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Romans de Fantasy

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Message  Estuaire44 Mar 30 Juil 2024 - 13:44

Critique parfaitements affûtée, mais j’ai malgré tout envie de défendre ce roman malgré l’Exterminatus fulminé par Dear. D’abord parce que, avec le recul, on se demande bien s’il n’a pas inspiré l’excellent The Shakespeare Code de Doctor Who (le Barde, la Magie des Mots, les Sorcières…) mais aussi et surtout pour le gambit à mon avis réussi qu’aura constitué la véritable entrée en scène des Sorcières de Lancre.

J’ai aimé que leur philosophie et leur magie diffèrent totalement de celles, très D&D, des fracassés de l’Université. Bien plus proche du Vif que de l’Art, la Sorcellerie apporte de la variété à l’univers, mais aussi une expérience du quotidien et des rudes trivialités de l’existence qui évite au Disque-Monde de virer à la simple pochade absurde, aussi brillante soit-elle.

Mémé et les autres apportent un sens du réel prosaïque et une sagacité rendant la dinguerie du monde plus prégnante par contraste. Quand tout est fou, la folie redevient normalité et Mémé et autres se dressent face à ce péril. Les Sorcières se rendent aussi réellement utiles aux petites gens, moins par magie que par l’accompagnement, j’ai aimé l’idée que la grandeur puise aussi être simple, voire humble. Tout ce qui à comme un goût d’authentique, davantage que l’In Octavo et les bananes, à mon avis.

Par ailleurs j’ai trouvé l’intrigue du jour agréablement complexe et les personnages finement dessinés, chacune des trois possède une personnalisé bien à elle, ce qui n’empêche pas le convent de former un vrai groupe (je n’ose pas évoquer ici le Pouvoir des Trois), certes déséquilibré. J’ai trouvé que voir un groupe aussi chaotique être chargé de rétablir l’équilibre des pouvoir et l’ordre naturel relevait d’une ironie subtile.

Terry Pratchett nous emmène dans ce voyage plein de magie et de force féminine, il démontre son incroyable capacité à construire des personnages tridimensionnels et authentiques, les enchevêtrant dans une série d'événements hilarants et inattendus, qui ravissent et en même temps déstabilisent le lecteur. Chaque page se lit avec le sourire, tandis que la tension de l'intrigue principale progresse en arrière-plan.

Plus qu'une Fantasy traditionnelle, Trois sœurcières est le reflet de l'esprit et du sens social de Pratchett. À travers son récit, le roman dresse un portrait satirique de la société, joue avec les stéréotypes de genre et propose des commentaires mordants mais légers sur la politique, cet art de la manipulation, ce théâtre des apparences. Car le théâtre reflet du monde en apporte bien sûr la meilleure des métaphores. « Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. » disait le Barde.

Plus qu'une séquence de gags ou un simple pastiche fantastique, c’est un livre doux-amer et plein d'humanité, avec des personnages qui touchent et des moments qui font rire aux éclats. Ce sera souvent la marque des Chroniques des Sorcières du Disque, y compris celle de la formidable Typhaine Patraque. Ici, Terry Pratchett démontre que l'humour peut être un instrument puissant pour raconter des histoires pleines de vérité et d'émotions profondes. Son incroyable capacité à équilibrer les moments hilarants avec les moments touchants est ce qui donne à ce roman son charme unique.

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Message  Camarade Totoff Mar 30 Juil 2024 - 14:04

Tout pareille qu'Estuaire !

Moi, j'ai adoré comment "MacBeth" est digéré par Pratchett pour en faire le substrat de son roman. Je suis certain que, si j'avais connu plus intimement cette pièce, j'aurais vu davantage de correspondances et d'emprunts sans compter l'ironie.

Les sorcières sont de vrais personnages qui prennent de l'ampleur ici. On connaissait déjà Mémé et son sens aigu de la magie du quotidien. Nounou et Magrat (qui est à l'origine du convent si je me souviens bien ; une idée qui n'enchante pas la solitaire Mémé) deviennent ses comparses mais chacune avec ses caractéristiques. Nounou est la mère de famille qui a toujours un œil sur sa progéniture. Magrat est la jeune fille qui promet. A elles trois, elles sont les trois âges et leur nombre renvoie...à la pièce de Shakespeare !

C'est vrai qu'elles sont moins folles que les mages mais elles sont aussi bien plus utiles ! L'Université est une bulle centrée sur elle-même quand Mémé est partie prenante de la société. "Sorcière" renvoie ici davantage à ces femmes qui connaissaient les plantes, savaient les préparer et rendaient un service à la communauté qu'à l'image délirante forgée par l'Inquisition (et je place ici un renvoi à la mini-série "Filles de feu", absolument géniale).

