Série "El Ministerio del Tiempo"

j'ai regardé quelques épisodes de Ministério do Tempo, la version portugaise. Bon, sans tout comprendre bien sûr, mais les protagonistes  sont de telles copies conformes de la version originale que j'ai pu m'y retrouver. Même les noms sont souvent autant pareils que possible, avec quelques transpositions. Amelia provient ainsi de l'Université de Coimbra et non de celle de Barcelone, etc... Si la série ressemble sans doute trop à son modèle, elle le compense plus que largement par les thèmes historiques abordés, évidemment différents par nature. Parfois avec ironie, ainsi si le pilote espagnol opposait la Patrouille du Temps locale aux soldats de l'envahisseur napoléonien, le portugais procède de manière symétrique, mais avec l'armée castillane du crucial conflit de 1383-1385 (victoire nationale portugaise à Aljubarrota). A chacun sa Guerre d'Indépendance...

La série m'a permis de constater à quel point une culture historique ou littéraire (pour Luís Vaz de Camões en équivalent de Lope de Vega) peut s'avérer lacunaire selon nos centres d'intérêt. Autant j'ai - quasiment - toujours été en terrain connu durant la série espagnole, autant là je suis régulièrement allé consulter Wikipédia ! Il est vrai que notre propre histoire de France reste sans doute plus directement liée à celle de l'Espagne. Typiquement, la France apparaît bien moins invoquée ici. Par contre dès que la série le peut, elle rejoint l'Espagnole, on a ainsi un épisode sur l'invincible Armada, sous prétexte que les deux pays étaient alors unifiés, sous la férule de Felipe II. En définitive cette très belle série portugaise (production et interprétation sont impeccables) ravive sans doute l'envie de découvrir une version française, les sujets ne manquent pas !

Les Espagnols et les Portugais peuvent se rejoindre sur le conflit de 1807-1814. En effet, si Napoléon envahit l'Espagne pour remplacer Charles IV et Ferdinand VII (j'ai le droit de dire que c'est une belle brochette de fins de races ?) par son frère Joseph, il envoie également des troupes commandés par Junot attaquer le Portugal, ferme allié de l'Angleterre. Courageux, mais pas téméraire, le roi (Jean III de mémoire) s'exile au Brésil (colonie portugaise à l'époque).

Junot sera vaincu à Coimbra en 1808 mais le maréchal Masséna tentera une seconde invasion en 1811. Il se cassera les dents sur les défenses de Torres Vedra avant d'être refoulé par les Anglo-Portugais commandés par Lord Wellesley (futur duc de Wellington). Le roi ne reviendra au Portugal qu'en 1820.

Bref, entre la France et le Portugal, ce ne fut jamais une histoire d'amour. L'alliance anglo-portugaise remonte au Moyen Age et n'a jamais été dénoncée. Elle est aussi ancienne que celle entre la France et l'Écosse, juridiquement elle aussi toujours en vigueur.

Oui la victoire nationale fondatrice d'Aljubarrota (1385), à la quelle est dédiée le pilote, a d'ailleurs été remportée avec le précieux soutien d'archers anglais vétérans, en pleine internationalisation de la Guerre de cent ans. La noblesse castillane y connaîtra un massacre similaire à la française lors de Crécy et Azincourt. il faut dire que les Castillans avaient opté pour l'alliance française... La Perfide Albion, déjà, encore et toujours.

Sortie de deux premières "temporadas" en blu-ray. Il s'agit des deux produites par la seule télé publique, j'imagine que pour les deux autres, coproduites avec des plateformes ce sera plus compliqué. Pendant ce temps RTE a annoncé ne pas avoir fermé la porte à une saison 5...

Dépeinte par la série Isabel : la négociation âpre et tendue (à côté les marathons communautaires c'est de la bibine) débouchant sur la Concorde de Ségovie, le 15 janvier 1475. Ferdinand II d'Aragon est largement reconnu Roi de Castille par Isabelle, ce qu'elle achèvera d'avaliser quelques mois plus tard. En 1488, à Valence, ce grand général et diplomate qu'est Ferdinand finira par devoir accorder la Lieutenance générale de l'Aragon à sa tenace épouse. Malgré crises et fureurs (Ferdinand fut toujours infidèle en amour), ces deux fauves politiques que sont les Rois catholiques auront fini par s'apprivoiser.

Les deux couronnes demeurent distinctes et il s'agit davantage de pactes matrimoniaux que de traités au sens moderne, mais par la Concorde de Ségovie, la Castille et l'Aragon commencent à s'imbriquer bien plus fortement que les liens dynastiques usuels de l'ère médiévale. La fait national s'impose progressivement, comme en France et en Angleterre à la même époque. Tout ce processus est magnifiquement explicité au cours d'Isabel, série démontrant que le respect rigoureux de l'historicité n'entrave en rien une narration captivante.

Une série historique peut toujours parvenir à concilier les deux, il suffit de le vouloir et de fournir un effort qui n'est jamais que l'expression d'un respect envers le public.

