ces deux couples apparaît comme une ironie cruelle envers David et Maddie. De plus certains épisodes ne sont pas du tout drôles et sont même d’une noirceur confondante, prouvant l’aisance de la série à passer du rire aux larmes. Le charisme des comédiens et l’épaisseur psychologique des personnages autorisent de sublimes moments d’émotion, loin des rires habituels.
Certains épisodes de la série traitent également de sujets de société - surtout dans la dernière saison - : artificialité du mannequinat, harcèlement sexuel au travail, suprématie de la beauté physique dans un monde d'apparences, etc.
Clair de Lune est ainsi une des premières séries à risquer ce mélange comédie/drame avec autant de réussite, connu désormais sous le nom de dramedy. Elle fut d’ailleurs la première série à être récompensée dans les catégories comique et dramatique ! Il n’est pas anodin que la majorité des succès télévisuels soient depuis la fin des années 80 des dramedies (en particulier les sitcoms). Le public est doublement satisfait : il rit, et est solidaire de personnages émouvants qui le touchent.
6. Le Syndrome Clair de Lune
La série est aussi renommée pour son fameux « syndrome » (Moonlighting curse en anglais). Dans une série mettant en scène un couple qui se tourne autour, la tension sexuelle fulgurante est le principal atout de la série. Si les deux personnages couchent enfin ensemble, la tension est brisée, et le spectateur n’est plus passionné. Conséquence : chute d’audience, et annulation au bout de deux saisons maximum. C’est dans ce piège redoutable, très difficile à éviter, qu’est tombé en premier Moonlighting, à la fin du 14e épisode de la 3e saison (I’m curious… Maddie).
Cependant, il convient de noter un point capital : ce n’est pas le syndrome en lui-même qui cause la chute de la série, mais ses conséquences narratives : il va presque toujours de pair avec une panne d’idées de la part des scénaristes qui, impuissants à remettre de la tension sexuelle, n’ont plus d’inspiration pour continuer sur la même lancée. Dans le cas de Clair de Lune, la saison 4 (post-coïtum) va se traîner dans le soap opera le plus ennuyeux, et il faudra des rebondissements improbables et peu crédibles pour que la série revienne à son meilleur niveau. Mais à ce moment-là, le public, trop impatient, se sera éloigné. La série fut annulée à la fin de la saison 5.
Presque toutes les séries mettant en scène un duo mixte sont tombés dans le panneau : Madame est servie, Loïs et Clark, Dr.House (dans une moindre mesure), etc. Signe qu’aujourd’hui encore, il est difficile d’échapper à ce syndrome. Il existe certes des séries qui ont évité l’écueil mais elles sont rares : Rob Estes meurt quelques jours après avoir fait l’amour avec Rita Lee Lance dans Les dessous de Palm Beach, Angel se transforme en vampire maléfique pour avoir osé connaître le bonheur parfait dans les bras de La Tueuse (Buffy contre les vampires), etc. De nos jours, trouver une porte de sortie à ce syndrome demeure un exercice périlleux.
7. Une BO du tonnerre
Jusqu’en 1985, l’accompagnement musical des séries se limitait aux compositions originales, écrites spécifiquement pour tel ou tel épisode. Quelques chansons extérieures peuvent être présentes, mais Clair de Lune est la première à autant utiliser des chansons « extérieures » pour donner une variété, un coloris différent de l’instrumental habituel. En plus des musiques d’Alf Clausen, toujours de qualité (la partition de North by north DiPesto est un pur chef-d’œuvre d’orchestration), on entend souvent des standards soul, pop, jazzy, voire disco tardif, des Eighties : The Temptations, Billy Joel, Ray Charles, Les Ronnettes… ont vu leurs tubes empruntés par la série pour l’ancrer pleinement dans son époque. Mais surtout pour renforcer l’impact émotionnel de certaines scènes. La haute qualité de cette musique fait qu’elle supporte très bien l’épreuve du temps bien des décennies plus tard, et n’a donc pas vieillie. Dans l’ensemble, Clair de Lune est baignée par une esthétique très jazzy.
L’importance de la musique va être capitale pour les séries suivantes, notamment celles qui voudront se construire une esthétique visuelle et narrative pop (Ally McBeal…), rock (Scrubs…), métal (Supernatural…), etc. La musique sera alors en harmonie profonde avec l’atmosphère de la série, et contribuera à faire s’immerger le fan de plain-pied.
Note sur la VF
A de rares occasions, il est arrivé que les acteurs de doublage fussent si inspirés qu’ils rajoutèrent une plus-value à la VO de séries. On peut penser que c’est le cas pour Clair de Lune. Même si la voix des acteurs originaux est magnifique, il faut reconnaître qu’Annie Sinigalia (Cybill Shepherd) et Patrick Poivey (Bruce Willis, dont il est la voix attitrée), deux brillants comédiens de théâtre, parviennent à insuffler davantage de couleur et de vivacité. Leurs voix sont d’une harmonie telle que regarder en VF semble aller de soi. Le seul défaut est que certaines blagues et cassages de 4e mur sont parfois occultés, et qu’il existe au moins un épisode à voir en VO à cause de ses jeux de sons perpétuels (Rock around Shakespeare, saison 3). De leur côté, Jeanine Forney (Allyce Beasley) restitue tout à fait l’attitude enfantine d’Agnès, et Alain Flick (Curtis Armstrong), les multiples tempéraments de Viola. Vous l’aurez compris, si la VO est excellente, la VF, c’est du cinq étoiles !
IV. Conclusion
Mais au-delà des innovations télévisuelles, la série a beaucoup fait pour ses artisans. En premier lieu, pour Bruce Willis qui vit sa carrière lancée sur orbite avec le succès énorme de la série. Hélas, Willis changea complètement sa trajectoire de comédien brillant, à l’humour dévastateur quasiment sans équivalent, au profit des figures bien bourrines du cinéma d’action. Il n’a toutefois pas oublié certaines leçons de la série et veilla souvent à mettre - avec réussite - de l’humour et de la fragilité dans ses figures héroïques (John McClane est un clône inavoué de David Addison), ce qui le distingue de ses confrères.
Cybill Shepherd vit sa carrière redécoller grâce à la série, et poursuit depuis une fructueuse carrière de télévision. Elle cassa de nouveau la baraque dans la peau de l’impertinente Cybill Sheridan dans la sitcom Cybill, et fut Phyllis Kroll, un superbe rôle récurrent dans The L Word. Elle n’arriva cependant jamais à retrouver le succès cinématographique de ses débuts, une injustice à son talent.
Si Allyce Beasley s’est davantage tournée vers le doublage, Curtis Armstrong a pu grâce à son rôle, faire une très riche carrière sur le petit écran. Herbert Viola reste toutefois son plus grand rôle. Jack Blessing (MacGillicudy) a poursuivi pareillement une honorable carrière télévisuelle.
Glenn Gordon Caron a pu bien vivre de son succès. Mais lorsqu’il recommença à écrire, il subit une traversée de désert qui dura dix ans, ses séries essuyant échecs sur échecs. Il a cependant retrouvé le succès en 2005 avec l’excellente Médium (où l’on retrouvera d’ailleurs Allyce Beasley le temps d’un épisode, et deux réalisateurs de Clair de Lune : Artie Mandelberg et Peter Werner).
(c) 2013 par Clément Diaz
PRESENTATION CLAIR DE LUNE
Clair de Lune (Moonlighting en VO) est une série comique et policière américaine. Constituée de 5 saisons totalisant un pilote de 90 minutes, et 65 épisodes de 42 minutes. Créée par Glenn Gordon Caron en 1985, et diffusée aux Etats-Unis sur le réseau ABC jusqu’en 1989, année de son arrêt.
La série raconte le jeu de cache-cache amoureux, de tension sexuelle explosive, au sein d’un duo d’enquêteurs : Maddie Hayes (Cybill Shepherd) et David Addison Jr (Bruce Willis), dirigeants de l’agence de détectives Blue moon. Avant, pendant, et après leurs enquêtes policières totalement loufoques, la principale occupation du fin duo consiste en effet à nier leurs sentiments l’un envers l’autre en s’engueulant continuellement. Le duo est parfois assisté dans sa tâche par Agnès Topisto (Allyce Beasley), une standardiste qui aime s’exprimer en vers, et à partir de la saison 3, par un jeune employé plein d’ambition : Herbert Viola (Curtis Armstrong).
I. Prologue
Retournez la jaquette d’un DVD de série, il y’a 9 chances sur 10 pour qu’il y soit inscrit : « série culte », ou « série qui a révolutionné la télévision », ou mieux : « série culte qui a révolutionné la télévision ». Inutile de dire que la plupart du temps, c’est une publicité mensongère. Bien peu de séries peuvent se targuer d’avoir eu une aura telle qu’elle a profondément influencé des séries futures. Mais dans le cas de Clair de Lune, on peut sans hésiter dire qu’elle fait partie de ce cercle très privé.
Moonlighting est une des grandes séries des années 80. La mise en scène, le soin accordé à la BO, et la description d’un Los Angeles lumineux et brillant, sont profondément ancrées dans leur époque. Suivie assidûment par un public large (atteignant 60 millions de spectateurs à la fin de la saison 3), elle fut l’objet d’une attention soutenue de la part des médias, comme en témoignent journaux et magazines de l’époque. Alors pourquoi cette série eut un tel succès et est encore analysée, décortiquée aujourd’hui ? Parce qu’elle a véritablement révolutionné la télévision, et nous allons apprendre comment.
II. Remington Steele : prélude à Moonlighting
Le génie, c’est aussi améliorer plutôt qu’inventer. Si Clair de Lune a certes apporté beaucoup d’innovations, elle a amélioré aussi des idées créées dans un autre show : Les enquêtes de Remington Steele (Remington Steele en VO), lancée en 1982.
Cette série de Michael Gleason et Robert Butler - réalisateur du pilote de Clair de Lune - mettait en scène des enquêtes policières aussi légères que des bulles de savon pour mieux se focaliser sur son couple vedette : la détective Laura Holt (Stéphanie Zimbalist), et un cambrioleur repenti surnommé Remington Steele (Pierce Brosnan, qui allait bientôt enfiler le smoking de James Bond). Le charme de ce duo, tout en douceur, quitte à être trop sucré par moments, est le principal intérêt de cette série.
Un duo mixte détonnant, l’idée était peu répandue mais pas nouvelle : le couple fondamental de Chapeau melon et bottes de cuir, John Steed-Cathy Gale (1963) est la matrice de tous les couples de séries télé : tension sexuelle et rapports conflictuels n’excluant pas le respect mutuel. Cependant, dans le cas des Avengers, cette plaisante relation est toujours un « à-côté » et non l’axe principal de la série. Le déplacement du centre de gravité de la série policière de l’enquête aux personnages est une mode qui ne sera lancée que plus tard : d’abord par Les Drôles de Dames, puis par le couple marié de Pour l’amour du risque, et, dans une certaine mesure, le détonnant duo de Mission Casse-Cou. Remington Steele est non seulement la première série à se concentrer sur le couple plutôt que les enquêtes mais surtout va incorporer dans le policier la comédie. En particulier la screwball comedy (voir plus loin).
Ces nouveautés vont être reprises, développées, et poussées au sommet par Clair de Lune.
Un jeune scénariste, Glenn Gordon Caron, participe à l’écriture et à la production de la première saison de Remington Steele. Mais il la quitte bientôt car il a des projets plus ambitieux. Devant le succès de la série, ABC lui commande en 1985 une série qui serait similaire, avec un couple aussi sucré que Holt et Steele ou Jonathan et Jennifer Hart. Mais cette conception aseptisée d’un duo mixte ne sied guère à Caron qui écrit un pilote plus proche de ses idées : un couple conflictuel, électrique, dont les disputes perpétuelles sous-tendent une puissante mais niée attirance. ABC émet bien quelques protestations mais reconnaît l’audace de l’auteur et lui donne le feu vert.
Penchons-nous maintenant sur la série en elle-même :
III. Clair de Lune : une série révolutionnaire
Clair de Lune repose tout entière sur le modèle de la screwball comedy : il s’agit d’un genre cinématographique américain qui fit fureur pendant les années 30. Les films appartenant à cette mouvance centralisent leurs histoires sur un couple improbable et conflictuel. Piégés dans un engrenage infernal d’aventures burlesques, ce couple est forcé de cohabiter, pour le meilleur et surtout pour le pire. Il s’agit donc d’un mélange de farce et de comédie romantique. Parmi la galerie de chefs-d’œuvre qu’a produit le genre, le joyau le plus emblématique est certainement l’hallucinatoire L’Impossible Monsieur Bébé d’Howard Hawks (1938). Clair de Lune peut être définie comme étant une série Screwball comedy. Cependant, la priorité tant dans la série que dans ses modèles, c’est le couple, davantage que leurs aventures. Aussi ne sera-t-on pas étonné si plus d’un tiers des épisodes de la série ne contiennent aucune enquête : ce n’est pas le plus important. On peut discerner dans la série pas moins de sept innovations ou améliorations qui ont profondément influencé les séries futures, jusqu’à aujourd’hui.
1. David et Maddie : le modèle du couple mixte de la série télévisée moderne
Aujourd’hui, nombreuses sont les séries télévisées qui mettent en avant des couples mixtes dont la tension sexuelle en suspens est une, si ce n’est la raison d’être. Malgré The Avengers et Remington Steele (sur un mode plus doux) il revient bien à Clair de Lune l’honneur d’avoir lancé durablement cette mode. La relation entre les deux personnages est si intense, puissante, dévastatrice même, qu’elle a marqué les esprits. Jamais un couple ne s’était autant disputé avec tant de passion et parfois de violence, refusant d’admettre leur amour réciproque. Les plages de calme, jolis moments d’abandon, exhalent un parfum romantique pénétrant. L’équation de Glenn Gordon Caron est déséquilibrée car les passages « furieux » sont clairement plus présents que les passages « doux ». Cela donne un dynamisme quasi inégalable. C’est pour cette raison que les couples de série futurs réégaliseront le tout en partageant plus équitablement les moments de tension et de détente. Ils seront ainsi parfois plus profonds psychologiquement que Dave and Mad’. Mais pour les disputes et la passion sous-jacente, Clair de Lune demeure bien le modèle pour toute série du genre.