Je continue à penser que ce roman est fait de la même matière que les rêves.
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Message  Estuaire44 Mar 30 Juil 2024 - 14:42

Bien d'accord, notamment sur le distinguo entre Mages et Sorcières. Very Happy
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Message  Dearesttara Mar 30 Juil 2024 - 17:10

Voilà de merveilleuses défenses dont j'admire l'acuité et la sincérité. Même si je n'ai pas accroché, je salue que Pratchett ne soit pas resté dans sa zone de confort et ait tenté autre chose. Les Sorcières sont bien différentes des Mages, tout en sachant parfois inviter le chaos.
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Message  Camarade Totoff Lun 5 Aoû 2024 - 13:51

Le moins que je puisse dire du roman Le Lion, la Sorcière blanche et l'armoire magique, c'est qu'il ne casse pas des briques.

C'est amusant, agréable à lire mais c'est assez basique comme construction et très linéaire. Le démarrage est poussif. Une seule personne au départ (Lucy) entre à Narnia mais, évidemment, personne ne la croit. Puis deux (Lucy et Edmund) mais il lâche sa sœur et, enfin, tout le monde. C'est bon ? On peut y aller ?

Il y a peu de suspense car il est inimaginable que la sorcière puisse l'emporter. En revanche, c'est plus intéressant de voir que c'est d'abord l'espoir du retour d'Aslan qui fait bruisser Narnia. Le sous-texte chrétien, qui devient clairement visible au moment du sacrifice et de re-retour d'Aslan (qui a dit "Résurrection" ?), est évident.

Les personnages manquent de caractérisation. La Sorcière est l'ennemie dont toute la motivation semble être de diriger dans la terreur. Basique. Les enfants sont eux-mêmes peu définis surtout Peter et Susan. Lucy est privilégiée car elle croit tout de suite quand les autres ont besoin de "preuves". Saint Thomas es-tu là ?

Edmund est le plus intéressant, et de loin, car c'est le seul qui évolue. Il se montre clairement méchant avec Lucy au départ, la trahit (et les autres aussi) pour des loukoums (mais Joseph n'a-t-il pas été vendu par ses frères pour un plat de lentilles ?), rejoint la Sorcière avant de se rallier du côté d'Aslan. J'oserai que je le comparerai à Saint Paul qui combattit les chrétiens avant de recevoir la Révélation en pleine face sur le chemin de Damas. Bref, Edmund représente les Gentils (les païens) qui, méchants au départ, reconnaissent in fine le Sauveur. Et puis, n'est-ce pas chrétien que de pardonner à ceux qui ont chuté ? Sans faute, pas de pardon. (**)
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Message  Estuaire44 Lun 5 Aoû 2024 - 15:06

Bien vu, c'est vrai que j'ai apprécié la lecture du roman (comme son excellente adaptation ciné), mais que je ne l'ai jamais relu depuis. Le Seigneur des Anneaux, par contre...
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Message  Dearesttara Lun 5 Aoû 2024 - 19:03

Bien d'accord avec la critique du Camarade. Un sens profond du merveilleux et une plutôt habile allégorie ne font pas tout. La forme (histoire, personnages) est sacrifiée et c'est le cas des 4 romans de la saga que j'ai lus jusque ici. Entre Lewis et Tolkien, je crains que le choix soit évident (mais bon, qui peut prétendre égaler Tolkien ?).
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Message  Dearesttara Mar 6 Aoû 2024 - 1:07

La pointe d'argent, volume 3.5 (ou 6 c'est selon) de La Compagnie Noire de Glen Cook, apporte une satisfaisante conclusion à l'arc initial de la série. Il était délicat de vouloir jouer les prolongations après la fin ferme de La Rose blanche et à ressusciter le Boiteux, mais l'idée est coulée dans un fabuleux roman choral à la morale amère reprenant les meilleures qualités du Château noir. L'absence de la Compagnie n'y est guère gênante.

Casier n'a certes pas le mordant de Toubib, mais j'ai vraiment apprécié l'ensemble. Comme dans Le Château noir, ce sont les invités du jour, soit le quatuor fracassé et dysfonctionnel qui fait mumuse avec La Pointe d'argent renfermant l'essence du Dominateur, qui se taillent la part du lion. Cook cache très bien son jeu car si on commence par croire que les frérots Smed et Tully vont mener la barque, c'est bien ce sacré Pépé le Poisson qui va vite prendre l'initiative. Tout le roman est une merveille de plans de survie stratégiques où Poisson échafaude plans fumants sur plans fumants, sauvant la plupart du temps les miches de tout le monde, échouant parfois, mais rebondissant toujours. L'intellect sera ravi de ces plans qui se déroulent avec accrocs, rehaussés par les dissensions du quatuor. Cook aurait pu se contenter d'une parabole efficace mais prévisible sur l'avidité humaine, mais astucieusement ajoute à ce pamphlet une exploration fascinante des peurs et des frustrations des personnages. En se concentrant aussi sur la descente morale de Tully, passant de leader à boulet du groupe, Cook fait sa propre version des affres du survivalisme, où la pression alentour peut faire craquer n'importe qui. L'auteur réussit aussi à monter sans cesse la tension en rajoutant régulièrement de nouvelles emmerdes : impériaux chauffés à blanc, sorciers barbouzes, huis clos de la ville verrouillée, famine et choléra, Rose blanche arrivant au bal des fêlés, Boiteux en mode full chaotic evil total... C'est simple, le roman est un modèle sur comment faire monter la tension jusqu'à ce que tout pète (avec du gore copieux, évidemment, le Boiteux aura bien dégusté). Coup de cœur pour Saigne-Crapaud le Chien, déjà bien gratiné dans le volume précédent et qui restera comme le toutou le plus hardcore de l'histoire de la fantasy. On apprécie toujours le vent de folie dure qui souffle depuis La Pleine de la Peur, avec des menhirs parlants plus lysergiques que jamais.