L'imbrication des deux Couronnes est d'ailleurs telle qu'elle ne sera plus jamais remise en question (si Ferdinand avait eu un héritier mâle de sa seconde union, l'Histoire aurait sans doute été différente) et leur petit-fils Charles (Quint) sera connu comme "roi d'Espagne" même si ce terme est encore juridiquement infondé jusqu'à Philippe V de Bourbon.

L'histoire nationale de la France et de l'Angleterre est plus ancienne d'un siècle ; le premier à porter la titulaire de "Roi de France" est Philippe II Auguste (roi de 1180 à 1223) mais c'est la Guerre de Cent Ans qui crée réellement les nations.

Totalement d'accord avec le dernier paragraphe mais la rigueur est coûteuse et comme on écoute plus souvent le banquier que le poète, on a des fictions historiques vraiment fictives !

Premières très belles images pour La Cocinera de Castamar, production de prestige très attendue d'Antena 3. Après un tournage de quatre mois dans de superbes localisations  à Madrid, Ségovie et Cuenca, ses deouze épisodes seront diffusés courant 2021. La série adapte un roman historique best seller en Espagne, situé dans le Madrid de 1720.

Clara Belmonte, jeune femme de bonne éducation se retrouve néanmoins dans une situation financière difficile après la mort soudaine de son père médecin. Ses dons lui valent de devenir la cuisinière du Duc de Castamar. on allant et ses bons petits plats raniment la joie de vivre du Duc Diego, veuf depuis 10 ans, ainsi que dans l'ensemble de son palais madrilène. Un sentiment naît entre Diego et Clara, sacrilège pour l'époque du fait de la différence de classe sociale entre une roturière et un Grand d'Espagne. Le ténébreux Enrique de Arcona, en mal de vengeance familiale, va en profiter pour ourdir une conspiration destinée à perdre le Duc, mais aussi Clara.  

Le roman n'est pas foncièrement original, mais il est superbement écrit et possède un grand pouvoir d'immersion dans l'époque décrite. Il évoque avec précision et talent l'art de vivre  du XVIIIe siècle espagnol, avec une inspiration versaillaise emmenée dans ses bagages par le nostalgique Philippe V, mais aussi des éléments purement nationaux. Il accorde ainsi une large place aux plaisirs de la table, entre recettes et scènes de vie des cuisines. Entre amours et intrigues, haines et passions, on se prend  au jeu pour ce couple symbole d'une parenthèse enchantée, où l'Espagne des Bourbons s'ouvre à la douceur de vivre, entre la gloire terrible du Siècle d'Or et les tumultes du XiXe siècle, mais demeure engoncée dans ses carcans traditionnels.

Assez naturellement dans cette production historique, on retrouve deux figures du Ministère : la radieuse Michelle Jenner (Isabel la Fondatrice) en Clara et le pittoresque Hugo Silva en Enrique, assez logiquement puisque son Pacino était le comploteur attitré de la Patrouille du Temps.  

https://www.espinof.com/en-rodaje/antena-3-lanza-primeras-imagenes-cocinera-castamar-michelle-jenner-encabeza-adaptacion-novela-epoca

Journée particulière en Espagne, où l'on célèbre le 40e anniversaire de l'échec du Golpe de Tejero (23 février 1981). Cette victoire de la démocratie est considérée comme la vraie conclusion heureuse de la transition, avec l'affermissement définitif de la Constitution de 1978. Un acte solennel va se dérouler aux Cortes, en présence du Roi.  Le sujet a été évoqué dans la série, mais n'a pas fait l'objet d'un épisode. On se dit que si une Saison 5 avait eu lieu, cela aurait pu donner lieu à une programmation idéale.

En plus de parler en bien de Juan Carlos ; ce qui a été assez rare en Espagne ces dernières années !

L'excellent podcast "Histoire en séries" (que je recommande chaudement !!!), vient de se pencher sur le Ministère :



Par ailleurs le FesTVal vient de s'achever. Situé à Vitoria, il est le grand festival annuel espagnol de la télé et de la radio, avec notamment toujours pas mal d'infos sur les séries (opinion très personnelle : c'est bien plus intéressant et surtout nettement moins dans l'entre-soi que la ,récente auto-célébration narcissique de Télérama, Arte et Radio France). Alors que la question du renouvellement du Ministère était toujours dans l'air, le responsable de la programmation de TVE y a indiqué, que, non, aucun projet n'est ni sera en cours. Pour lui la série fait désormais partie  du "fond de l'armoire" de TVE, un élément du patrimoine plutôt destiné à des rediffusions.  D'où une grande colère de Javier Olivares sur Twitter, qui se déclare néanmoins toujours attaché au service public. Au revoir donc au Ministère, ce fut un beau voyage !

http://www.eltelevisero.com/2021/09/tve-sentencia-el-futuro-de-el-ministerio-del-tiempo-y-su-creador-da-una-replica-incontestable/