2. Une série à dialogues
Une des caractéristiques importantes de la série est une profusion de dialogues acérés, débités à un tempo effréné. Il s’agit là d’une des caractéristiques de la screwball comedy où les personnages font du ping-pong verbal très serré. L’effet produit relève autant de la comédie (les répliques claquent à chaque fois) que de la tension (chacun veut prendre le dessus sur l’autre). Les mots sont en effet l’arme favorite de la guerre des sexes. Clair de Lune n’hésite pas à compliquer la tâche en demandant à ses comédiens de parler parfois en même temps dans un effet de « climax ». En cela, la série s’inspire notamment d’un bijou de la screwball comedy : La dame du vendredi d’Howard Hawks (1940) où les dialogues se marchent sur les pieds. Le débit atteint est alors de 240 mots par minute (deux fois et demi le débit d’une conversation normale !) sans qu’une quelconque lassitude se fasse sentir. Les scénaristes de la série seront suffisamment doués pour relever le gant. L’importance des dialogues est telle que si un script d’épisode de 45 minutes fait ordinairement 50 pages, pour Clair de Lune, il en faudra 90, voire 100 !
Cette innovation montre la force des dialogues dans une série. Aujourd’hui, les dialogues comptent autant sinon davantage que les scénarios. Les plus grands scénaristes américains retiendront la leçon. En premier lieu Aaron Sorkin (A la maison blanche), spécialiste des dialogues mitraillette - plus dans un but de tension que de comédie - ou encore David E. Kelley (Ally McBeal), roi des mots d’auteur et des aphorismes assassins, et qui n’hésite pas également à faire se parler en même temps les personnages. D’autres séries se distingueront par la rapidité frénétique de leurs dialogues : la série adolescente Gilmore Girls créée par Amy Sherman-Palladino, ou la tourbillonnante Scandal de Shonda Rhimes. Le succès de ces séries doit beaucoup à ces échanges fougueux et haletants, héritiers de Moonlighting et de la screwball comedy.
3. Le triomphe du burlesque
Malgré son origine américaine, la série se montre dotée d’un humour souvent délirant qui évoque le fameux nonsense anglais. Les enquêtes dans lesquelles nos héros sont embarqués n’ont pas la moindre importance (sauf pendant la dernière saison) car elles ne servent que de McGuffin pour imaginer des séquences loufoques. Il en est ainsi des scènes finales par exemple, où les auteurs se déchaînent souvent (poursuite en fauteuil roulant, bagarre sur un trampoline…). Des gags massifs au kilomètre semblant être sortis d’un générateur d’aléas en roue libre. Et puis, il y’a le personnage de David Addison que Bruce Willis transfigure en machine à rire non stop. On a rarement vu un acteur capable de déchaîner le rire dès qu’il apparaît. De quoi regretter que ce comédien surdoué n’ait pas continué dans cette voie.
Le slapstick, les quiproquos improbables, les parodies… la série ne s’interdit aucune limite, quitte à aller braconner sur les terres des Monty Python quand ça lui chante.
4. Le Quatrième mur : un tabou télévisuel fracassé
Regardez la scène d’un théâtre, combien de murs voyez-vous ? Trois : à gauche, au fond, à droite. Le Quatrième mur désigne en fait le mur invisible qui sépare les spectateurs des comédiens, parallèle au mur du fond. Les acteurs jouent leur rôle sans se préoccuper de la présence du public alors que ce dernier, lui, les regarde, comme à travers une glace sans tain. Les comédiens ne doivent normalement pas parler au public. Transgresser cette règle revient donc à « casser » le Quatrième mur. Cette rupture du « contrat » entre l’artiste et le spectateur est un tabou dans l’univers de la fiction. Il existe certes des précédents dans le théâtre classique mais extrêmement rares (on citera Harpagon demandant directement au public de lui dire qui est le voleur de sa cassette dans l’acte IV de l’Avare de Molière).
Les films et les séries ont rarement cassé le 4e mur. Le moyen le plus fréquent consiste à laisser un personnage interpeller directement le public. Il en est ainsi des débuts des quatre premières saisons du Saint. Les Avengers ont cassé deux fois ce mur : à la fin de Rien ne va plus dans la nursery (saison 5), et Visages (saison 7).
Mais Clair de Lune va aller beaucoup plus loin, et inventer de nouvelles manières de briser ce mur. Cela à partir de la saison 2 : un personnage se trompe dans le scénario, mentionne la pub qui vient de passer, les scénaristes lancent un préavis de grève, Maddie et David lisent le courrier des lecteurs, saluent le réalisateur… Car à la différence de tous les autres personnages de série télé, les héros de Clair de Lune SAVENT qu’ils sont des personnages fictifs ! Bref, de grands moments de n’importe quoi hilarants. Mais la série va utiliser le 4e mur non seulement pour un effet comique mais surtout pour rendre hommage au spectateur. Les plus longs cassages de 4e mur (jusqu’à huit minutes !!) sont un grand cri d’amour de la série au public qui la regarde : chant de Noël entonné par toute l’équipe, salutations enthousiastes, parole donnée directement à des fans de la série, etc. Clair de Lune est certainement la série qui a le plus manifesté son amour pour son public.
Ce tabou demeure aujourd’hui très fort. Mais quelques séries l’ont repris comme Malcolm, Journal intime d’une call-girl, Earl… cependant, la seule série qui à ce jour rivalise avec Clair de Lune dans ce domaine est Boston Justice de David E. Kelley. Les personnages de cette série, comme ceux de Moonlighting, savent qu’ils sont des personnages de série, et utilisent ce moyen hilarant pour le rappeler.
5. Naissance de la dramedy : forme comique/fond dramatique
Une analyse plus poussée des rapports entre David et Maddie laisse entrevoir des gravités insoupçonnées. Microcosme de la communication impossible entre les hommes et les femmes, la série dresse un bilan souvent amer de leur relation. David et Maddie ne se rejoignent en fait que dans leur fuite des rapports amoureux, enfermés dans leur orgueil, dans leur peur de s’abandonner, et surtout de l’incompréhension de l’Autre. De plus, tous les efforts de l’un pour se rapprocher de l’autre conduisent à des catastrophes certes hilarantes, mais révélateurs du fossé qui les sépare. A une plus grande échelle, l’esprit masculin, plus direct, plus franc, se casse les dents sur l’esprit féminin, plus subtil et indirect, et vice-versa. Même après la concrétisation de leur relation, Maddie et David seront incapables de maintenir une relation stable. C’est cette fois une lecture pessimiste de la vie de couple qui est étudiée ici. Au-delà de leurs crises à la limite du burlesque, l’amertume demeure. Et le finale de la série, en suspens, ambigu, ne résout rien.
A l’inverse, le duo secondaire de la série (Agnès et Herbert), malgré des dissensions rappelant celles de leurs patrons, est bien plus apaisé et harmonieux dans leurs rapports. Le parallèle entre ces deux couples apparaît comme une ironie cruelle envers David et Maddie. De plus certains épisodes ne sont pas du tout drôles et sont même d’une noirceur confondante, prouvant l’aisance de la série à passer du rire aux larmes. Le charisme des comédiens et l’épaisseur psychologique des personnages autorisent de sublimes moments d’émotion, loin des rires habituels.
Certains épisodes de la série traitent également de sujets de société - surtout dans la dernière saison - : artificialité du mannequinat, harcèlement sexuel au travail, suprématie de la beauté physique dans un monde d'apparences, etc.
Clair de Lune est ainsi une des premières séries à risquer ce mélange comédie/drame avec autant de réussite, connu désormais sous le nom de dramedy. Elle fut d’ailleurs la première série à être récompensée dans les catégories comique et dramatique ! Il n’est pas anodin que la majorité des succès télévisuels soient depuis la fin des années 80 des dramedies (en particulier les sitcoms). Le public est doublement satisfait : il rit, et est solidaire de personnages émouvants qui le touchent.
6. Le Syndrome Clair de Lune
La série est aussi renommée pour son fameux « syndrome » (Moonlighting curse en anglais). Dans une série mettant en scène un couple qui se tourne autour, la tension sexuelle fulgurante est le principal atout de la série. Si les deux personnages couchent enfin ensemble, la tension est brisée, et le spectateur n’est plus passionné. Conséquence : chute d’audience, et annulation au bout de deux saisons maximum. C’est dans ce piège redoutable, très difficile à éviter, qu’est tombé en premier Moonlighting, à la fin du 14e épisode de la 3e saison (I’m curious… Maddie).
Cependant, il convient de noter un point capital : ce n’est pas le syndrome en lui-même qui cause la chute de la série, mais ses conséquences narratives : il va presque toujours de pair avec une panne d’idées de la part des scénaristes qui, impuissants à remettre de la tension sexuelle, n’ont plus d’inspiration pour continuer sur la même lancée. Dans le cas de Clair de Lune, la saison 4 (post-coïtum) va se traîner dans le soap opera le plus ennuyeux, et il faudra des rebondissements improbables et peu crédibles pour que la série revienne à son meilleur niveau. Mais à ce moment-là, le public, trop impatient, se sera éloigné. La série fut annulée à la fin de la saison 5.
Presque toutes les séries mettant en scène un duo mixte sont tombés dans le panneau : Madame est servie, Loïs et Clark, Dr.House (dans une moindre mesure), etc. Signe qu’aujourd’hui encore, il est difficile d’échapper à ce syndrome. Il existe certes des séries qui ont évité l’écueil mais elles sont rares : Rob Estes meurt quelques jours après avoir fait l’amour avec Rita Lee Lance dans Les dessous de Palm Beach, Angel se transforme en vampire maléfique pour avoir osé connaître le bonheur parfait dans les bras de La Tueuse (Buffy contre les vampires), etc. De nos jours, trouver une porte de sortie à ce syndrome demeure un exercice périlleux.
7. Une BO du tonnerre
Jusqu’en 1985, l’accompagnement musical des séries se limitait aux compositions originales, écrites spécifiquement pour tel ou tel épisode. Quelques chansons extérieures peuvent être présentes, mais Clair de Lune est la première à autant utiliser des chansons « extérieures » pour donner une variété, un coloris différent de l’instrumental habituel. En plus des musiques d’Alf Clausen, toujours de qualité (la partition de North by north DiPesto est un pur chef-d’œuvre d’orchestration), on entend souvent des standards soul, pop, jazzy, voire disco tardif, des Eighties : The Temptations, Billy Joel, Ray Charles, Les Ronnettes… ont vu leurs tubes empruntés par la série pour l’ancrer pleinement dans son époque. Mais surtout pour renforcer l’impact émotionnel de certaines scènes. La haute qualité de cette musique fait qu’elle supporte très bien l’épreuve du temps bien des décennies plus tard, et n’a donc pas vieillie. Dans l’ensemble, Clair de Lune est baignée par une esthétique très jazzy.
L’importance de la musique va être capitale pour les séries suivantes, notamment celles qui voudront se construire une esthétique visuelle et narrative pop (Ally McBeal…), rock (Scrubs…), métal (Supernatural…), etc. La musique sera alors en harmonie profonde avec l’atmosphère de la série, et contribuera à faire s’immerger le fan de plain-pied.
Note sur la VF
A de rares occasions, il est arrivé que les acteurs de doublage fussent si inspirés qu’ils rajoutèrent une plus-value à la VO de séries. On peut penser que c’est le cas pour Clair de Lune. Même si la voix des acteurs originaux est magnifique, il faut reconnaître qu’Annie Sinigalia (Cybill Shepherd) et Patrick Poivey (Bruce Willis, dont il est la voix attitrée), deux brillants comédiens de théâtre, parviennent à insuffler davantage de couleur et de vivacité. Leurs voix sont d’une harmonie telle que regarder en VF semble aller de soi. Le seul défaut est que certaines blagues et cassages de 4e mur sont parfois occultés, et qu’il existe au moins un épisode à voir en VO à cause de ses jeux de sons perpétuels (Rock around Shakespeare, saison 3). De leur côté, Jeanine Forney (Allyce Beasley) restitue tout à fait l’attitude enfantine d’Agnès, et Alain Flick (Curtis Armstrong), les multiples tempéraments de Viola. Vous l’aurez compris, si la VO est excellente, la VF, c’est du cinq étoiles !
IV. Conclusion
Mais au-delà des innovations télévisuelles, la série a beaucoup fait pour ses artisans. En premier lieu, pour Bruce Willis qui vit sa carrière lancée sur orbite avec le succès énorme de la série. Hélas, Willis changea complètement sa trajectoire de comédien brillant, à l’humour dévastateur quasiment sans équivalent, au profit des figures bien bourrines du cinéma d’action. Il n’a toutefois pas oublié certaines leçons de la série et veilla souvent à mettre - avec réussite - de l’humour et de la fragilité dans ses figures héroïques (John McClane est un clône inavoué de David Addison), ce qui le distingue de ses confrères.
Cybill Shepherd vit sa carrière redécoller grâce à la série, et poursuit depuis une fructueuse carrière de télévision. Elle cassa de nouveau la baraque dans la peau de l’impertinente Cybill Sheridan dans la sitcom Cybill, et fut Phyllis Kroll, un superbe rôle récurrent dans The L Word. Elle n’arriva cependant jamais à retrouver le succès cinématographique de ses débuts, une injustice à son talent.
Si Allyce Beasley s’est davantage tournée vers le doublage, Curtis Armstrong a pu grâce à son rôle, faire une très riche carrière sur le petit écran. Herbert Viola reste toutefois son plus grand rôle. Jack Blessing (MacGillicudy) a poursuivi pareillement une honorable carrière télévisuelle.
Glenn Gordon Caron a pu bien vivre de son succès. Mais lorsqu’il recommença à écrire, il subit une traversée de désert qui dura dix ans, ses séries essuyant échecs sur échecs. Il a cependant retrouvé le succès en 2005 avec l’excellente Médium (où l’on retrouvera d’ailleurs Allyce Beasley le temps d’un épisode, et deux réalisateurs de Clair de Lune : Artie Mandelberg et Peter Werner).
(c) 2013 par Clément Diaz
Dearesttara- Roi (Reine)
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Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Série "Clair de Lune"
Quelle analyse!!! Parfait.
teeger59- Comte(sse)
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Re: Série "Clair de Lune"
J'avoue que c'est pas trop mal. Pour une fois que je suis content de ce que j'écris.
Merci, teeger, j't'adore !
Merci, teeger, j't'adore !
Dearesttara- Roi (Reine)
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Date d'inscription : 08/02/2010
54. Un ange passe
En avant pour la saison 5, la dernière !
5.01 Un ange passe (A womb with a view) :
Scénario : Glenn Gordon Caron et Charles H. Eglee
Réalisation : Jay Daniel
- Êtes-vous prêts à retrousser vos manches et à réciter vos dialogues débiles ?
- Oui Monsieur !
David, il y’a plus de silicone dans le hall de ce bureau que dans toute la Californie !