Évidemment, on attendait aussi beaucoup du traitement de nos héros restés dans le Nord. Cook laisse toute place à Corbeau, et se livre à une saisissante décomposition du personnage. Malgré quelques retours de flamme, La pointe d'argent se montre sans fard sur la décrépitude de cet homme si effrayant et efficace autrefois, et aujourd'hui moulu par la vieillesse mais surtout par l'impossible réconciliation avec la Rose blanche. Voir Corbeau s'acharner à reconquérir la jeune femme tout en enchaînant humiliations et revers reste un spectacle pathétique (dans le bon sens du terme) qui saisit. Silence, Bomanz, Casier et la Rose restent égaux à eux-mêmes mais participent aussi à cette impression de déliquescence. Malgré la force d'âme de la Rose, on sent bien que la discipline de fer de la Compagnie Noire leur manque et l'équipe ne cesse d'accumuler les erreurs face à un stratège certes malin mais qui n'aurait pas dû leur causer autant de problèmes. Toubib disait qu'il était rare qu'on démissionne de la Compagnie, c'est plutôt jusqu'à la mort le deal, et il semble bien que le quintette en soit la démonstration. Sans synergie, incapable d'exploiter efficacement leurs puissants atouts, contrariée par des relations glacées sans la fraternité de la Compagnie, tout concourt à diriger nos héros vers une conclusion sombre, et sur ce point Cook n'hésite pas à faire son Martin avant la lettre, ça tombe à tout va. Le Boiteux se sera révélé un sacré adversaire. Le final avec Rose et Casier se montre touchant par son désenchantement total. Aucune consolation dans la morale finale, le personnage le plus dominant du roman trouve une fin volontairement ridicule et celui qui s'en sort le mieux est un pédophile. L'auteur évite pourtant la complaisance, La Compagnie Noire est dans un univers où il n'y a ni justice ni mérite. Le hasard malheureux et la mort injuste frappent sans distinction, et c'est ce qui rend la parfois grandeur des personnages si tragique. Bon, on peut ergoter sur quelques détails, comme une bataille finale frustrante de brièveté ou se demander pourquoi l'Arbre-Dieu n'a pas dès le début ouvert son portail dimensionnel, ou comment Casier a eu accès aux péripéties des 4 voleurs. Mais qu'importe, ce volume est un des diamants noirs de la saga, refermant avec brutalité mais aussi avec habileté les derniers arcs de sa 1re période. (****)
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Message  Estuaire44 Mar 6 Aoû 2024 - 11:16

Beaucoup aimé son livre, on y retrouve certes le côté Formula Show de la narration par triple point de vue, mais il propose malgré tout d’intéressantes spécificités, comme un rythme plus soutenu que précédemment dans les récits ou un thème relevant largement du récit de casse. Un type d ‘histoire pouvant s’adapter à merveille à différents univers, après tout le Voleur était là dès l’origine de D&D et  Bilbo fut recruté en tant que tel par les Nains. Même le Docteur y aura eu droit dans Time Heist. On retrouve le ton sombre caractérisant la saga, avec les 50 nuances de gris de ses protagonistes, dont certains ben en noir. on ne s’en lasse d’ailleurs pas. C’est assez rare dans la Fantasy que n’importe qui puisse mourir n’importe quand, y compris dans le Vieux Monde de Warhammer. La technologie fait ici son entrée, de mémoire, concurrençant la Magie, autre spécificité (le Disque-Monde s’y adonnera également… à sa manière) tandis que les différents dossiers se voient refermés avec soin.
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Message  Dearesttara Mar 6 Aoû 2024 - 11:24

C'est vrai. Je me demande d'ailleurs si ASOIAF (et bizarrement Harry Potter vers la fin) n'est pas une singularité dans la Fantasy avec la mort pouvant frapper n'importe quand. Même La Roue du Temps s'est montrée économe sur le sujet. Le triple point de vue demeure très efficace, je ne me lasse pas de ce côté.

Pour la technologie, je n'ai pas le souvenir d'un développement de ce côté-là. Peut-être est-ce davantage le cas dans les Livres du Sud, Shadow Games a été écrit avant The Silver Spike mais j'ai choisi de lire le dernier en premier sur conseil quasi unanime des fans (merci reddit).
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Message  Camarade Totoff Mer 7 Aoû 2024 - 13:47

Je ne peux, hélas, partager l'enthousiasme de Dear pour Sourcellerie. J'ai eu l'impression d'un mix improbable entre la Huitième Fille et la Huitième Couleur.

