Saga "Star Trek"

Dearesttara a écrit:Ce serait un bon sujet en effet !

Ou pas ! Je suis à deux doigts de la copie blanche ! Mes terreurs des salles d'examens se sont réveillées !

Autant Lost nous aura valu (même si pas uniquement) une série supérieurement intelligente et imaginative sur l'art du Flashback et du Flashforward, autant la saison 1 de Star Trek Strange New Worlds l'aura tout autant été, mais cette fois à propos de l'art du Remake. La grande idée de cette production irrésistiblement brillante et ambitieuse est d'aller bien au-delà que le « à la manière de TOS » initialement promis, mais aussi du remake littéral à la Disney. Chaque opus constitue une réécriture subtile des grandes familles d'histoires de TOS ou alors un remake plus identifiable d'une poignée d'épisodes cultes (Balance of Terror, The Menagerie ou Amok Time, notamment), avec à chaque fois une réponse étonnamment convaincante et finement  ajustée à la question « et si Star Trek TOS avait été une série contemporaine ? ».

Tout ceci est pesé à la plus fine des balances et concerne aussi bien les personnages emblématiques et les péripéties, que les éléments de mise en scène, de photographie voire de musique. SNW constitue l'une des séries les plus métas qu'il m'ait jamais été donné de voir, un pur plaisir pour les Trekkies. Le tout avec des références autrement plus subtiles, gouleyantes et structurées que le Name Dropping basique et incessant de Lower Decks. Évidemment, pour pleinement apprécier l'exercice de style il faudra connaître TOS a minima, et de fait SNW n'est sans doute pas la série avec laquelle il faut découvrir la franchise.

Par ailleurs,  la série se veut aussi la réponse de Paramount aux Trekkies que l'on va pudiquement qualifier de conservateurs (la communauté étant assez vaste pour être à l'image de la société américaine) ayant fulminé Hereticus Majoris le Wokisme assumé, paroxystique et flamboyant de Discovery, à côté duquel celui de la saison 11 de Dr Who apparaît bien falot et petit bras. SNW coche les cases tout comme en 2022 TOS le ferait bien plus qu'en 1966, notamment concernant les femmes, mais avec finesse et modération. Cela s'agglomère bien au projet global, mais je pense (c'est subjectif) que la volonté de se distinguer de la déesse woke nommée Burnham a entraîné un certaine minoration de Number One, pas assez présente dans l'action à mon sens. Mais voir cohabiter des séries aussi différentes au sein d'une même franchise reste une belle preuve de la vitalité et de l'ambition de celle-ci. Ce n'est pas comme si une série culte, disons au hasard de Fantasy, donnerait lieu à une série dérivée dont l'unique ambition serait de l'imiter au plus près, mais avec davantage de caillasse. Un univers modérément étendu.

D'autre part, sur la dizaine d'épisodes que contient cette saison 1, il nous faut répertorier un échec. The Elysian Kingdom s'efforce de réécrire façon Fantasy une histoire archétypale de TOS : l'entité immatérielle et toute puissante. Le procédé résulte assez pataud et vite répétitif. Du Q sans Q ou de l'Holodeck sans l'Holodeck, cela ne pouvait aller bien loin. Mais la saison se rattrape amplement avec ses deux derniers opus en forme de chefs d’œuvre. Avec All Those Who Wander, les auteurs pètent une durite en nous régalant d'un remake marginalement de TOS, mais surtout de toute la saga Alien condensée en  un unique épisode. C'est complètement fou, gore et inattendu, je suis reste scotché sur mon fauteuil de bout en bout.

Le conclusif A Quality of Mercy réécrit brillamment Balance of Terror mais surtout tire joliment le bilan en faisant se confronter le Pike de 2022 au Kirk de 1966, tel qu'en lui-même (mais en évitant le piège de l'imitation du Shat). Le contraste illustre superbement le travail de dentelle accompli et nous vaut plusieurs face à faces irrésistiblement caustiques avec l'ultra cool Pike. Et quel plaisir de voir débouler un héros totalement Sixties, avec tout ce que cela charrie (un panache plus grand que la vie, un rocambolesque total, mais aussi une arrogance bien machiste) au sein d'une série contemporaine, un régal. La saison 2 de SNW promet un défi intéressant, demeurer dans le remake haut de gamme ou voler de ses propres ailes. (****)

Vraiment du mieux dans la saison 3 de Lower Decks. Tout comme Les Orville, la série a su renoncer à des postulats initiaux peu porteurs. Ainsi il n'est plus question de losers au sein de Starfleet, une posture que Lower Decks n'avait jamais pu pleinement assumer jusqu'ici, du fait de l'ADN même du TrekUniverse. L'épisode 3-03 est ainsi largement dédié à explicitement  rehausser le statut et la réputation des protagonistes, de même qu'à gommer la séparation entre vaisseaux d'exploration et de soutien. Fort judicieusement, car même l'Enterprise, dès TOS se consacrait largement aux tâches de gestion, en réalité.

Le name dropping torrentiel caractéristique de Lower Decks est lui clairement revu à la baisse, enfin, mais aussi organisé plus intelligemment. Au lieu d'un saupoudrage incessant on passe à des épisodes crossovers pensés en tant que tels, au nombre de deux, dédiés à l'Holodeck (et in fine TOS), puis à DS9. Ce dernier m'a particulièrement plu, avec un efficace tour d'horizon de cette série et de ses vastes enjeux diplomatiques, mais aussi un coup d’œil astucieux à l'après Guerre du Dominion.

Ayant ainsi remis l'église au centre du village, la série peut dès lors pleinement exprimer son potentiel, avec des épisodes aux idées plus originales et surprenantes, ayant plus d'espace pour exprimer humour émotion et arcs des personnages. Bien entendu tout ceci s'effectue désormais dans un cadre en soi plus classique, avec toute une exaltation des valeurs et de l'efficacité de Starfleet, mais avec brio et sincérité. C'est à dire au grand bonheur de tous les Trekkies. (****)

C'est pas la tortue de Pratchett ?

Star Trek Strange New Worlds, l'un de mes grands coups de cœur en 2022, revient le 15 juin, avec aussi un petit extrait dédié au Lieutenant Ortegas, émérite pilote de l'Enterprise. La série  a vraiment tout pour elle et la saison 3 vient également  d'être commandée.