Durant la grossesse de Maddie, Jérôme, un envoyé du Créateur, apparaît brusquement à « Baby Hayes », le fils de nos héros. Pour le préparer à la vie et à aimer ses futurs parents, Jérôme emmène le bébé dans le monde extérieur…
Pour son ultime contribution à sa série, Glenn Gordon Caron, accompagné de Charles H. Eglee, écrit peut-être son histoire la plus originale, racontée sous la forme d’une fable dans lequel il imagine un envoyé du Créateur rendre visite à un bébé pour lui raconter tout ce qu’il attend dans la vie extra-utérine, tout en lui faisant connaître ses parents. C’est un épisode très difficile à noter car on peut ou l’apprécier comme un conte enfantin et idyllique, ou s’agacer de la récapitulation massive de ce que le spectateur sait déjà sur David et Maddie, ainsi que de la série hallucinante de truismes et de lapalissades sur la complexité de la vie.
C’est malheureusement cette deuxième lecture qui s’impose rapidement, rendant inutile cet épisode qui ne nous apprend rien sur David et Maddie, ne raconte aucune histoire, et ne dit finalement rien de nouveau sur la Vie. Heureusement, un casting impeccable, une mise en scène chatoyante, et un peu d’humour, font que A womb with a view se laisse regarder, ne serait-ce que pour son originalité. La tragique coda, totalement inattendue, permet de plus un nouveau départ pour la série qui s’entortillait dans des contorsions psychologiques et dramatiques depuis une saison.
L’épisode commence par un éblouissant cassage de 4e mur de cinq minutes, qui compte parmi l’un des plus euphoriquement émouvants de la série. La caméra entre dans les bureaux de l’agence : aussitôt Agnès qui déprimait se lève, et explose de joie en voyant que la série recommence ! Aussitôt, toute l’agence exulte le retour du public - à un Herbert Viola humoristiquement morose près - Elle lui sort le grand jeu avec un superbe numéro musical chanté et dansé pour lui rendre hommage ! Ah, cette série est décidément unique, elle sait comment parler au fan, le remercier de sa présence ! Le spectateur d’aujourd’hui ne peut s’empêcher toutefois d’avoir un petit serrement de cœur à voir l’équipe dire que promis juré on aura les 22 épisodes réglementaires pour la saison, ce qui hélas ne sera pas le cas (seulement 13 épisodes).
Le début de l’épisode est particulièrement hilarant avec une vue de l’utérus de Maddie abritant un Bruce Willis qui danse en couches culottes sur la chanson Baby love des Suprêmes !! Le spectacle est bien allumé, et l’acteur en fait des tonnes. Il interpréte ici le bébé de Maddie et donc de David, confirmant par là la paternité de ce dernier. Le décor fantasmagorique de l’utérus accroche par ailleurs le regard. A partir de l’apparition de Jérôme, envoyé pour initier à l’Existence le bébé, l’épisode joue avec quelques effets spéciaux simples mais réussis. Leur premier dialogue avec le déni de Bébé Hayes qui veut pas quitter son nid douillet et l’autre qui le presse d’ouvrir ses oreilles est très comique. Joseph Mayer compose un messager sympathique, un peu sphinx, à l’amour et à la joie débordantes.
Après on s’embarque dans des directions qu’on aimera ou détestera. Personnellement, je n’ai pas accroché au concept de l’épisode qui consiste à expliquer au bébé qui sont ses futurs parents, la nature de leur relation (On s’engueule, c’est notre manière de dire je t’aime), car on apprend rien de nouveau sur eux. Cela est désastreux quand le scénario ne comporte aucune intrigue dramatique, puisqu’il n’y a pas d’enquête, ni d’histoire principale, etc. Voir également la Vie décrite de manière bien tranchée (Bien contre Mal) à travers deux successions d’images, l’une enchantée, l’autre violente, est non seulement réducteur, mais d’une naïveté assez lourde. Malgré le talent de Mayer, son personnage n’a à dire que des banalités. Bébé Hayes est plus marrant avec ses revirements (J’aime la vie/J’aime pas la vie ; J’aime mes parents/J’aime pas mes parents) mais le ton de l’épisode, trop enfantin et surtout trop superficiel, ne va pas du tout avec le style de la série. Comme The Straight poop (saison 3), on a plus affaire à une vitrine publicitaire vantant la série et à un message universel infantile qu’autre chose. C’est vraiment dommage car on sent la sincérité qu’avaient les scénaristes quand ils ont écrit cet opus ambitieux, notamment dans la mise en scène de Jay Daniel et la musique d’Alf Clausen, d’une grande beauté.
En dehors de ça, quelques saynètes amusantes comme Bébé Hayes qui même pas né semble déjà très admirateur de la beauté féminine, la parodie de duel de western entre Bert et MacGillicudy serrant les mâchoires, qui se battent… au verre d’eau ! Agnès qui nous pique une crise de colère parce que son bien-aimé est trop insouciant, ou encore la scène de dispute de David et Maddie à propos de la présence d’un cheptel de bombes sexuelles dans l’agence (devinez qui les a invitées là ?). On regrette que la scène correspondante entre Herbert et Agnès soit à peu près ratée car le premier se caricature en bêta ayant peur d’avoir des enfants : la scène n’a aucun sens et est tout à fait hors sujet ici, malgré les talents éclatants des comédiens.
Le final lui-même n’échappe pas à une certaine gratuité avec ce twist final de dernière minute : on sait que l’épisode ne pouvait pas se permettre de continuer sur sa lancée, car cela aurait signifié une saison 5 catastrophique et encore plus soap que la précédente. Cette « apocalypse » (dans le sens originel) est efficace, tout en étant bardée de grosses ficelles. Elle est d’une violence psychologique inouïe, cassant avec le ton gentil de l’épisode.
Au final, A womb with a view est une œuvre très personnelle, originale, sincère, mais inutile, et d’une paresse scénaristique que ne laissait pas présager son idée initiale. L’aspect conte enfantin se dilue devant la trop grande facilité de l’histoire. L’épisode ne se justifie que pour engager la saison sur de nouveaux rails. Mais cette critique, l’auteur de ses lignes l’avoue, est fruit d’un parti pris très très subjectif, et concède que l’épisode pourrait avoir une note plus haute avec un autre angle de vue.
Infos supplémentaires :
- Dernier scénario de Glenn Gordon Caron pour la série. Il quitte en effet ses fonctions de showrunner après cet épisode.
- L’épisode reçut l’Emmy Award de la Meilleure Direction Artistique pour un épisode de série télé.
- Le titre de l’épisode pastiche un roman d’Edward Morgan Forster : A room with a view (Avec vue sur l’Arno en français). Il donna lieu à une adaptation cinématographique du même nom signée James Ivory en 1985 (Chambre avec vue en VF).
- Il est confirmé que David Addison est bien le père de l’enfant de Maddie. Il perd donc à la fin son deuxième enfant (cf. Big Man on Mulberry Street).
- Maddie et David ont vécu des vies antérieures… ce fut à chaque fois la même chose ! Nous apprenons que Zach et Rita, et Petrucchio et Katerina étaient leurs précédentes incarnations.
- Détail amusant : Joseph Maher (Jérôme) a joué dans le film Those lips, those eyes, dont le titre sera pastiché dans un autre épisode de Clair de Lune : Those lips, those lies.
- On entend dans l’épisode Baby love des Supremes, Mickey's monkey de Smokey Robinson et The Miracles, What a wonderful world de Louis Armstrong. David et Maddie chantent The girl from Ipanema de Stan Getz et Astrud Gilberto. Enfin, Jerome et le bébé chantent à la fin Sunny side of the street.
(c) 2013 par Clément Diaz
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Série "Clair de Lune"
J'adore MacGillicudy dans cet épisode. Surtout dans les 1ere minutes, il arrive et hop il est surpris et heureux de revoir le public et tout de suite il réajuste sa veste et il est tout content. C'est très court mais c'est tellement drole.
La scène de fin est magnifique. J'adore voir Cybill Shepherd pleurer. C'est comme GA, quand leur personnage ne vont pas bien je prends un pied d'enfer parce qu'elles sont tellement douées.
Puis dépêches toi de poster la critique de l'épisode 2. La scène de l’ascenseur est immense.
La scène de fin est magnifique. J'adore voir Cybill Shepherd pleurer. C'est comme GA, quand leur personnage ne vont pas bien je prends un pied d'enfer parce qu'elles sont tellement douées.
Puis dépêches toi de poster la critique de l'épisode 2. La scène de l’ascenseur est immense.
Dernière édition par Lala le Dim 15 Mai 2016 - 0:17, édité 2 fois
Lala- Duc(hesse)
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Re: Série "Clair de Lune"
Salut fidèle lectrice ! Oui, l'intro est géniale. MacGilicudy est un peu plus présent dans cette saison, et ça lui va bien. Il est décrit souvent très négativement de par sa haine (réciproque) envers Bert, mais bon, c'est lui qui sabote l'ascenseur dans l'épisode suivant, alors on peut lui pardonner beaucoup de choses.
Je comprends ce que tu ressens sur l'émotion que dégagent nos chères actrices. Cybill, ah Cybill, Cybill, mon Dieu, que t'es incroyable quand tu pleures, on a vraiment envie de consoler Maddie quand elle flanche. Normal qu'elle nous sorte le grand jeu à la fin, l'épisode étant quand même un one-David-show.
Pas trop aimé l'épisode 2 non plus, mais bon, c'est vrai que LA séquence de l'ascenseur...
Je comprends ce que tu ressens sur l'émotion que dégagent nos chères actrices. Cybill, ah Cybill, Cybill, mon Dieu, que t'es incroyable quand tu pleures, on a vraiment envie de consoler Maddie quand elle flanche. Normal qu'elle nous sorte le grand jeu à la fin, l'épisode étant quand même un one-David-show.
Pas trop aimé l'épisode 2 non plus, mais bon, c'est vrai que LA séquence de l'ascenseur...
Dearesttara- Roi (Reine)
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55. Des hauts et des bas
5.02 Des hauts et des bas (Between a yuk and a hard place) :
Scénario : Kerry Ehrin
Réalisation : Dennis Dugan
- Renier, piano, panier, renier, piano, panier…
- Vous vous moquez de moi ?
- Non, je m’entraîne pour mon prochain rôle.
- Pendant que j’étais là-haut, je ne pensais qu’à une seule chose : j’avais tellement envie d’être avec toi, là, en bas, sur la terre ferme.
- Oh, David !
- Et tu sais quoi, plus c’est ferme, mieux c’est.
- Ca, c’était pas dans le script !!!
Deux semaines après la fausse couche de Maddie, elle et David sont plus que jamais sur les nerfs. Ils se noient alors dans le travail, acceptant toutes les requêtes de leurs clients. L’une de ces affaires retient beaucoup leur attention, elle concerne Joan Springs, qui a découvert que son mari Dennis cachait un souvenir d’une ancienne épouse - alors qu’il lui a toujours dit qu'il n'avait jamais été marié - L’enquête des détectives ne sera pas sans surprises…
Le filon principal de la série - la relation David-Maddie - étant usé jusqu’à la corde, les scénaristes se tournent vers une alternative désespérée : mettre en avant les enquêtes. Si ce choix se montre moins hors sujet que le soap opera de la saison précédente, il n’en reste pas moins douteux tant la série est indéfectiblement liée à son couple vedette. La série, c’est David et Maddie (et à la rigueur Herbert et Agnès), et c’est tout. Les enquêtes ont toujours été des prétextes et non la raison d’être de la série. La série, étiquetée « comédie policière et romantique », ne peut rivaliser avec les vraies séries policières dans ce domaine ; ce n’est pas dans son essence. Fort heureusement, la série va opérer une remontée spectaculaire en retrouvant peu à peu son essence originelle, mais ce n’est pas encore pour maintenant.
Nous avons donc une enquête trop sérieuse, sans grande épaisseur, et occupant trop de place. De plus, Dave et Mad’ sont de nouveau au fond du gouffre, piégés dans la voie sans issue où les a menés leur relation et la tragédie de l‘épisode précédent. Tout au long de l’épisode, le duo est sans éclat. Bruce Willis et Cybill Shepherd sont bien entendu toujours aussi admirables dans le registre dramatique, et c’est grâce à leur talent que l’émotion parvient à passer. Mais il ne reste plus grand-chose de ce qu’a été Clair de Lune dans son âge d’or : plus de disputes - remplacées par une inoffensive algarade, plus de tension sexuelle, plus de comédie (malgré un 4e mur fracassé à plusieurs reprises), des personnages fatigués… Il faut attendre la 35e minute (sur 47) pour que le spectateur sorte de sa semi-somnolence avec une poursuite finale totalement loufoque, une des rares raisons d’être de l’épisode.
Comme en saison 4, les auteurs sont piégés par leurs propres situations. De plus, l’épisode recycle des thèmes déjà vus et en moins bien comme Agnès qui joue l’oreille amicale. L’épisode ne trouve par ailleurs que d’éphémères expédients pour faire diversion durant une première demi-heure assez vide : une énième déclaration de haine entre Viola et MacGillicudy, une Agnès toujours aussi poétesse et infantile, une improbable tentative de séduction de Viola sur Maddie (Armstrong est hilarant en macho viril pas crédible), de nombreuses références à la mystérieuse affaire Anselmo, David mélancolique retombant sur les cours Lamaze, etc. Donc, de petits bons moments, mais rajoutés uniquement pour ne pas faire endormir le spectateur.
Pour sa première réalisation de la série, Dennis Dugan (Walter Bishop) convainc.
Entre Dave and Mad’, chacun se retient de pleurer, par dignité. Le destin a été cruel envers eux, les séparant à chaque fois qu’ils tentaient se retrouver. On sent que Maddie veut libérer David des liens qui l’attachent à elle, parce qu’elle l’aime trop pour l’emprisonner dans une relation toxique. David au contraire, fait preuve de maturité en souhaitant pardonner à Maddie de l’avoir tant fait souffrir, mais sa rancœur demeure, et il fait le choix de tout quitter. Générosité de l’un, maturité de l’autre, une évolution réussie sur le papier, beaucoup moins hélas devant la caméra.
L’émotion finit cependant par se dégager lors de la fameuse scène de l’ascenseur bloqué. Maddie, sous pression, finit par craquer dans les bras d’un David aussi perdu qu’elle. Enfin, ils ravalent leur orgueil, et s’abandonnent à leur tristesse (décuplée pour Maddie, qui a subi un traumatisme lourd dans sa chair). Avant qu’ils retrouvent un semblant d’espérance après une nuit (platonique) ensemble, chantant en chœur un hymne de Noël. A l’issue de la scène, on voit combien l’amour entre eux deux est devenu plus profond, plus adulte, et plus seulement basée sur l’unique attraction charnelle. Cependant, leur confusion mentale (et la rage rentrée de David) font que cet amour bien existant, est pour le moment incapable de s’exprimer franchement.