Thune est en effet le 8ème fils d'un huitième fils (comme Ek) et l'action se disperse entre Ankh-Morpok et Al-Khalif sans compter la redite du personnage de Conina (on a déjà eu une fille barbare).

ON connaît l'adage : le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. Ce roman en est l'illustration. Amené par Thune, le Sourcellier, la magie déborde à flots. Du coup, les mages ne se sentent plus et, plus ou moins aisément, se laissent gagner par l'abus de pouvoir avant de se combattre sans que l'on sache bien ce qui amène ce dérapage et pourquoi le Sourcellier n'y met bonne garde. A moins que son bourdon ne veuille l'anéantissement des mages par rancune.

Certes, on ne s'ennuie pas car l'action fuse comme la magie mais ça ne mène pas très loin et on finit même par revenir au point de départ.

Globalement, les personnages ne sont guère caractérisés. Les mages sont interchangeables et aucun ne se démarque. Conina est aussi fadasse que badasse. Le Shérif amuse par son alcoolisme poétique mais ne pèse pas sur l'action. La palme de l'inutilité reste Nijel même si on doit saluer l'idée géniale, mais non aboutie, de "l'apprenti barbare" qui a lu tout le manuel (sic !). Le Bibliothécaire a plus de présence ici et apporte de l'humour  (tout le monde comprend ses "Oook" !) mais aussi de l'utilité.

Scène cocasse que de voir Guerre, Pestilence et Famine se mettent une mine à la taverne plutôt que d'aller apporter "l'Apocralypse". C'est pas dans Supernatural qu'on aurait vu ça !

Reste le plaisir de revoir Rincevent, l'anti-héros absolu et qui entend le rester. A Conina qui lui demande s'il fait exprès d'être inutile, il répond que, quand il se rend utile, ça ne lui attire que des ennuis ! Et bien, notre "maje" est tout de même héroïque à sa manière et j'avoue que la fin a un petit côté émouvant.

Déception relative tout de même (**)
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Message  Estuaire44 Mer 7 Aoû 2024 - 14:04

Dans Supernatural Sam et Dean ont bel et bien réglé leur compte aux Cavaliers, hormis la Mort avec laquelle ils ont sympathisé, non pas dans une taverne, mais dans un fast food ! hein
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Message  Dearesttara Mer 7 Aoû 2024 - 15:07

Je rejoins en partie le Camarade car Sourcellerie souffre en effet d'un récit fragmenté et de personnages peu dessinés, c'est hélas un défaut que je trouve régulièrement dans cette première période du Disquemonde. Cela dit, le tsunami d'humour tornade a à mon sens largement compensé les défauts. Ce n'est pas la maîtrise impeccable de Mortimer, mais Sourcellerie est sans doute un des romans m'ayant le plus fait rire, je ne peux qu'être indulgent.
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Message  Dearesttara Mer 7 Aoû 2024 - 16:08

Il y a quelques changements intéressants dans Le cheval et son écuyer, tome 5 des Chroniques de Narnia de C.S. Lewis. Mais inutile de s'illusionner, le roman demeure aussi frustrant que les autres volumes, gagnant de nouvelles qualités et de nouveaux défauts à part égale. Parfaitement équilibré, comme tout devrait l'être.

Le livre apporte une nouvelle perspective car nous ne sommes plus dans le décalage d'héros de notre réalité aboutissant à Narnia, mais bien d'une histoire entre héros natifs de là-bas. De fait, le ton du livre est plus normalisé, devenant une fantasy encore plus classique, toujours adorné du ton parfois infantilisant de l'auteur, justifié pour son jeune public mais décidément lourd une fois passé l'âge. Ce changement de la portal fantasy à la high fantasy se ressent aussi dans l'écriture, avec une déperdition malvenue. Le grand atout de Lewis est à mon sens son génie du merveilleux et de l'immersion, et on sent que ça se faisait à l'unisson des humains de la Terre découvrant cet univers aussi magnifique que dangereux. Or, même si Narnia est dépeinte comme plus attractive que Calormen, le sens du merveilleux ne peut être aussi prégnant pour un natif. De plus, nous savons à quoi ressemble la province sud de Narnia depuis Le Lion, la sorcière blanche et l'armoire magique et de fait Lewis recourt à des descriptions plus génériques et assez doublons. Toute la première partie à Calormen semble également moins l'inspirer, on sent que Lewis n'arrive pas à se dépétrer de l'influence moyen-orientale de cet empire qu'il relate sans éclat particulier. A contrario, la province de Narnia est bien une pure création imaginaire, même si puisant aux contes de fées. Cela dit, je me demande si les géniaux créateurs d'Avatar le dernier maître de l'air (éblouissante série animée de fantasy, meilleur worldbulding vu à l'écran) ne se sont pas inspirés de Tashbaan tant la cité d'Omashu y ressemble trait pour trait. L'influence de Narnia est décidément partout.

Les défauts habituels sont toujours présents : les personnages demeurent faiblards, Shasta est terne, Aravis semble tout feu tout flamme mais dégage plus de fumée que de feu, les persos secondaires sont des clichés sur pattes, du vizir poisseux au roi bon en passant par le conquérant 100% diabolique. Seul Bree, le cheval du titre, m'a semblé mieux dessiné, cet étalon orgueilleux qui apprend l'humilité a le meilleur arc du roman, avec plusieurs étapes déstabilisant sa fière stature jusqu'à reconnaître ses limites. Les scènes d'action sont comme d'habitude bâclées (le recours au discours indirect de l'ermite pour raconter la bataille d'Anvard sape le peu de tension qu'il pourrait y avoir). Surtout Le Cheval et son écuyer est sans doute le roman de Narnia ayant le plus mal vieilli. Je pense défendre Lewis contre les accusations de sexisme qui me semblent injustifiés mais l'accusation de racisme, je crains de devoir donner raison. Calormen, malgré la beauté de ces cités, est constamment vue de manière négative, ses habitants à la peau sombre sont à des degrés divers plus ou moins méchants, et leur culture ne pèse pas bien lourd face à la suprématie blan... euh occidentale de Narnia et ses blonds aryens éclatants. Que l'auteur reprenne des éléments négatifs comme les mariages d'enfants est juste (mais bon, l'histoire de l'Europe n'est pas un modèle de ce côté), se focaliser uniquement sur le négatif pour faire ressortir la pureté de Narnia a des relents racistes vraiment désolants. En fait Lewis commet la même erreur qu'Howard, qui pour gagner du temps dans son worldbuilding, ressortait à tout va les clichés puants de son époque pour les peuples du midi et de l'orient.

Cela dit, en se normalisant et en laissant de côté son merveilleux, Le cheval et son écuyer se focalise plus sur l'action. Il est sans doute le récit le plus nerveux des Chroniques, au danger constant, aux attaques perpétuelles, venant d'humains ou de la nature. Il se passe beaucoup de choses en peu de pages, davantage que dans Le Lion... même si cet aspect est fortement minoré par la désastreuse révélation d'Aslan sur les lions, qui rend in fine caduque une bonne partie des péripéties. Lewis aborde également des sujets plus adultes comme l'esclavage, les mariages arrangés, la dureté du métier de dirigeant devant tout sacrifier sur l'autel de la raison d'État... Il y a comme une sorte de dichotomie de Lewis entre le ton parfois infantile et ces sujets qu'il ne survole pas, mais j'applaudis l'ambition. Revoir deux des Pevensie est certes amusant mais j'avoue avoir pas mal apprécié le châtiment de Rabadash par un Aslan qui se sera pourtant démené pour lui donner sa chance. Les allégories chrétiennes n'apparaissent qu'en fin de course mais se voient très bien dosées, entre Shasta s'immergeant dans l'eau d'Aslan à son entrée dans Narnia tel un baptème, ou la pénitence de Rabadash, puni pour avoir rejeté le Christ, enfin Aslan par trois fois, mais dont le pardon lui est accordé malgré tout. La justice n'exclut pas la pitié dit le Lion formidable, dans une remarquable concision d'une belle idée de la religion. Bon, je le trouve un peu dur avec Aravis, mais Aslan n'est pas toujours cohérent quand on parle de châtiment (un aspect qui m'a dérangé dans Prince Caspian). En pure matière narrative, Le Cheval et son écuyer est le plus fluide et vif à lire, mais ses nombreux défauts n'en feront pas le chef-d’œuvre que j'attends toujours au sein des Chroniques de Narnia. (**)
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Message  Estuaire44 Mer 7 Aoû 2024 - 17:03

Cela ne rappelle absolument rien, je pense que je ne suis pas allé plus avant concernant Narnia, il y a bien longtemps. Mais merci pour la critique, c'est très instructif !
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Message  Camarade Totoff Jeu 8 Aoû 2024 - 13:16

Même si les deux premiers récits ne m'ont pas spécialement emballé, j'irais au bout de Narnia quand même. Fierté de bibliophage !

Merci pour cette belle critique !
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Message  Dearesttara Dim 11 Aoû 2024 - 22:07

C'est sur le cul et débordant d'allégresse que je termine La Quête d'Ewilan de Pierre Bottero. Dans ma quête de la bonne fantasy française, je trouve mon salut dans cette trilogie pour la jeunesse remplie à ras-bord d'enchantement et d'imagination vive, malgré quelques déperditions mineures en fin de course.