On peut regretter que la scène ne soit pas davantage développée. En-dehors de ça (et de leur enlacement final), nos héros fatigués n’apportent que de la lourdeur. Bref, une première demi-heure globalement ratée.
L’enquête du jour n’échappe pas à la platitude entre un énoncé pesant (une des failles séculaires de la série) et un déroulement atone. Toutefois, la présence d’un oiseleur rappellera des souvenirs à l’amateur des Avengers (cependant plus excentrique). Le rythme rebondit dans le dernier tiers avec un superbe jeux de dupes, tandis que l’amoralité ironique de la situation finale rappelle plaisamment ce petit bijou qu’est Une erreur judiciaire d’Anthony Berkeley (1937). En effet, à la fin, un assassin demeure en liberté... malgré ses efforts pour se faire coffrer ! Un beau rattrapage.
Mais c’est la longue course-poursuite finale (12 minutes !) qui est le prix de cet épisode. Elle a la particularité de se dérouler… en montgolfière !! Nos amis nous auront décidément tout fait ! Si elle manque de rythme, l’incongruité de la situation est suffisamment hilarante pour scotcher le fan sur l’écran : on apprécie notamment le retour du caleçon ridicule de David déjà vu dans Witness for the execution (saison 2). Suspendu à la corde de la montgolfière, grimpant pour échapper à l’incendie, grelottant de froid au sommet du ballon, sans oublier le gag du cactus, pastichant le célèbre « Here’s Johnny » de Shining… il nous offre un vrai one-man-show. Le Big Bad du jour (Nicholas Cascone, joyeusement décontracté) est un adversaire efficace, mais à la chute - dans les deux sens du terme ! - un peu précipitée. La scène bénéficie également d’une excellente BO qui va de Bernard Herrmann aux banjos de la série Bonanza en passant par des standards décalés des 80’s ! Un excellent finish.
Infos supplémentaires :
- La jolie fille blonde de l’épisode est jouée par Teresa Willis, cousine de Bruce.
- Le titre de l’épisode est dérivé d’une expression anglaise : Between a rock and a hard place, qui signifie une situation où l’on est obligé de faire un choix détestable.
- Première réalisation de Dennis Dugan (Walter Bishop) pour la série. Il réalisera en tout cinq épisodes de cette dernière saison dont le final Lunar Éclipse (dans lequel il jouera un petit rôle).
- Erreur assez étonnante : Allyce Beasley, Curtis Armstrong, et Jack Blessing se trompent tous trois sur le nom du mari de Joan en l’appelant Michaël au lieu de Dennis.
- Prédiction d’Agnès : le show devrait bientôt ne plus être en prime time et expédié sur le câble… ce qui sera hélas le cas !
- BO très fournie pour cet épisode : on entend surtout Mack the knife de Kurt Weill. David et Maddie chantent What a friend we have in Jesus de Joseph M.Scriven et Charles Crozat Converse, et le traditionnel Swing low, Sweet chariot. David chantonne Little Honda de Brian Wilson et Mike Love. Durant la poursuite finale on entend l’ouverture de La Mort aux trousses de Bernard Herrmann, le thème de Bonanza de Jay Livingston et Ray Evans, Le vol du bourdon de Nicolaï Rimsky-Korsakov, le Army Air Corps song de Robert Crawford, et le thème de Lara de Maurice Jarre (Docteur Jivago). D’autres chansons sont également entendues.
(c) 2013 par Clément Diaz
Dearesttara- Roi (Reine)
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56. Faux mari, vrai sosie
5.03 Faux mari, vrai sosie (The color of Maddie) :
Scénario : Barbara Hall
Réalisation : Artie Mandelberg
- Attendez, vous n’allez pas nous supprimer en laissant tous les spectateurs en plan !
- J’étais en train de penser à la mort de ce pauvre homme.
- Oui, explosé en mille morceaux dans sa voiture. Je me demande quelle est la dernière chose qui lui a traversé la tête.
- Peut-être le pare-brise.
Il y’a dix ans, Nora Cooper s’est mariée sur un coup de tête avec un homme qu’elle connaissait à peine. Mais ce dernier a rapidement disparu. Lorsqu’il réapparaît sans explication dans sa vie, Nora se demande s’il s’agit bien de son mari. Elle engage David et Maddie pour en avoir le cœur net. Nos détectives s’interrogent par ailleurs sur leur relation et sur la connaissance que chacun a de l’autre…
La sœur cadette de la géniale Karen Hall parvient à secouer l’immobilisme qui grévait la relation David-Maddie dans l’épisode précédent, sans toutefois arriver à son niveau. Elle fait redémarrer la machine tranquillement. Tous les atouts de Moonlighting sont présents dans cet épisode, mais manquent de place pour s‘exprimer. La faute à une enquête peu palpitante occupant trop de temps, malgré un twist final il faut le reconnaître assez surprenant. Disputes, moments romantiques, comédie, 4e mur brisé, repointent le bout de leur nez ; on s’en réjouit, et on passe un très bon moment devant cet épisode. A ce stade, il faudrait toutefois une enquête plus trépidante pour assurer un succès total. Difficile car ce n’est pas ce qui est normalement demandé à la série.
Démarrage punchy avec un Herbert Viola tentant d’imiter Agnès faisant des vers de mirliton, avant de se faire proprement atomiser par un MacGillicudy décidément toujours là pour lui mettre les nerfs à vif. Sur ces entrefaites, un David qui a bien abusé de la dive bouteille débarque en retard… et là paf, la surprise du chef, Maddie refuse de se disputer avec lui, et ce malgré les efforts méritoires d’un David stupéfait pour l’énerver ! En réalité, elle a décidé de l’accepter tel qu’il était ; elle a passé un nouveau stade en acceptant enfin le David que l’on connaît. Maddie a toujours été honteuse d’être amoureuse d’un homme aussi différent d’elle, là ce n’est plus le cas. Toutefois, si Maddie a accepté David, c’est au prix de ses sentiments, elle veut maintenant qu’ils demeurent bons amis et pas plus. Cette scène revient aux sources de Moonlighting avec des dialogues claquants et enlevés.
Maddie encore une fois, s’accroche à des chimères (c’est une spécialiste en la matière, on le sait bien maintenant) et profite de sa confusion mentale pour prétexter une amitié sans amour ou désir, moins destructrice qu’une relation amoureuse qui n’a conduit qu’à des désastres. David, plus lucide (et plus intéressé) sous-entend son désaccord. Bruce Willis a une présence pas possible et exprime bien la frustration ironique. Cela donne lieu à une excellente dispute dans la voiture où David taquine Maddie sur le nombre d’hommes qu’elle a connus bibliquement ! Cet échange renoue avec les répliques foisonnantes de la série, ça fuse, ça pétille, et en plus n’est pas gratuit : l’énumération des amants imaginaires (quoique…) de Maddie est aussi drôle qu’amère : un moyen que trouve David pour défouler sa colère de retomber dans une relation platonique avec son élue. Une excellente séquence dramedy.
Leurs scènes communes tournent autour de la connaissance que chacun a de l’autre : ils se jaugent, se regardent. David comprend que Maddie cherche une échappatoire à leurs relations qui trop intenses, les détruit. David, toujours fou de la belle, la voit comme un territoire à conquérir et reconquérir sans cesse. C’est là que Maddie fait preuve d’intelligence : même si cette vision d’elle est quelque peu dégradante, elle l’autorise car sans se l’avouer, elle l’aime toujours, et le comprend. Quatre ans après leur rencontre, c’est seulement maintenant que Maddie apprécie David pour ce qu’il est. Cette superbe évolution permet de remettre de la tension sexuelle - en plus soft que dans les premières saisons, malheureusement - car nos amis désormais ont franchi toutes les étapes pour devenir un couple stable et solide, mais Maddie ne veut plus retenter l’expérience, et bloque tout retour arrière. La série aurait certainement développé tout ça si elle avait duré plus longtemps, au lieu d’un final sans réponse.
On citera aussi une scène de jeu de billard avec un brillant dialogue à double sens à propos des queues et des boules, qui montre l’obsession de David à propos de sa sublime partenaire ! Soupir de plaisir du fan qui voit David l’enlacer tendrement pour lui dire comment orienter la queue : les fans de X-Files penseront immédiatement au final du Grand jour (saison 6) en remplaçant le billard par le baseball. Lors de la scène de nuit dans l’agence, notre duo parle calmement à cœur ouvert, avec des mots magnifiques. Ils retrouvent cette complicité qui avait disparue depuis la fausse couche de Maddie. Barbara Hall connaît suffisamment la série pour alterner brillamment les moments doux et plus furieux de ce couple. Ainsi, la scène qui suit redémarre la mitraillette avec un échange hilarant sur le fait de récupérer un chèque un peu trop généreusement distribué. La justification tordue de David a beau être bien tordue… il la convainc ! On applaudit des deux mains cette nouvelle bouffée d’inspiration.
L’enquête occupe comme ce le sera dans cette saison une place bien trop grande. Étant sous-écrite, son laborieux développement pénalise l’ensemble de l’épisode. Le ton absurdement sérieux est antinomique à l’esprit burlesque de la série. L’explosion de la voiture crée certes un momentané effet de surprise, mais cela tout comme le double (quintuple ici) visage de l’assassin a déjà été exploité avec plus de brio dans le passé. Malgré un régalant twist final, la course-poursuite qui s’ensuit est amorphe, arrache à peine un sourire, et fait intervenir un quatrième larron sans justification. On citera cependant David sur un morceau de vélo à une roue - gag qui n’est pas sans rappeler celui de Groucho dans Les Marx au grand magasin - et la toujours amphétaminée musique d’Alf Clausen. Mais finalement, cette poursuite est un échec lorsqu’on se souvient des grands moments délirants que la série était capable de faire.
Heureusement, Barbara Hall a le réflexe salutaire de finir sur un tag délicieux où nos héros très classe s’amusent tendrement en parlant de leur relation. L’épisode nous quitte sur un joyeux clouage de bec de David par une Maddie qui révèle un talent insoupçonné à éclater de rire ! Jolie trouvaille, il faut l’avouer.
Infos supplémentaires :
- Aka. Vrai mari, faux sosie.
- Dark side d’Agnès : cette dernière a eu une ribambelle d’amants (footballeurs américains pour la plupart) dans sa jeunesse ! A l’inverse, Maddie a eu environ six amants.
- Le titre original détourne celui d’un film de 1986 de Martin Scorsese - ayant pour sujet justement le jeu de billard : The color of money (La couleur de l’argent).
- On entend dans l’épisode Honky Tonk Women des Rolling Stones, Magic carpet ride, la Danse de la fée dragée extrait du ballet Casse-Noisette de Piotr Illitch Tchaïkovski (pendant la scène du club de billard). Et également A bicycle built for two d’Harry Dacre pendant la poursuite.
(c) 2013 par Clément Diaz
Dearesttara- Roi (Reine)
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Localisation : Charenton (94)
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Série "Clair de Lune"
Oh oui j'aime bien cet épisode (le précédent aussi). Non seulement Maddie et David se tournent autour et comme tu le disais la tension sexuelle est de nouveau distribuée. Notamment la scène de fin tellement hot où chacun trifouille la queue de billard tout en regardant l'autre avec un petit sourire au coin des lèvres...Miam.
Lala- Duc(hesse)
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Date d'inscription : 05/10/2005
Re: Série "Clair de Lune"
C'est clair que le mercure gagne quelques degrés dans cet épisode ! J'adore cette scène finale, quoique celle de Take my wife, for example est encore plus... rraaaaaah... *bave*... fondante !!
Dearesttara- Roi (Reine)
- Age : 33
Localisation : Charenton (94)
Date d'inscription : 08/02/2010
57. Et l'homme créa la femme
5.04 Et l’homme créa la femme (Plastic fantastic lovers) :
Scénario : Jerry Stahl
Réalisation : Allan Arkush
- Je ne peux croire que le Dr.Brill soit coupable, c’est impossible.
- Non, 22 épisodes pour la saison, ça, c’est impossible.
Ce n’est pas grave David, il y’a toujours un truc qui nous fait craquer : chez vous, c’est le visage, chez moi, ce sont les lentilles de contact.
Leslie Hunziger demande au Dr.Brill une opération du visage. Mais l’opération est une catastrophe, et Hunziger voit son visage détruit à jamais. Persuadé qu’il a été la victime d’une machination, Hunziger engage David et Maddie pour qu’ils trouvent des preuves montrant la négligence intentionnelle du docteur…
On reste pantois devant la prouesse stupéfiante de Jerry Stahl. Tout comme Karen Hall dans Take a left at the altar (saison 4), le scénariste parvient à construire un épisode brillant sans les qualités habituelles de la série. L’enquête devenant hélas la priorité de cette saison, Stahl fait contre mauvaise fortune bon cœur, et imagine une enquête solide, prenante, dans la meilleure tradition des romans policiers ; une performance que Moonlighting a rarement réussi. Le whodunit est convaincant, et surtout, Stahl joue avec un atout qui avait fait la fortune d’Atlas Belched (saison 2) : une satire violente d’une tare de notre société. Ici, la suprématie de la beauté extérieure dans notre société d’apparences. Un épisode extrêmement intéressant. De quoi redonner espoir à cette cinquième saison plutôt terne jusqu’ici.
La première scène voyant un patient opéré se faire enlever ses bandages puis assistant aux exclamations horrifiées de son entourage n’est pas sans rappeler un classique de La Quatrième Dimension : L’œil de l’admirateur, dont l’ombre imprègne cet épisode. Suspense et pressentiment se voient bientôt balayés par la scène suivante où entre une Agnès peinée de voir sa peau toute irritée par la barbe d’Herbert (alias mon petit canard adoré !!!), et le gag du film pornographique, on nage en pleine comédie. L’exposé de l’affaire, lui, est nettement moins plat que d’habitude (excellente idée de la cassette vidéo, la mise en scène instille une menace trouble).
Dans notre monde où la séduction physique devient la qualité suprême, surtout envers les femmes, il devient de plus en plus urgent de demeurer jeune à tout prix. C’est l’intérêt de la conversation entre David et la jolie Sandra, secrétaire du médecin. Elle est incarnée par une torride brune au chemisier généreusement entrouvert, l’irrésistible Jennifer Tilly. Sandra avoue qu’elle est « 100% faite main », alors qu’elle a à peine 30 ans. La fin de l’épisode où l’on apprend qu’une des patientes n’a que 20 ans confirme jusqu’où peut aller l’absurde de la course à la beauté.
David use de son charme pour faire parler la belle. La séduction de Bruce Willis fait décidément des ravages, et son duo avec Tilly marche du tonnerre ! Notez sa méthode très gentleman : il lui dit crânement qu’elle lui plaît, plaisante gentiment, et dose habilement ses compliments. Pas étonnant que la jeune femme craque quelque peu…
La conversation entre Maddie et Brill est encore plus éclairante : Maddie joue la comédie pour avoir des renseignements, mais quand elle regrette l’éphémère de la jeunesse et qu’elle est persuadée que sa beauté est entrée dans un hiver où elle va lentement dépérir, on peut se demander si sa mélancolie est vraiment feinte. Quant à Brill, il rappelle que l’apologie de la beauté a atteint une telle inanité que le vieillissement est considéré comme une maladie. Sur ce point, on rejoint ce chef-d’œuvre d’émotion mélancolique qu’est The trade-ins, une des attaques les plus violentes de La Quatrième Dimension contre la tyrannie de la beauté.
Le réalisme de nos héros est dépourvu de ton moralisateur : David rappelle que le physique est ce qui compte le plus quand les hommes choisissent les femmes… et qu’à rebours de l’image répandue de la femme considérée comme moins superficielle, l’apparence extérieure des hommes est aussi un critère décisif pour elles. Maddie elle-même, qui ne veut pas être regardée uniquement pour son physique, doit avouer que ses petits amis étaient tous très beaux garçons.
Le choix de Michelle Johnson, actrice à la beauté glacée et standardisée, est idéal pour incarner la femme du client défiguré, censée être refaite de partout, car son apparence rend fichtrement mal à l’aise. Que ce soient les femmes qui se pressent dans le cabinet de Brill montre que cette obsession de la beauté est typiquement féminine. C’est non seulement un diktat imposé pour demeurer attirante aux yeux des hommes (ne pas être désirée, quelle horreur !), et typique de la sacralisation du corps. Ce dernier point est à noter car révélateur du paradoxe des femmes : elles ne veulent pas être aimées que pour leur physique, mais encouragent cette voie.
Leur conversation mène aussi à la superficialité des lieux où le physique est exalté en premier, comme Los Angeles. Une superficialité qui corrompt l’esprit et les idéaux des hommes, et dont l’innocent Hank Moody en subira les plus funestes conséquences dans Californication, l’esprit empoisonné par les miasmes putassiers de Hell-A.
Bien qu’elle n’approuve pas ce charcutage plastique, Maddie tente de trouver une échappatoire en justifiant cela par la volonté de faire plaisir aux personnes que l’on aime : n’est-il pas généreux de se mettre sous son meilleur jour pour son amour ? Et là curieusement, David prend la place de Maddie en devenant utopique : si on aime, alors l’apparence ne doit pas être si importante, et on a pas besoin de cette attention. Mais, pessimiste, constate la suprématie de nos sens sur nos sentiments (Si vous aimez tant la profondeur, mettez vos organes à l’intérieur !). Cette inversion de rôles s’explique par l’évolution des personnages vers plus de sagesse et de maturité.
Mais ce qui frappe le plus est la psychologie des personnages. D’abord dans la perversion du médecin (Nicholas Pryor, mielleux et séducteur) pour qui ses clientes ne sont en fait que des matières premières destinées à assouvir ses fantasmes. Il les séduit, et leur fait l’amour après les avoir manipulées de façon à ce qu’elles choisissent une apparence correspondant à ses désirs. Alors qu’il semblait si gentil et philosophe, la révélation lorsque le voile se déchire (par une simple contre-plongée de caméra) claque comme un coup de pistolet.
Mais on retient beaucoup la personnalité fascinante de « l’homme sans visage ». Transpirant de haine derrière une courtoisie policée, Hunziger développe un magnétisme sidérant par son pragmatisme : il veut faire payer financièrement le médecin car des deux plaisirs de la vie : les femmes et l’argent, il est privé du premier et donc développe un plus grand appétit pour le second. Sa réaction flegmatique quand il apprend l’infidélité de son épouse est glaçante au plus haut point. Il la comprend, l’excuse presque, et cela le rend encore plus haineux envers le docteur, et plus effrayant pour le spectateur. Andrew Robinson joue à merveille ce personnage.
Son épouse « assemblage de pièces détachées », bénéficie également d’un beau portrait, tiraillée entre un amour sincère pour un homme avec qui elle ne peut plus être intime, et une haine horriblement mêlée de désir pour le médecin coupable qui l’a rendue belle et a détruit son mari.
La tension est diffuse pendant tout l’épisode, et c’est la grande scène de révélation qui se charge de la rompre en injectant de l’humour à bonne dose, puisque pas moins de 4 assassins potentiels se retrouvent dans le cabinet du docteur dans le but de le tuer ! Sur une musique de tango totalement déplacée, ce cabinet se transformant en hall de gare à suspects sous les yeux blasés de Dave and Mad’ est l’écrin rêvé pour cette fin tragi-comique entre cadavre ressemblant à un porc-épic, et règlement de compte bien tiré vers la farce. La révélation de l’assassin est un maître coup de théâtre digne d’Agatha Christie, on applaudit. L’affrontement de David contre une des femmes semble bien licencieux, car ressemblant davantage à deux amants s’étreignant frénétiquement qu’autre chose ! Quant à la bagarre finale, on se marre avec des projectiles hétéroclites (dont une empreinte du nez d’Audrey Hepburn !) qui chose curieuse finissent toujours par s’échouer sur Maddie, bien sale à la fin !
David et Maddie étant officiellement bons amis, le romantisme n’a plus vraiment sa place. Fini les disputes homériques, mais Stahl se débrouille en les remplaçant par des concours de vannes - surtout dans la scène de la chambre d’hôtel - assez stimulants ! A la fin, il va jusqu’à la limite autorisée : Nos chers et tendres sont sur le point de s’embrasser… mais y renoncent finalement. Frustrant ? Oui, mais malgré tous les événements des saisons précédentes, on marche de nouveau dans la combine de la tension sexuelle renaissante. OK, c’est improbable, mais la magie de Moonlighting réside aussi dans ce jeu de séduction pétillant continuel, envers et contre tout réalisme. Un épisode surprenant, intelligent, et divertissant, transporté par la mise en scène pleine d’invention du brillant Allan Arkush, qui signe là sa dernière réalisation de la série. C’est l’occasion de saluer ici le talent de ce grand metteur en scène.
Infos supplémentaires :
- Excellente vanne : une des empreintes de nez que lance l’assassin sur David serait le modèle du nez de… Mark Harmon alias Sam Crawford dans la saison 3 !!
- Le père d’Agnès était chauve.
- David semble amateur de films X. Comme c’est curieux…
- On entend dans l’épisode Plastic fantastic lover de Jefferson Airplane (au début de l’épisode et pendant la filature). Cette chanson est celle qui donne le titre de l’épisode. Le tango précité a pour nom La cumparsita. David chante un extrait de Iron man, chanson de Black Sabbath. On entend aussi le traditionnel Three blind mice.
(c) 2013 par Clément Diaz
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Série "Clair de Lune"
Ah, on a trouvé un point commun entre David et Mulder !
Estuaire44- Empereur
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58. La guerre des sexes
En effet. J'avais remarqué ce parallèle assez amusant.
Scénario : Roger Director
Réalisation : Artie Mandelberg
Je sais qu’elle meurt d’envie de m’étrangler parce que je ne sais pas mon texte.
- Vous êtes renvoyé !
- Vous ne pouvez pas me renvoyer.
- Alors, je vous suspends indéfiniment !
Parce qu’elle a refusé de coucher avec Gary Coombs, son patron, Robin Fuller est renvoyée de son travail. Furieuse, elle lui tire une balle dans le pied. Maddie Hayes accepte d’aider son avocate à réunir des preuves pour innocenter la jeune femme qui a subi ce harcèlement sexuel. Mais il se trouve qu’en même temps, David a accepté d’enquêter en faveur de Gary Coombs pour démontrer que son accusatrice est dérangée mentalement. Maddie et David sont donc entraînés dans une guerre des sexes à laquelle toute l’agence participe…
L’épisode apparaît comme un clin d’œil à une excellente comédie sur le sujet éternel de la guerre des sexes : Madame porte la culotte (1949) de Georges Cukor, où un couple d’avocats, marié, (incarné par le légendaire couple Spencer Tracy-Katharine Hepburn) se retrouve à plaider dans le même procès : l’un pour l’accusation, l’autre pour la défense. Roger Director ravive ainsi la flamme conflictuelle entre les deux protagonistes. Mais encore une fois, les auteurs n’osent plus aller au bout de leurs idées : si cette guerre a suffisamment d’ampleur pour nous intéresser, Director semble se réfréner et empêche l’épisode d’atteindre sa pleine dimension. Entre Maddie et David, ça crépite, mais plus comme avant ; sans doute parce que les scénaristes, trop respectueux de leurs personnages, désormais plus « sages », ne veulent plus délirer comme avant. Qu’importe, Shirts and skins est un épisode très estimable.
L’introduction nous ouvre à un de ces cas qui auraient tout à fait convenu aux excentriques allumés du cabinet Cage & Fish. L’auteur trouble son manichéisme de surface : méchant patron (Jerry Hauck, peu présent mais correct) versus gentille employée (émouvante Jayne Atkinson) par le fait qu’elle ait voulu le tuer. Ainsi, si la sympathie du spectateur est pour l’accusée, celle-ci n’est pas complète. L’épisode est pertinent car le thème de la promotion canapé et de la domination masculine au travail n’a rien perdu de son actualité. La classique défense consistant à faire passer l’accusée pour une hystérique, aussi. Le sujet a le mérite d’être posé.
Après ce un poil trop long prélude, l’épisode entre dans le vif du sujet avec Maddie et David en plein conflit d’intérêts. Cela permet d’insérer une joyeuse dispute où chacun essaye de faire abandonner l’affaire à l’autre. Si cette dispute reste éloignée de celles d’antan, elle est quand même plus tonique que celles des épisodes précédents. David est de nouveau un play-boy insolent, Maddie une féministe convaincue. Leur conflit finit par contaminer l’agence qui se divise : les femmes contre les hommes ! Chacun jure féodalité à son supérieur du même sexe. Chez les hommes, le serment ressemble à une réunion de sportifs avec leur entraîneur pendant un temps mort ! Pendant ce temps, deux banjos sous LSD jouent une musique très décalée.
Le problème est que l’épisode souffre d’une structure bancale qui privilégie une seule enquête au détriment de l’autre. On ne saura rien de l’enquête des femmes. Au contraire, c’est la recherche d’une preuve accablante contre Robin qui est étudiée. Nous avons donc droit à la scène la plus mémorable de l’épisode où David déguisé en toubib, escorte un Herbert Viola sensé avoir une araignée dans le plafond pour pénétrer les dossiers secrets d’un hôpital. On est vraiment dans le retour aux sources, avec Bruce Willis super décontracté, et Curtis Armstrong qui nous fait un petit numéro de fou vraiment tordant. Cela rappelle combien ce duo qui s’est formé lors de la saison 4 est efficace, pourvu qu’ils aient un bon scénario sur lequel s’appuyer. Parallèlement, la guerre absurde entre employés autorise des jérémiades puériles tout à fait drolatiques. On retient surtout le jugement pour trahison d’Herbert pour avoir osé embrasser l’ennemi - Agnès, évidemment - mené par ce régalant salaud de MacGillicudy (Jack Blessing s’amuse). Quant à David, on aime quand il rejoue avec succès le médiateur cool qui calme le jeu - avec musique ultra pompeuse à l’arrière-plan. La plus grande participation des figurants fait aussi plaisir à voir.
La scène clé de l’épisode est le cambriolage de Maddie, inquiète que son subordonné ait trouvé des preuves pour l’écraser au procès. Du coup, elle se prend pour John McClane, et nous fait une petite cascade sur les toits pour s’infiltrer dans le bureau voisin. Le tout sur la musique de La Panthère rose, ce qui suffit à démolir toute tension ! Ou plutôt, à la retarder, car c’est bien à la confrontation avec David qui la surprend en flagrant délit que tendait les vingt précédentes minutes. Chacun est en face de leur propre conscience, chacun a commis un vol. Similairement à leur fuite des liens amoureux, chacun rejette sur l’autre la faute qu’il a commise. Passer habilement de la scène d’action au drame romantique, voilà bien le genre de bascule qu’on affectionne dans cette série si variée. Cybill et Bruce maîtrisent leur partition, du plus petit mouvement de tête aux grands gestes expressifs.
Le scénariste est sans doute conscient de la prévisibilité de son script : personne n’imagine que Coombs s’en tirera, et effectivement, l’arrivée d’un témoin de dernière minute dans la partie renverse les rôles. Director va donc nous donner une surprise qui consiste non dans le comment mais dans le pourquoi. Le retournement de veste miraculeux de David n’est pas dû à une crise de remords ou en une soudaine approbation de la cause adverse, mais bien à Maddie. Oui, il était prêt à dissimuler des preuves pour soutenir son client, comme tout enquêteur efficace doit l’être (pas d’émotions : on fait ce qu’on doit faire, pas ce que l’on veut). Mais même s’il est en désaccord avec elle, c’est sa volonté d’être quelqu’un de bien pour elle qui le pousse à agir, ce qui donne une conclusion très shipper d’une douceur merveilleuse. Oui, il subsiste encore un peu de la magie romantique de Moonlighting, alors on ne se formalise pas trop du manque de délire qui aurait dû accompagner l’enquête.
Comme dans The straight poop (saison 3), l’épisode nous offre à la fin un petit cadeau : un bêtisier amusant de scènes ratées de la saison 5. Enjoy !
Infos supplémentaires :
- Il y’a neuf employés subordonnés à Maddie et David dans l’agence Blue Moon : cinq hommes (Herbert inclus), et quatre femmes (Agnès inclus).
- Le titre original provient d’une expression qui est utilisée dans quelques sports collectifs où deux équipes s’affrontent : au lieu que chaque équipe ait un maillot de couleur différente, l’une joue sans maillot, donc avec la peau à l’air (Skins), et l’autre conserve son maillot (Shirts).
- Erreur : David laisse Herbert jouer au ping-pong une seule minute, mais Herbert prétend avoir gagné 15-13. Un point toutes les deux secondes, ce qui est impossible.
Une autre erreur de continuité (mais celle-là peut-être intentionnelle dans un but comique) car la barbe de Bert a poussé en une minute entre le moment où il est surpris avec Agnès et le moment où David entre.
- Herbert Viola a quelques talents de hacker. Il est au régime (David lui commande un gâteau à la banane).
(c) 2013 par Clément Diaz
5.05 La guerre des sexes (Shirts and skins) :
Scénario : Roger Director
Réalisation : Artie Mandelberg
Je sais qu’elle meurt d’envie de m’étrangler parce que je ne sais pas mon texte.