Mon expérience en art m'a appris que le génie ne s'exprime pas forcément par l'innovation, une synthèse parfaite de codes (un tour de force pas plus facile qu'innover) en est aussi le fruit. A ce titre, Bottero convoque plusieurs codes éprouvés : une jeune Élue, des pouvoirs se réveillant, des sidekicks souvent amusants parfois dramatiques, une portal fantasy de base, de la tension sexuelle, des vannes, une quête des origines, un monde à sauver, l'exercice redoutable du flat arc, ce genre d'histoires où le héros évolue peu mais chamboule tout autour de lui (mon exemple préféré reste Retour vers le futur)... Bref, que du déjà vu ? Point du tout ! Le regretté auteur tire toute la substantifique moëlle de ces codes et du roman d'aventures bondissant, léger, grave a tempo, aux multiples rebondissements. Ayant le même goût pour l'enchantement pur que C.S. Lewis, Bottero s'inspire manifestement de Narnia pour sa Gwendalavir, avec un identique talent. Mais là où Lewis a du mal à proposer autre chose qu'un nouveau monde exaltant, Bottero dessine avec soin ses personnages, leur donne des failles, étrangetés, codes moraux parfois en porte-à-faux de leurs archétypes de départ, la recette parfaite d'une bonne écriture, malgré les contraintes du flat arc. J'ai aimé Ellana, une badass qui en dit tellement par... ce qu'elle ne dit pas. J'ai aimé Salim, vaillant ami de l'héroïne qui s'embarque avec elle quel que soit le danger avec un enthousiasme permanent (même si la peur n'est jamais loin). J'ai aimé Edwin, le guerrier total assumant parfois difficilement les conséquences de son leadership. J'ai aimé le côté concon mais brave de Bjorn (qui m'a fait souvent penser à Bolin dans La Légende de Korra, c'est un compliment). J'ai aimé le côté faussement atrabilaire de Duom. Seul Maniel n'est pas développé mais il est réaliste qu'un garde humble ne faisant que son devoir reste dans l'ombre. Et bien sûr, Camille, héroïne naïve, courageuse, déterminée, aux quelques sursauts d'égoïsme pour éviter d'être une parangon, bref, le personnage idoine pour mener la barque. L'émotion bien ancrée, Bottero peut dévider sa palpitante intrigue.

J'ai à peu près tout aimé dans cette trilogie rapide, au worldbuilding brillant, au système de magie très original (le  Dessin)... en fait Bottero a créé un monde si grand, si bouillonnant d'idées qu'il n'a même pas le temps d'en tirer toutes les conséquences (mais je suppose que les trilogies spin-off les explorent, le clochard de Paris mériterait de revenir). Pour autant, ces idées ne sont jamais encombrantes, elles participent à cette épopée enivrante de beauté et d'effroi. Ses scènes d'action frétillent de danger et de résolutions au bout du suspense — le combat final du 1er livre est un modèle de stratégie diabolique. Tout le long de la lecture, c'est une excitation de gosse qui m'a parcouru, tournant frénétiquement les pages pour tomber sur une nouvelle rencontre saisissante, une révélation tonitruante, un tendre/hilarant moment de complicité, un lieu débordant de magie surprenante, un monstre horrifiant, dans un rythme d'enfer. J'ai apprécié que les moments sur notre monde ne se montrent pas moins passionnants que Gwendalavir, sur Terre aussi on peut vivre d'incroyables aventures. Un distinguo assez rare en portal fantasy.

Mais si les deux premiers tomes sont à peu près parfaits, l'enthousiasme est légèrement retombé avec le volet final. Pris au piège d'une structure imparfaite, l'intrigue principale s'achève au 2e volume, et Bottero doit se tourner vers son intrigue secondaire. Mais passer de "sauver le monde" à "retrouver deux personnes disparues" relâche la tension un peu trop. Surtout, le tome 3 accumule les deus ex machina, les résolutions "magiques" devenant moins astucieuses et plus "coup de bol", en violation de la 1re loi de Sanderson. Surtout, avant ce livre, Bottero avait excellemment équilibré ses persos masculins et féminins. Dans le dernier tiers, ces femmes gagnent en force et en indépendance non par elles-mêmes mais parce que les mecs rétrogradent ou sont ridiculisés. A certains moments, Ellana et Camille sont moins des femmes fortes que des girlboss. Une certaine gifle assénée dans ce livre est censée être un moment d'indépendance, elle est surtout d'une cruauté injustifiée. Ellana qui demande à la fois l'égalité et la chevalerie, c'était aussi lunaire.
Tant de personnages et d'idées sont laissés en plan car dans ce dernier volume, Bottero n'arrive plus à contenir son imagination qui part en surchauffe (je suis divisé sur le passage de Loup-garou pas garou mais quand même garou). Mais tout cela est en partie compensé par des nouveautés sensationnelles comme ce détour vers un personnage de légende. Coup de cœur pour Éléa, d'abord méchante en sous-main puis félonne grand train aux coups tordus dévastateurs. Je dois avouer que grâce au brio de Bottero, le charme n'a pas réussi à se rompre et j'ai lu ce 3e livre avec un vrai plaisir, à peu près similaire aux précédents.

Une réussite quasiment complète, La Quête d'Ewilan est une échevelée trilogie où prime l'enthousiasme, l'excitation et le merveilleux. Je le dis ici, c'est une des meilleures suites fantasy que j'ai lu de ma vie. (****)
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Message  Estuaire44 Lun 12 Aoû 2024 - 9:21

Merci pour la suggestion de lecture, ta critique donne envie ! Oui, il y a belles réussites françaises en Fantasy, ce n'est pas le domaine privé des Anglo-saxons !
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Message  Camarade Totoff Mar 13 Aoû 2024 - 14:41

Ouvrage inconnu mais ma conversion a la fantasy est toute récente donc je prends toutes les suggestions de lecture...en désespérant de pouvoir les réalise un jour. Mais on dit que l'espoir fait lire.
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Message  Dearesttara Mer 21 Aoû 2024 - 19:50

Pyramides, volume 7 du Disquemonde de sir Terry Pratchett est un cas pas si rare de roman qui me semble plus intéressant à analyser qu'à lire. Les défauts qui m'irritent tant chez Pratchett (personnages, histoires et structure faibles) demeurent mais on sent que ce livre est un tournant décisif dans la saga tant l'auteur embrasse pleinement la satire qui précédemment, ne pointait que le bout de son nez.