- Vous êtes renvoyé !
- Vous ne pouvez pas me renvoyer.
- Alors, je vous suspends indéfiniment !
Parce qu’elle a refusé de coucher avec Gary Coombs, son patron, Robin Fuller est renvoyée de son travail. Furieuse, elle lui tire une balle dans le pied. Maddie Hayes accepte d’aider son avocate à réunir des preuves pour innocenter la jeune femme qui a subi ce harcèlement sexuel. Mais il se trouve qu’en même temps, David a accepté d’enquêter en faveur de Gary Coombs pour démontrer que son accusatrice est dérangée mentalement. Maddie et David sont donc entraînés dans une guerre des sexes à laquelle toute l’agence participe…
L’épisode apparaît comme un clin d’œil à une excellente comédie sur le sujet éternel de la guerre des sexes : Madame porte la culotte (1949) de Georges Cukor, où un couple d’avocats, marié, (incarné par le légendaire couple Spencer Tracy-Katharine Hepburn) se retrouve à plaider dans le même procès : l’un pour l’accusation, l’autre pour la défense. Roger Director ravive ainsi la flamme conflictuelle entre les deux protagonistes. Mais encore une fois, les auteurs n’osent plus aller au bout de leurs idées : si cette guerre a suffisamment d’ampleur pour nous intéresser, Director semble se réfréner et empêche l’épisode d’atteindre sa pleine dimension. Entre Maddie et David, ça crépite, mais plus comme avant ; sans doute parce que les scénaristes, trop respectueux de leurs personnages, désormais plus « sages », ne veulent plus délirer comme avant. Qu’importe, Shirts and skins est un épisode très estimable.
L’introduction nous ouvre à un de ces cas qui auraient tout à fait convenu aux excentriques allumés du cabinet Cage & Fish. L’auteur trouble son manichéisme de surface : méchant patron (Jerry Hauck, peu présent mais correct) versus gentille employée (émouvante Jayne Atkinson) par le fait qu’elle ait voulu le tuer. Ainsi, si la sympathie du spectateur est pour l’accusée, celle-ci n’est pas complète. L’épisode est pertinent car le thème de la promotion canapé et de la domination masculine au travail n’a rien perdu de son actualité. La classique défense consistant à faire passer l’accusée pour une hystérique, aussi. Le sujet a le mérite d’être posé.
Après ce un poil trop long prélude, l’épisode entre dans le vif du sujet avec Maddie et David en plein conflit d’intérêts. Cela permet d’insérer une joyeuse dispute où chacun essaye de faire abandonner l’affaire à l’autre. Si cette dispute reste éloignée de celles d’antan, elle est quand même plus tonique que celles des épisodes précédents. David est de nouveau un play-boy insolent, Maddie une féministe convaincue. Leur conflit finit par contaminer l’agence qui se divise : les femmes contre les hommes ! Chacun jure féodalité à son supérieur du même sexe. Chez les hommes, le serment ressemble à une réunion de sportifs avec leur entraîneur pendant un temps mort ! Pendant ce temps, deux banjos sous LSD jouent une musique très décalée.
Le problème est que l’épisode souffre d’une structure bancale qui privilégie une seule enquête au détriment de l’autre. On ne saura rien de l’enquête des femmes. Au contraire, c’est la recherche d’une preuve accablante contre Robin qui est étudiée. Nous avons donc droit à la scène la plus mémorable de l’épisode où David déguisé en toubib, escorte un Herbert Viola sensé avoir une araignée dans le plafond pour pénétrer les dossiers secrets d’un hôpital. On est vraiment dans le retour aux sources, avec Bruce Willis super décontracté, et Curtis Armstrong qui nous fait un petit numéro de fou vraiment tordant. Cela rappelle combien ce duo qui s’est formé lors de la saison 4 est efficace, pourvu qu’ils aient un bon scénario sur lequel s’appuyer. Parallèlement, la guerre absurde entre employés autorise des jérémiades puériles tout à fait drolatiques. On retient surtout le jugement pour trahison d’Herbert pour avoir osé embrasser l’ennemi - Agnès, évidemment - mené par ce régalant salaud de MacGillicudy (Jack Blessing s’amuse). Quant à David, on aime quand il rejoue avec succès le médiateur cool qui calme le jeu - avec musique ultra pompeuse à l’arrière-plan. La plus grande participation des figurants fait aussi plaisir à voir.
La scène clé de l’épisode est le cambriolage de Maddie, inquiète que son subordonné ait trouvé des preuves pour l’écraser au procès. Du coup, elle se prend pour John McClane, et nous fait une petite cascade sur les toits pour s’infiltrer dans le bureau voisin. Le tout sur la musique de La Panthère rose, ce qui suffit à démolir toute tension ! Ou plutôt, à la retarder, car c’est bien à la confrontation avec David qui la surprend en flagrant délit que tendait les vingt précédentes minutes. Chacun est en face de leur propre conscience, chacun a commis un vol. Similairement à leur fuite des liens amoureux, chacun rejette sur l’autre la faute qu’il a commise. Passer habilement de la scène d’action au drame romantique, voilà bien le genre de bascule qu’on affectionne dans cette série si variée. Cybill et Bruce maîtrisent leur partition, du plus petit mouvement de tête aux grands gestes expressifs.
Le scénariste est sans doute conscient de la prévisibilité de son script : personne n’imagine que Coombs s’en tirera, et effectivement, l’arrivée d’un témoin de dernière minute dans la partie renverse les rôles. Director va donc nous donner une surprise qui consiste non dans le comment mais dans le pourquoi. Le retournement de veste miraculeux de David n’est pas dû à une crise de remords ou en une soudaine approbation de la cause adverse, mais bien à Maddie. Oui, il était prêt à dissimuler des preuves pour soutenir son client, comme tout enquêteur efficace doit l’être (pas d’émotions : on fait ce qu’on doit faire, pas ce que l’on veut). Mais même s’il est en désaccord avec elle, c’est sa volonté d’être quelqu’un de bien pour elle qui le pousse à agir, ce qui donne une conclusion très shipper d’une douceur merveilleuse. Oui, il subsiste encore un peu de la magie romantique de Moonlighting, alors on ne se formalise pas trop du manque de délire qui aurait dû accompagner l’enquête.
Comme dans The straight poop (saison 3), l’épisode nous offre à la fin un petit cadeau : un bêtisier amusant de scènes ratées de la saison 5. Enjoy !
Infos supplémentaires :
- Il y’a neuf employés subordonnés à Maddie et David dans l’agence Blue Moon : cinq hommes (Herbert inclus), et quatre femmes (Agnès inclus).
- Le titre original provient d’une expression qui est utilisée dans quelques sports collectifs où deux équipes s’affrontent : au lieu que chaque équipe ait un maillot de couleur différente, l’une joue sans maillot, donc avec la peau à l’air (Skins), et l’autre conserve son maillot (Shirts).
- Erreur : David laisse Herbert jouer au ping-pong une seule minute, mais Herbert prétend avoir gagné 15-13. Un point toutes les deux secondes, ce qui est impossible.
Une autre erreur de continuité (mais celle-là peut-être intentionnelle dans un but comique) car la barbe de Bert a poussé en une minute entre le moment où il est surpris avec Agnès et le moment où David entre.
- Herbert Viola a quelques talents de hacker. Il est au régime (David lui commande un gâteau à la banane).
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59. Le Barracuda vire de bord
5.06 Le Barracuda vire de bord (Take my wife, for example) :
Scénario : James Kramer
Réalisation : Dennis Dugan
- David, pour quelle raison dilapidez-vous votre salaire ?
- Il est trop petit !
- Eh bien Maddie, je ne sais pas quoi dire devant ce cadeau, je ne trouve aucun mot.
- Si j’avais su que ça vous rendrait muet, je l’aurais acheté plus tôt.
Betty Russell, dite « le Barracuda », est une avocate implacable dont la spécialité est de ruiner les maris de ses clientes en cas de divorce. Alors qu’elle défend Lydia Craft qui veut divorcer de son mari Nathan, elle fait un infarctus, et échappe de peu à la mort. Cet événement la bouleverse et la pousse à quitter un métier où elle se montre trop cruelle. Elle demande à David et Maddie d’espionner la nouvelle petite amie de Nathan afin de savoir quels sont ses réels sentiments envers lui. Si elle n’était pas sincère, alors il pourrait retourner auprès de sa femme, et Russell partirait en ayant ressoudé un couple. Mais l’investigation du fin duo prend vite un tour personnel…
Avec cet épisode, Clair de Lune revient brutalement au niveau des premières saisons. L’habile James Kramer change radicalement la donne en réégalisant les deux fronts de la série : enquêtes-relation David-Maddie, alors que le curseur depuis le début de la saison était tristement axé sur le premier élément. Cela fait plaisir de voir la série renouer avec ce qui a fait son succès. Les dialogues éblouissants et la tension sexuelle reviennent de plus belle, avec une savoureuse interrogation mutuelle des deux détectives sur les sentiments de l’autre. L’enquête est très réussie, avec un beau portrait de femme qui fait penser à un A propos d’Henry féminin. D’adroits rebondissements et de bons gags, sans oublier une des plus belles codas de toute la série, montrent que Moonlighting a encore de sacrés atouts à faire jouer !
Le début est très amusant avec David qui arrive pour la première fois de sa vie à l’heure au boulot… mais qui est quand même en retard ! Il invente une excuse bidon, écoutée calmement par sa patronne pas dupe. Leur discussion dévie ensuite sur leur rapport à l’argent. Bon, on sait que Maddie est économe, et David non, mais la revisitation de ce point est très bien traitée, notamment par un David écoutant à peine les conseils financiers de sa patronne. Après ce début joyeux, la lumineuse Colleen Dewhurst livre une superbe composition de femme cherchant la rédemption. Elle fait un contraste détonnant avec la scène d’introduction où elle réduisait en mille morceaux le mari de sa cliente. Passer de la cruauté à la gentillesse avec autant de naturel, belle performance ! On est sincèrement ému par sa volonté de quitter son ancienne vie sur une note charitable. L’épisode met en regard la difficulté du métier d’avocat, où l’on doit mettre toute morale de côté et accepter de semer le chaos quand cela est bon pour votre client. Tâche à laquelle Betty était une reine incontestée.
L’enquête est minorisée par rapport au début de la saison, car elle est un prétexte pour permettre des échanges brillants à notre duo gagnant. Toujours en désaccord parfait, Dave and Mad’ engagent de prime un ping-pong verbal très rapide où chacun a une interprétation différente - et crédible - du comportement du couple qu’ils espionnent. Sur ce point, Kramer connaît bien la série qu’il scénarise pour la première fois. Mais l’échange augmente d’intérêt quand ils se remémorent leur première rencontre et tous les défauts que chacun pensait de l’autre. Leur état d’esprit n’a curieusement pas tant changé que ça : leur période de couple se basait en fait sur l’acceptation des défauts de l’autre, une base plus solide qu’une simple passion charnelle. Ce qui a échoué, c’est leur incapacité à communiquer. Or ici, ils trouvent enfin la bonne voie… mais renient de nouveau leurs sentiments. Il manque toujours quelque chose décidément ! Mais amélioration à l’horizon : ils se décident à faire des actes généreux envers l’autre, et non plus des simples paroles. Une nouvelle étape.
David est critiqué pour ne pas laisser suffisamment de place à sa partenaire, par exemple, être trop dominant dans les baisers. Cela nous vaut un des gags les plus géniaux de la série, parodie du baiser de Gérard Depardieu à Fanny Ardant dans l’incandescente Femme d’à-côté de François Truffaut, avec évanouissement de la femelle comblée. On y croit pas, on retrouve cette outrance qu’on aime tant. Pendant ce temps, Maddie rougit de ne jamais s’être montrée généreuse envers David. Du coup, après un clip où on la voit hésiter entre plusieurs cadeaux (pas toujours conventionnels, le coup du boa et des chaussures ridicules est à hurler de rire), elle offre un cadeau très cher à son associé chéri, mais vraiment cher.
Ce qu’on aime chez nos personnages, c’est que quand ils veulent s’améliorer, faire quelque chose de bien, ils le font très vite… et trop bien, si bien que l’effet produit est souvent l’inverse de celui recherché. C’est le cas encore une fois pour Maddie qui a tellement gâté David qu’il en a honte et va chercher à se débarrasser à tout prix de ce cadeau ! Mais sa tentative va foirer au-delà de toute espérance, et c’est ce pauvre Burt qui joue le dindon de la force (remarquez les beaux pectoraux de Curtis Armstrong). Ne vous inquiétez pas, le cadeau en question sera bien détruit à la fin, mais il aura droit à un enterrement de première classe au sens propre du terme !!
L’enquête réserve son lot de surprises car chacun des membres du démentiel ballet à quatre cache un double jeu. Le plan diabolique du vrai coupable est très malin, allant jusqu’à manipuler un personnage qui ne se rendait pas compte qu’il n’était qu’un pion sur un échiquier. On regrettera simplement l’absence d’une poursuite finale délirante. Mais le tag final, oh ce tag final, comme il est beau !!! David à son tour montre combien il adore sa Maddie en la gâtant à son tour, mais cette fois en visant juste. Nos héros ENFIN s’embrassent avec passion pour la première fois depuis six épisodes. Ah, ça nous rassure ! Mais surtout ce baiser est très original car étant à la fois passionné, inversant les rôles de domination, et preuve du changement de David qui laisse davantage « s’exprimer » sa partenaire. Ce baiser est un des plus irrésistibles de la série, et clôt magistralement cet épisode de la meilleure eau.
Infos supplémentaires :
- Aka. Faire et défaire. Le titre original de l'épisode déforme la "punchline" favorite de l'humoriste Henny Youngman, qui fut très populaire aux Etats-Unis (Now, take my wife, please).
- David est né le 27 novembre (même jour que Jimi Hendrix). Tout comme Fox Mulder, il oublie souvent de rabaisser le siège des cabinets. On apprend qu’il est un amant « fantastique » (5 ou 6 actes sexuels par nuit), et Maddie aime l’entendre chanter sous la douche.
- En plus de l'allegro vivace final de l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini, on entend aussi Shop around de The Miracles.
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60. Le mort récalcitrant
5.07 Le mort récalcitrant (I see England, I see France, I see Maddie’s Netherworld) :
Scénario : Chris Ruppenthal
Réalisation : Paul Krasny
Et moi je dis, débarrassons-nous de ce client, dénudons-nous, et allons nous rouler sur ce tapis !
- Tournez-vous, les mains sur le mur !
- Mais je viens de le repeindre !!
Maddie Hayes entre dans son bureau pour se présenter à son nouveau client : Harry Stoffer, mais le problème est qu’Harry… est mort ! Peu après avoir été enterré, Winston Guy, ami du mort, vient leur rendre visite et leur dit que chacun avait la moitié d’un billet de loterie gagnant. Il faudrait retrouver le morceau qu’avait Harry pour que lui et la sœur d’Harry, sa légataire, puisse toucher leurs gains. Maddie et David se rendent au cimetière pour déterrer le corps mais sont surpris par deux tueurs. C’est le début d’une monstrueuse embrouille pour nos héros…
Moonlighting is back ! C’est la pensée qui nous vient en tête avec cet épisode, le sommet de cette saison 5. Son délire maximal s’ancre dans l’ADN séculaire de la série. Chris Ruppenthal embarque nos héros dans une cavalcade totalement dingo, parodie sous amphets d’un des films les plus singuliers de Sir Alfred Hitchcock : Mais qui a tué Harry ? avec un cadavre encombrant (s’appelant… Harry !) dont Maddie et David n’arrivent pas à se débarrasser. L’enquête n’est que prétexte à des gags énormes, et à des sous-entendus sexuels craquants (notamment une scène de douche assez licencieuse). On se demande quand même ce que le scénariste a fumé comme substances illicites à la vision de la grande scène de fantasmagorie macabre qui termine l’épisode, débauche d’horreur comique que n’aurait pas désavoué Tim Burton ! Une scène polémique chez les fans qui l’adorent ou la détestent, mais dont la folie couronne ce scénario givré, soutenu par la réalisation parfaite de Paul Krasny.
La série retrouve avec plaisir un rituel laissé de côté depuis Big man on Mulberry Street (saison 3) : la dispute humoristique initiale. Maddie surprend David et les hommes de l’agence parler de leurs expériences de téléphone rose. Du coup, Maddie pousse une gueulante, David veut se justifier avec l’habileté qu’on lui connaît : les répliques claquent, les dialogues se chevauchent, la progression observée depuis Plastic Fantastic lovers trouve un juste résultat. Quant à l’affaire du jour, elle est plaisamment absurde avec un client à l’état de cadavre qui pousse nos amis à faire des truismes sur la vie et la mort qui déclenchent les rires. On retient surtout le moment où tous les employés sont pris d’un fou rire collectif quand les croque-morts arrivent !
Ce début décalé est très drôle, mais fait presque figure de tragédie à côté des péripéties suivantes imaginés par ce scénariste maniaque. Il en est ainsi de la scène du cimetière où Maddie et David se retrouvent en une minute dans des emmerdes abyssales. On retrouve Délireman qui ne trouve rien de mieux pour détendre l’atmosphère que de massacrer des chansons à la grande horreur de Maddie… qui plusieurs gags plus tard se voit contrainte de chanter avec lui pour ne pas tomber dans la crise de nerfs. La situation n’a rien de drôle, mais des coïncidences à mourir de rire, et une manière déphasée de gérer de nos héros la transforment en fête burlesque. Les deux tueurs confirment le retour aux sources car s’ils sont menaçants, ils sont aussi tellement caricaturaux qu’ils amusent plus qu’ils n’effrayent. Phillip Simms et Ron Howard George l’ont bien compris, et font partie de cette réussite.
En continuant leur enquête, nos amis retombent… sur le cadavre d’Harry. Par-dessus le marché, voilà les tueurs qui reviennent. On est habitués à le dire depuis le pilote, mais notre duo a peu de concurrents dans le noble art de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment (pas étonnant que ce constat sera le « pitch » de Die Hard 4). Nous aboutissons à une de ces scènes qui pourrait résumer Moonlighting à elle toute seule : une grosse dispute dans la voiture sous les yeux du cadavre en lunettes noires ! Le rebondissement central est très malin car il change le McGuffin en… un autre McGuffin ! Comme quoi, l’auteur se fout vraiment de l’intrigue, et il a raison !
David ne trouve rien de mieux que de cacher le cadavre dans le congélateur de Maddie. Et qui c’est qui arrive à ce moment ? Les tueurs bien sûr ! Vous vous souvenez de Chuck Norris dans Invasion USA, quand il apparaît toujours au bon moment pour casser du communiste, défiant tout crédibilité scénaristique ? Eh bien, on a un peu cette impression, sauf que dans Moonlighting, au moins, c’est un second degré assumé et donc riche en humour.
Nous arrivons alors au premier climax de l’épisode, rentrant dans le top 3 des scènes les plus érotisées de la série (après le final de I’m curious… Maddie, et le deuxième rêve de Tracks of my tears) où Dave and Mad’, troussés comme des poulets prêts à rotir sous la douche, se libèrent de leurs liens grâce à un pastiche de rapport sexuel. Tout y est : faux baisers, fausse éjaculation, faux va-et-vient... Un remarquable passage « sexuello-loufoque », qui fait écho à une réflexion de la logeuse qui prenait notre duo pour un couple marié, sans qu’ils prennent la peine de démentir. On a de plus en plus la sensation que nos amis se comportent comme s’ils étaient mariés, le sexe en moins. Par là, leur relation, très John Steed-Cathy Gale puissance 1000, se mâtine de John Steed-Emma Peel par une alchimie plus douce.
On en arrive à une des scènes les plus controversées de Clair de Lune : le cauchemar de Maddie Hayes après avoir été assommée par un troisième bad guy surgi du diable vauvert. Hallucinatoire à 300%, sous acides à 600%, drôle et terrifiante à 800%, cette scène tire sa source d’un classique du cinéma américain : Les chaussons rouges (1947) qui inclut une scène de ballet où l’héroïne danse sur scène dans un Pandemonium peuplé de monstres. Mais elle peut aussi évoquer la fameuse scène de Caméra meurtre (saison 5) de Chapeau melon et bottes de cuir, où Emma Peel se retrouve dans un cimetière factice désolé.
Elle est une sorte de Songe d'une nuit de sabbat berliozienne - le héros de la symphonie fantastique ayant comme Maddie la vision d’une orgie macabre. Maddie se trouve dans une espèce d’Enfer (Black Moon), glauque, avec des visions d’horreur s’enchaînant à grande vitesse : cerbères bavants, tête d’Agnès ensanglantée, assemblée de squelettes, tous les monstres de mort sont convoqués dans une ronde infernale. Ronde qui peu à peu perd en frayeur réelle ce qu’elle gagne en humour macabre quand Maddie danse le tango avec une créature des ténèbres ! On oscille sans cesse entre le rire et l’effroi, comme avec le mort qui ressuscite le temps… de s’enterrer à nouveau ! Ou l’apparition spectaculaire de David en grande faucheuse - une « idée fixe » semblable à la fiancée inaccessible de l’œuvre de Berlioz. La scène a aussi un arrière-texte psychanalytique caché : et si Maddie avait peur d’être « enterrée » par David ? Qu’à force de l’aimer en le niant, il ne finisse par la détruire ? Toujours cette pointe pessimiste que la série sait sortir au bon moment.
La mise en scène de Paul Krasny est contestable : elle fait très série Z, se complaît dans une vulgarité permanente… mais justement, cette réalisation criarde, au filtre rouge-vert d’une rare laideur, est parfaite pour montrer les émanations du cerveau en roue libre d’une Maddie au bord de l’épuisement mental. Elle désamorce aussi l’horreur pour maintenir cet épisode délirant dans l’humour. Cybill Shepherd est au poil en victime sacrificielle, et Bruce Willis brillant en Mort inexorable. On hait ou on adore, il n’y a pas de juste milieu possible ! Personnellement, j’adoooore !
Ruppenthal a tellement bourré cet épisode qu’à la fin, il ne dispose plus de temps, et doit donc expédier son épilogue en trois minutes, ratant le tag final au passage. Mais on lui pardonne, car ça faisait longtemps qu’on avait plus assisté à un aussi splendide torrent d’idées. Pour finir, la musique d’Alf Clausen est de nouveau d’une qualité singulière pour un simple épisode de série, on vibre à chaque son. BRAVO !
Infos supplémentaires :
- Aka. Le revenant. Le titre de l'épisode vient d'une comptine que chantent les enfants américains quand ils sautent à la corde : I see England, I see France, I see [insérer un nom]'s underpants !
- David compare Maddie à Honey West dans la scène du parking. Honey West (1965) est la première série où le rôle principal est féminin.
- On entend dans l'épisode La marche funèbre pour une marionnette de Charles Gounod, Cabaret de John Kander et Fred Ebb, Shall we dance du duo Rodgers-Hammerstein II, et Hell bells d'Art Kassel.
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61. Echec à la mariée
5.08 Echec à la mariée (Those lips, those lies) :
Scénario : James Kramer et Chris Ruppenthal
Réalisation : Dennis Dugan
- Oh, les gars, qu’est-ce que vous branlez ?
- David, surveillez votre langage, il est dimanche, il est 8 heures, et des enfants regardent la télé !
- Vous savez ce qui me dégoûte ?
- Oui, les toilettes pour homme dans la gare centrale de New York !
Carla McCabe refuse la demande en mariage de son petit ami, Richard Addison, au motif que son associé dans une agence de mannequins, Benny Largo, l’a évincée et ruinée. Richard demande à son frère et à Maddie de retrouver Benny Largo, sans savoir que l’élue de son cœur dissimule quelques squelettes dans son placard…
Louable idée que de faire revenir le sympathique frère de David dans la série. Mais Kramer et Ruppenthal commettent l’erreur de se baser sur une seule idée : la rivalité fraternelle entre David et Richard. Glenn Gordon Caron avait déjà bien exprimé la nature intéressante de leur lien dans Brother, can you spare a blonde ? (saison 2), et cet épisode n’apporte pas grand-chose de plus. Il y’a quelques belles scènes entre les deux frères, mais l’ensemble est grévé par un scénario hors sujet avec l’âme de la série, même à l’échelle de cette saison plus lâche sur le cahier des charges. On ne s’ennuie pas durant cette enquête, certes non, il y’a un certain rythme, même. Mais simplement, on ne s’intéresse pas à une investigation trop sérieuse.
Par-dessus tout, le duo David-Maddie ne fonctionne pas. On a l’impression de suivre deux collègues faisant ensemble leur job, c’est tout. Enfin, on doit avouer que la machination imaginée est sacrément tarabiscotée ! Encore une fois, ce sont quelques scènes assez pétillantes qui vont sauver cet épisode. Cet épisode est un peu l’équivalent des Anges de la mort des Avengers car le milieu du mannequinat est bien représenté avec une galerie fort fournie de jolies filles !
L’épisode commence par un gag de 4e mur aussi délirant que l’on puisse imaginer. Rien de moins que l’absence du chanteur Al Jarreau dans le studio. Du coup, impossible de lancer le générique !!! Maddie et David vont donc tour à tour massacrer la chanson avant que Viola ne sauve le tout. Il s’agit de la dernière introduction de ce type dans la série, on le regrettera.
Pour son dernier tour de piste dans la série, les auteurs rendent hommage au frangin en lui donnant un rôle aussi important que le duo (ce qui n’avait été fait que pour sa première apparition). Charles Rocket se montre à la hauteur, mais en amoureux passionné, il est quand même moins intéressant qu’en opportuniste bêta. En fait, Ritchie prend sa valeur que par sa relation problématique avec son frère. Le regard des auteurs sur David est inhabituellement féroce. Décrit comme un égoïste méprisant, ce dernier ne cesse de se dérober aux appels à l’aide de son frère. Remarquable est à cet égard la scène où il joue les oiseaux de malheur, secrètement satisfait de blesser Richard. Lorsqu’il s’aperçoit qu’il n’y arrive pas, il se fâche et trouve le premier prétexte venu pour se battre avec lui. Maddie déboule et nous assistons à un remake - mais bien moins réussi - de la bagarre dans le salon de Maddie dans T’as pas une blonde ? (saison 2).
Richard (qui possède curieusement le même caleçon à pois rouges que son frère) se montre plus sympathique, et finalement plus courageux dans l’expression de ses sentiments. Il n’hésite pas à déclarer sa flamme à Carla (Rita Wilson, très convaincante), là où Maddie et David, après cinq ans à se fréquenter, continuent de nier la nature de leur lien. L’ambiguité de Carla sème le trouble, on sent confusément qu’un jeu de manipulation est en cours.
Le problème est que tous ces atouts se voient gâchés par un traitement scénaristique insoluble dans l’esprit de la série. Les personnages n’ont pas assez d’envergure, leurs pérégrinations ne débouchent que sur du vide. Elles ne s’enchaînent d’ailleurs que grâce à des quiproquos pas crédibles. Que le méchant se trompe aussi longtemps sur l’identité de David, c’est une grosse ficelle cousue de fil blanc. L’histoire ne décolle que dans la… dernière scène, et encore, c’est seulement en surprenant les coupables par hasard que l’enquête se résout. On a vu nos amis plus en forme.
La réconciliation des deux frères est un très beau moment : d’abord lors de la scène de crime où David avoue accidentellement ses sentiments en ne pensant qu’à venger un frère qu’il croit mort. La scène de prison où ils plaisantent et rient malgré leurs bandages ensanglantés est réussie sur le fond mais inopérante sur la forme par son humour raté. On préferera donc la dernière scène où ils font les dingues dans toute la ville, Richard trouvant ainsi une consolation à son chagrin. Une fin idyllique.
Une ribambelle de jolies filles agrémente l’épisode. David se faisant passer pour l’imprésario de Maddie qui prétend vouloir revenir à son ancienne carrière. Mais la sublime Maddie, 38 ans, est maintenant trop « vieille » et surtout « démodée », ce qui douche son enthousiasme. Certes, elle faisait semblant, mais c’est un bon gros coup que se prend son ego, et une critique envers notre société des apparences. La meilleure scène de l’épisode est certainement David s’improvisant mannequin. Les différentes séquences avec les bombes sexuelles derrière sont toutes hilarantes.
La scène où une superbe fille (Debra Stipe) s’offre à lui comme « cadeau de bienvenue » est surprenante : l’un des plus grands hédonistes-jouisseurs des séries télé refuse poliment ses avances pour rejoindre Maddie qui doit dîner avec lui, Richard et Carla ! Sous-texte : Maddie serait-elle désormais la seule femme à compter tant pour David qu’il refuse ce plaisir ? Une interrogation délicieuse qui en dit long sur l’évolution du personnage. Plus négativement, la jalousie de David envers le bonheur de son frère transparaît aisément dans la scène de voiture. Ironique que Maddie le lui signale alors qu’elle-même n’a pas cessé de saborder leur histoire commune ! Pourtant, ils continuent de se comporter comme en couple, notamment la scène de massage, plaisant malentendu mais révélateur !