Pyramides ressemble à bien des égards à une transposition de Mortimer dans l'équivalent de l'Égypte antique du Disquemonde. On retrouve un Bildungsroman à base d'un jeune homme, Teppic, propulsé dans une position qui ne lui convient pas (roi de Jolhimôme), avec une sidekick sexy (Ptorothée) et confronté à un foutoir spatio-temporel. Malheureusement, la comparaison ne tourne pas en faveur de Pyramides. Teppic n'est que peu dans l'action et la plupart des personnages restent des silhouettes aussi plates que Ptaclusp IIa. L'absence d'antagoniste digne de ce nom pèse tout le long. Ptorothée est là pour la déco sinon pour un twist unique, une déperdition après la frondeuse Ysabell. Après nous avoir fait saliver avec un quasi reportage sur la Guilde des assassins, Pratchett fait valdinguer cet amusant préambule, dénotant un sérieux problème de structure (l'histoire proprement dite ne démarre pas avant la moitié du roman). Structure encore affadie par des péripéties amusantes mais qui ne débouchent sur rien comme le voyage chez les philosophes décatis d'Éphèbe. Une nouvelle fois, Pratchett tente de faire son Douglas Adams à base d'humour tornade balançant tout sur son passage, mais malgré quelques vannes bien senties, il ne peut l'égaler. Une frustration encore accentuée par l'éparpillement de personnages commentant l'action mais restant périphériques (les embaumeurs, Chidder, Sale-Bête, Dios...). Au bout du compte, une intrigue maigrelette, aux faibles enjeux émotionnels, et au climax bien plus en fumée qu'en feu.

Pourtant, Pyramides demeure le roman du Disquemonde à partir duquel Pratchett lâche la bride à sa verve satirique. Derrière l'humour dada né de la pagaille spatio-temporelle (le massacre de l'énigme du sphinx ou le concours des chevaux de bois sont joyeusement absurdes), on est assez soufflés par sa critique de la religion. S'il lui arrive de se montrer bassement injurieux envers les croyants (quoiqu'à un degré moins fort que la caricature ayant plombé la fin d'A la croisée des mondes), c'est surtout envers le dogme et les liaisons dangereuses entre pouvoir et religion, que sa plume tire à boulets rouges, et la plupart du temps dans le mille. On rit jaune devant un peuple au cerveau si lavé par la religion qu'il n'arrive plus à agir rationnellement, mais aussi de prêtres prêchant chacun pour leur paroisse et refusant de s'écouter les uns les autres (leurs chamailleries sont à se tordre).
Jolhimôme est un empire en déclin, étouffé par une religion et des rituels sans queue ni tête, n'ayant pas bougé d'un iota en 7000 ans. Pratchett reste toutefois un homme de mansuétude, les prêtres sont plus crétins que méchants, et Dios compose un fascinant personnage : tout puissant mais prisonnier du status quo, au service absolu de l'Empire jusqu'à renoncer au repos de la mort qu'il goûte pourtant de ses vœux, seul homme fort du pays capable de le gouverner sans s'écrouler. Peu de personnages ressemblent à Dios, constamment entre ombre et grandeur mais toujours dans la rigolade !

Cette satire s'étend aussi aux propres intérêts de Pratchett, passionné de sciences et de savoir et les voyant comme une meilleure façon de voir le monde que la religion. Pourtant, entre un docteur cuistre, un mathématicien génial mais tournant à vide, et surtout une philosophie s'égarant dans la pure idiotie (le RDV des philosophes est à se tordre de rire), la verve de Pratchett n'épargne personne. Mieux, avec Chidder, il me semble introduire la fameuse notion de désenchantement du monde chère à Mircea Eliade. Il est naturel que l'ancien monde s'effondre, mais les futurs maîtres du nouveau monde sont bien les commerçants sournois et avides. Le status quo de l'Empire était devenu trop sclérosant, mais au moins on croyait encore à l'enchantement grâce aux dieux, tout comme les Mythologies théistes, erronées sur le plan scientifique, imprimaient une vision du monde empreinte de merveilleux. Si Chidder a beau être sympa, il est symptomatique d'une société tombant peu à peu entre les mains du capitalisme pragmatique. Le Disquemonde prend décidément le chemin de notre réalité, même si je soupçonne qu'il y aura plus une cohabitation avec le divin et la magie plutôt qu'une mort de Dieu définitive. Cela dit, je m'interroge, si les dieux ne sont que des créations des hommes, quid du Créateur, quid de son culte ?