On saluera en passant quelques scènes très drôles avec Burt et Agnès qui, surmenés de travail, tentent de décompresser en essayant (vainement) de faire l’amour dans les bureaux de l’agence… y compris dans celui de Maddie ! Qu’ils sont mignons !
Infos supplémentaires :
- Aka. Des mannequins sans scrupules. Le titre de l'épisode pastiche celui du film Those lips, those eyes.
- David sait danser la samba, mais pas trop de cha-cha-cha. Il donnait des cours de danse plus jeune pour se faire un peu d’argent, tandis que son frère donnait des cours de dactylo.
- Dans la première scène, Richie dit que b-u-t (mais en anglais) sont les trois mots les plus insidieux de la langue anglaise. Bien entendu, il faut comprendre les trois lettres les plus insidieuses.
- On entend dans l'épisode (entre autres) Love is like a heatwave de Martha & the Vandellas, Girls, Girls, Girls d'Elvis Presley, Sex machine de James Brown, I only have eyes for you des Flamingoes, The shoop shoop song, Take time to know her de Percy Sledge. Richie fredonne Chapel of Love des Dixie Cups, et David Blue velvet de Bobby Vinton.
(c) 2013 par Clément Diaz
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62. L’homme qui voulait être célèbre
5.09 L’homme qui voulait être célèbre (Perfetc) :
Scénario : James Kramer, Chris Ruppenthal, et Jerry Stahl, d’après une histoire de Jeff Reno et Ron Osborn
Réalisation : Gerald Perry Finnerman
- J’avoue que si je n’avais pas fait ce métier, vous m’auriez manqué, Agnès. Et aussi Viola, MacGillicudy, et tous les autres, quoique pour l’instant je leur tordrais bien le cou à ceux-là.
- Et à Mr.Addison ?
- Ah lui, y’a pas que son cou que j’aimerais tordre !
- David, nous nous occuperons pas de cette affaire.
- Mais virez-là de ce feuilleton !
Brock Ash, la cinquantaine, va bientôt mourir. Attristé de quitter ce monde sans avoir « compté », il demande à l’agence Clair de Lune de l’aider à divulguer au monde entier le crime parfait qu’il a commis il y’a 25 ans en faisant un vol spectaculaire dans un musée. Ainsi, il pourrait partir en étant « célèbre ». David et Maddie partent à la recherche de Duncan Kennedy, l’ancien gardien du musée et l’unique témoin qui pourrait corroborer cette histoire. Mais rien ne va se passer comme prévu…
Malgré son originalité de départ, l’argument de Jeff Reno et Ron Osborn s’épuise dès les premières lignes. L’épisode fait s’enchaîner mollement des scènes dépourvues d’intérêt pour la plupart. On a rarement vu une enquête aussi plate, et il est triste de voir le duo d’auteurs qui nous a offert des joyaux comme Witness for the execution et Atomic Shakespeare, nous quitter avec ce script fade. A leur décharge, le trio Kramer-Ruppenthal-Stahl ne fait absolument rien pour relever le niveau de cette sous-histoire.
La relation David-Maddie retourne au point mort, avec de plus de flagrantes contradictions psychologiques. L’épisode rejoindrait le champ d’honneur des plus grands ratages si le quintette de scénaristes n’avait eu la présence d’esprit d’imaginer quelques scènes humoristiques, portées pour la plupart par le délirant Herbert Viola, plus que jamais l’ultime rempart contre la lassitude qui commence à s’installer.
Si Bruce Willis et Cybill Shepherd sont égaux à eux-mêmes, ils n’ont malheureusement que des dialogues certes rapides et enlevés, mais surtout creux et ronflants à nous donner. Seuls leurs impressionnants jeux d’acteur parviennent à empêcher le spectateur de bailler d’ennui. Leurs disputes sur leurs morales bien différentes, archi-rebattues, crispent vite par l’inanité de leurs déclarations. On a l’impression de regarder une pâle copie des disputes légendaires des saisons précédentes. Surtout, ils font un revirement hors-sujet sur leur relation : Maddie se débarrassant de ses tourments pour rejeter toute la faute sur David - alors qu’elle avait accepté le partage des torts. Ce dernier avance par ailleurs des explications complètement fausses sur l’échec de leur relation, les réduisant à leur addiction aux éclats de voix qui pourtant avaient contribué à les faire concrétiser leur passion, comme les épisodes précédents et l’envoyé du Créateur dans A womb with a view l’avaient rappelé. A croire que les scénaristes ont oublié de se relire ! La seule réplique échappant à cette purge est Maddie avouant à Agnès qu’elle aurait « du mal à travailler si David n’était pas là pour lui compliquer la vie ». Insuffisant.
L’enquête s’embourbe dans une investigation routinière bavarde jusqu’à l’excès : l’exposé de l’affaire, le désaccord David-Maddie, la conversation avec le gardien… tout est lourd, empâté, pesant. Il n’y a pour ainsi dire aucune action - même le rebondissement de la chute mortelle ne décolle pas la machine. Tim Thomerson peine à donner vie à son personnage avide de célébrité. L’amour de la célébrité, qui tente tout homme, cherchant à tout prix d’avoir son quart d’heure de gloire Warholien, est un concept qui est ici traité, et permet les meilleurs échanges (façon de parler) entre les personnages, et c’est bien là le seul atout de ce pan de l’histoire. Il faut attendre le twist final - assez peu crédible - pour qu’on s’intéresse enfin à l’histoire, mais à ce moment-là, l’épisode est presque fini.
Heureusement l’agité du bocal Herbert Quinton Viola sauve d’extrême justesse la mise. En totale roue libre, il nous fait des numéros d’enfer, dont le moindre n’est pas son incarnation d’un évêque italien qu’on croirait en plein trip d’acides. La joyeuse bataille de boules de papier dans l’agence, qu’il enclenche involontairement, est pleine de cet esprit de folie que l’on aime tant dans Moonlighting. Il est également mémorable en orateur pompeux et grandiloquent, improvisant difficilement son texte, quand il s’adresse aux journalistes. Que dire aussi de son numéro dans le tag final - une des seules scènes totalement réussies de l’épisode - quand il se mue en imprésario mielleux et cabotin. Dans tous ces multiples rôles, Curtis Armstrong fait preuve d’une jubilatoire vis comica. Lutin sautillant partout d’un bout à l’autre, il est l’attraction de l’épisode. Ca, ainsi qu’une délirante course-poursuite finale avec des véhicules transformés en objet d’art hétéroclites. Ah, si tout l’épisode avait été comme ça... L’épisode nous quitte cependant sur de l’humour rayonnant et sur une touche de romantisme, David invitant Maddie pour un séjour à Paris. Mmmm, délicieux !!
Infos supplémentaires :
- Aka. Le crime parfait.
- Le grand-père de Maddie était patron d’un grand cabinet d’agents de change à Chicago. Il est mort à 97 ans.
- En seulement sept secondes, l’horloge de l’agence passe de 9h15 à 9h17 ! (Premièrs scène avec Maddie et les employés).
- On entend dans l'épisode trois thèmes de série télé : Mission : Impossible, Dragnet, et Jeopardy !
(c) 2013 par Clément Diaz
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63. Annie, Maddie, jalousie
5.10 Annie, Maddie, jalousie (When girls collide) :
Scénario : Leo Tecate (pseudonyme de Merrill Markoe), d’après une histoire de Charles H. Eglee et Leo Tecate
Réalisation : Dennis Dugan
- Bert, je vais être franc avec vous, je ne voudrais pas vous gruger, vous avez déniché cette affaire, c’est donc à vous de la résoudre.
- Mais je ne voudrais pas retirer toute la gloire pour moi seul.
- Non, non, non, non, non, à vous les honneurs ; moi, je me contenterai de l’argent.
Crois-moi, sortir un soir avec David Addison ne sera pas un stimulant pour l’intellect.
Lorraine Anne Charnock (dite Annie), cousine de Maddie, débarque à Los Angeles pour quelques jours. Ravies de se retrouver, les deux cousines sortent et s’amusent. Mais lorsqu’Annie et David se rencontrent, une attirance naît entre eux. Le problème est qu’elle est mariée, et que Maddie verrait d’un mauvais œil cette relation…
Nos auteurs semblaient avoir trouvé un semblant de panacée pour maintenir David et Maddie dans une tension sexuelle : les décrire comme un couple marié, le sexe en moins, et les voir hésiter de nouveau à faire le premier pas. On ne comprend alors pas du tout pourquoi Charles H. Eglee - qui signe ici son dernier et plus faible scénario - et Merrill Markoe démolissent cette fragile mécanique et font intervenir encore un tiers pour perturber le fragile duo. Cela non seulement rend caduc les efforts démesurés des auteurs en cette saison, mais en plus, après Sam, Walter, et Terri, ce n’est rien moins que la quatrième fois que nous avons ce type d’histoire, et c’est une fois de trop. De plus, l’arrivée d’Annie et ses conséquences ne sont rien moins qu’un transposé en plus raté de l’arc Sam Crawford. Outre cette ânerie stratégique, l’épisode est un néant scénaristique total, qui laisse encore plus effondré que le précédent.
L’épisode a cependant un sacré atout dans sa manche : sa guest star. Car Annie a les traits de Virginia Madsen, à la sensualité exacerbée, et au jeu d’actrice énergique et pétillant. De plus, la comédienne a un « feeling » pas possible avec Bruce Willis, avec lequel elle forme un couple fusionnel et crédible, ce qui enragera évidemment les fans les plus convaincus de la série. De plus, la réalisation de Dennis Dugan est à elle toute seule une superbe déclaration d’amour aux 80’s et à la ville de Los Angeles, ici bellement filmée. L’épisode surprend également par le changement de comportement de David et Maddie qui jouent des partitions très différentes de l’habitude.
Dans les quinze premières minutes, une séquence seulement retient l’attention : celle où David échange un long, très long, très très long, mais alors TRES TRES TRES LONG regard avec une femme dans un ascenseur. La femme en question n’étant autre que Demi Moore, compagne de Bruce Willis à l’époque, on apprécie cette collusion entre la fiction et la réalité - qu’on retrouvera aussi dans l’excellent Hollywood A.D des X-Files avec la visite surprise de Tea Leoni, femme de l’interprète de Mulder à l’époque. Pour le reste, on est certes scotchés par l’apparition d’Annie, certainement la guest star la plus sensuelle de toute la série, mais l’ennui c’est qu’il ne se passe rien, si ce n’est des discussions convenues entre les deux cousines.
L’épisode s’attache à nous décrire le rapprochement mutuel entre Annie et David. Phénomène remarquable : David change du tout au tout : il arrive en avance, se montre d’une galanterie sincère, ne sort aucune plaisanterie salace... Maddie en est la première surprise, mais met ça sur le compte de sa gentillesse, de sa volonté de ne pas choquer sa parente. Pourtant, un tel changement chez un homme pour qui la finesse a rarement été la tactique de séduction préférée ne peut a priori s’expliquer que parce que cette femme le trouble : d’ailleurs, il est bien moins tchatcheur, et fait parler plus son corps que sa bouche. On comparera les deux slows : celui avec Maddie est amical, souriant, doux, celui avec Annie est plus chaud, intime, sexuel même. Il y’a même un suspense sentimental : vont-ils s’embrasser ? La boîte de nuit de l’époque, la trompette érotique, les slows, la fumée… tout concourt à nous faire basculer plusieurs décennies en arrière, dans les rugissantes années eighties. Un cachet qui a beaucoup de charme, et que capte superbement Dennis Dugan.
La sortie nocturne dans les rues de L.A. où David et Annie s’amusent comme des petits fous dégage une certaine allégresse bienvenue, conclue par un tendre baiser dans la voiture. Le duo est fantastique, rien à dire, mais cette description simple d’un parcours de séduction ne peut remplacer un vrai scénario, et au bout d’une demi-heure, c’est bien simple : Merrill Markoe ne nous a absolument rien raconté. On retient cependant un discret cassage de 4e mur très malin : quand David et Annie achètent des ballons de baudruche, on aperçoit sur la vitrine du magasin derrière une affiche de… Die Hard ! Le premier grand succès sur grand écran de Bruce Willis était sorti en effet l’année précédente.
On croit à une relance lorsque Maddie, qui découvre le rapprochement entre son associé et sa cousine, se dispute avec le premier, avec un joli ping-pong verbal. Mais l’épisode retombe vite dans le brassage de vent avec la désastreuse scène de l’hôtel qui finit en queue de poisson l’enquête du jour. L’affaire Sapperman n’a pas tenu plus de cinq minutes sur l’épisode, il aurait mieux valu supprimer cette intrigue qui ne sert qu’à donner un rôle à Herbert Viola. Viola d’ailleurs, s’autocaricature, et finit par peser sur l’estomac - interminable scène du court-métrage - malgré les efforts de Curtis Armstrong. Et si on attendait une grande scène de dispute façon screwball comedy lorsque Maddie découvre la « concrétisation » de la relation Annie-David, on sera fort déçu, l’épisode ne prenant même pas la peine de s’étendre sur ce sujet. Sauf dans l’épilogue final, d’une insigne lourdeur. Markoe et Eglee ont en quelque sorte réalisé le cauchemar de tout scénariste de série télé : 42 minutes sans scénario !
Le spectateur s’interroge sur les réels sentiments des personnages mais hélas, les auteurs ne savent plus du tout comment les décrire. Le spectateur SAIT que David aime Maddie et Maddie aime David. Alors comment expliquer cette passade amoureuse ? Est-ce un moyen pour David d’attirer la jalousie de Maddie et la forcer à faire le premier pas ? Maddie est-elle réellement jalouse ou inquiète que sa cousine subisse les mêmes ravages qu’elle a eus quand elle était avec David ? Cette confuse sarabande de sentiments est très énervante, car signe que la série marche maintenant en pilotage automatique : il n’y a plus de cohérence, plus de recherche psychologique, les scénaristes sont perdus. Rien que des écrans de fumée, et hélas les épisodes suivants maintiendront ce pathétique cache-misère, qui aboutiront à un final frustrant.
Infos supplémentaires :
- Aka. Tendres cousines.
- Agnès fait référence à Elliot Ness (Les Incorruptibles), pour décrire le comportement justicier de son cher et tendre.
- L’ombre de la caméra est visible sur le dossier du fauteuil de Maddie quand Agnès exprime ses inquiétudes envers elle. Erreur de montage lors du baiser Annie-David : on la voit un moment poser la tête sur son épaule ; au plan suivant, elle l’embrasse.
- L’épisode est dédié à la mémoire de Clint Althouse. Clint Althouse était un perchiste, mais qui n’a curieusement jamais travaillé pour la série.
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