Au fait, Sam Winchester n'a pas l'exclusivité, Teppic était vraiment sur le point de tenter d'embrocher un dieu à l'arme blanche. Avec la guilde des assassins, le pragmatisme de Pratchett va aussi assez loin, n'hésitant pas à montrer la guilde comme paradoxalement plus morale que son extérieur. De tous les motifs d'assassinats, l'argent n'est-il pas le moins ignoble, le moins hypocrite ? Enfin, comment ne pas penser à la tour de Babel avec cette pyramide devenue trop immense, satire de l'égo des hommes, mais aussi de leur volonté sincère de laisser une trace durable en ce monde, dans un distinguo très adroit. L'émotion n'est pas absente avec l'image mémorable de la pyramide des ancêtres soutenant leur descendant lors de l'épreuve du feu.

J'ai été très épaté par la fin. La conclusion attendue du Bildungsroman est ici doublement inversée pour Teppic : ni dans sa vie publique ni dans sa vie privée, il obtient ce qu'on aurait cru, mais il ne va guère s'en plaindre. La prise de puissance finale de Ptorothée ne rachète pas son arc médiocre, mais porte en elle le féminisme de l'auteur, c'est plus bref mais aussi bien moins laborieux que le pensum interminable de La Huitième fille. Enfin, la conclusion de Dios, très à La Quatrième Dimension, est remarquable par son côté fataliste. Pratchett professe son athéisme mais la religion semble si vissée à l'humanité qu'elle ne peut disparaître, pour le meilleur comme pour le pire. Une lucidité que je trouve courageuse.

Malgré une forme une nouvelle fois décevante, Pyramides se montre le plus profond des romans du Disquemonde jusque-là et imprime à la suite une nouvelle orientation vers la satire pointue et le moderne. (***)
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Message  Camarade Totoff Mer 21 Aoû 2024 - 20:26

Déjà impatient de lire ce roman !
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Message  Estuaire44 Jeu 22 Aoû 2024 - 11:02

Pyramides est un roman étrange au sein des Annales. Outre qu’il s’agit du roman indépendant du cycle (ou quasi, si on considère Petits Dieux, à mon avis meilleur, comme continuation de l’arc)  C'est aussi  celui qui a le moins recours à l’humour (avis personnel). Néanmoins il développe plusieurs idées super intéressantes, notamment une critique du poids de la tradition, notamment quand elle s’accompagne d’absurdités religieuses, poly ou monothéistes. Le jeune Roi-Dieu éprouve ainsi les pires difficultés à chevaucher la modernité, alors même que Ankh-Morpork, où il a été formé,  en deviendra le fer de lance sous la férule bien plus affirmée du Patricien. Mais celui-ci n’a pas affaire à un culte écrasant (à l’UI on s’en cogne bien de la modernité, donc on n’y pas obstacle) .

Le royaume de Teppic est celui où les traditions ancestrales dominent tout, avec les Pyramides qui préservent les pharaons pour l'éternité comme axe principal autour duquel se déroule une vie monotone. De ce point de vue le roman devient un supplément  « civilisation antiques » intéressant pour le Disque-Monde, comme il en existe pour D&D ou Warhammer. Le Grand Prêtre compose un personnage à la fois satirique et pathétique, ayant oublié le soubassement moral de sa religion pour n’en retenir que les rituels et la liturgie, devenus immuables. Une figure intéressante, que l’on peut d’ailleurs transposer à des systèmes plus laïcs (Cf. la Ve République en 2024, ou, plus généralement, la bureaucratie).

S'il est vrai que Pyramides constitue un roman relativement dépourvu d'humour, du moins pour l’ordinaire du Disque, ses descriptions et comparaisons apparaissent souvent imaginatives et pétillantes d'intelligence. Cela fait que la lecture nous conserve le sourire aux lèvres, pendant que nous découvrons le prochain cliché religieux que Pratchett va détruire sous nos yeux.Il s'agit également du premier roman du Disque-monde divisé en quatre parties, puisque les précédents racontaient tout le roman du début à la fin sans même le diviser en chapitres. Cela autorise  Pratchett à concentrer chaque partie du roman autour d’un thème spécifique, permettant ainsi une lecture davantage structurée. Mais l’ensemble n’est sans doute pas aussi épique qu’il aurait pu l’être.
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Message  Dearesttara Ven 23 Aoû 2024 - 13:56

Merci pour ce précieux retour, Estuaire cheers J'ai trouvé le livre plutôt drôle tout de même, bien davantage que les livres avec les sorcières. La structure en épisodes propose effectivement une satire plus ciblée, peut-être au dépens d'une intrigue unifiée. La Huitième couleur avait aussi une structure en quatre parties, mais ici la profondeur est plus mise en avant. On sent une évolution qui va dans le bon sens Very Happy
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Message  Estuaire44 Ven 23 Aoû 2024 - 14:56

Oui, c'était plus un assemblage de quatre nouvelles qu'une structuration par chapitres. Mais cela va demeurer une rareté dans la saga de toutes manières... hein
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