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Romans de Fantasy

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Message  Camarade Totoff Sam 12 Oct 2024 - 11:16

Critique bien sentie et qui donne envie d'aller voir ce guet. Je l'ai croisé dans Ronde de nuit, ; à l'époque où je ne lisais pas dans l'ordre (mais depuis je me soigne). C'est plus tardif mais, de mémoire, Vimaire est très atteint par la dépression jusqu'au moment où il va croiser...lui-même plus jeune débutant au guet ! C'est sans doute un des personnages le plus intéressant de Pratchett. Le reste du guet est effectivement assez cocasse mais guère identifié. J'aime particulièrement ton œil vif et critique qui sait analyser froidement mais sans froideur. C'est toujours un plaisir de te lire. Ça donne envie !

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Message  Estuaire44 Sam 12 Oct 2024 - 13:07

Décidément la Fantasy de qualité est partout, même dans l'actualité.

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Message  Estuaire44 Sam 12 Oct 2024 - 19:41

Merci pour cette critique solidement argumentée d'un livre m'ayant beaucoup plu voici... bien longtemps. Ce premier roman dédié à la Garde de Nuit (l’une des familles du Disque-Monde parmi les plus régulières en qualité) fut l’un des plus grands succès en librairie du Cycle et demeure sans doute l’une des meilleures entrées possibles pour découvrir le monde de Pratchett. En effet il nous fais découvrir le fonctionnement si particulier  d'Ankh-Morpock, la Grande Cité de l’Humanité, mélange étonnamment efficace de la dinguerie de l’Univers et du pragmatisme profond de ce singulier tyran éclairé qu’est le Patricien. Mine de rien,  construction demeure très originale au sein de la Fantasy et j’ai apprécié que l’auteur se centre sur le Guet, anti-socle du système totalement à rebours d’une imagerie traditionnelle toute en puissance (Cf. les Manteaux d'Or du Guet de Port-Réal, ou les Schueters d’Altdorf). Autant de piliers de la puissance du Monarque, et non pas la cinquième roue de son carrosse, au mieux. Et encore, je n’évoquerai pas (sans frémir) l’Adeptus Arbites, défenseur dévoué mais un rien zélé de la Lex Imperialis. Licence to Kill à tous les étages.

Hormis le Bibliothécaire de l’UI, bien entendu du voyage, il existe peu d’autres moyens aussi efficaces de se convaincre de la singularité du Disque-Monde, ce royaume de l’Improbabilité. De plus, de manière concentrée, le roman contient tout ce qui définit si bien les Annales : de l'Aventure, un divertissement fou, du sarcasme, mais aussi de la réflexion et de la critique, aussi masquées soient-elles derrière l’ironie proverbiale de Pratchett. La Garde de Nuit de la ville insalubre d'Ankh-Morpock (se baigner dans la Seine, ce défi dérisoire face à l’Ankh, deuxième fleuve le plus létal en Fantasy) constitue en effet un corps pratiquement inutile. Sous la courtoise férule du Seigneur Vétérini, Ankh-Morpock a ses Guildes de voleurs, d'assassins, de marchands, etc. qui ont trouvé un équilibre fonctionnel pour gérer les principales activités humaines (le vol, le meurtre et le commerce, largement la plus criminelle des trois). Essayez Guildes 2, ce jeu vidéo vieillit bien. Cet ensemble harmonieux rend quasi inutile toute police, mais le Chaos s’infiltre partout, telle est sa nature, et des Cultistes bien allumés vont entreprendre de jeter à bas cette belle construction.

Voilà ce que j’appelle un pitch prometteur, mais le roman nous présente également des protagonistes mémorables (avis personnel, bien sûr) : le capitaine Vimaire  un homme tourmenté par l'inefficacité de son travail ; ses assistants, paresseux et voleurs, un peu ivres aussi mais de bonnes personnes ; et surtout la nouvelle recrue, Carrotte, un garçon costaud d'un mètre quatre-vingt qui vient de découvrir que ses parents nains ne sont pas ses parents biologiques (qui aurait pu prédire ?). Ces personnages vont évoluer au fur et à mesure des romans, mais garderont toujours une partie de leur hilarante personnalité. Mais n'oublions pas non plus en arrière plan le Patricien, ce dictateur, euh, Premier Citoyen, aux nerfs d'acier et au calme  glacial davantage terrifiant que la plus sonore des colères (on t’a reconnu, Roboute) ; aussi Lady Ramkin, une sorte de Viking qui adore les dragons des marais (comme l'attachant Errol) ou figures récurrentes du Disque-monde, dont Planteur J.M.T.L.G., pour la toute première fois. Quelle équipe !

Le roman - selon les propres mots de l'auteur - est un hommage à tous les gardes et soldats qui font simplement leur travail et qui finissent généralement par être tués par tel ou tel Héros. Parfois simplement parce que le scénario l'exige, les pauvres. Dans cette histoire, on trouve des dizaines de clins d'œil à des stéréotypes, sous forme de parodie : la princesse et le dragon, les tavernes des nains ivres, la recherche du héros qui doit sauver le Royaume l'épée à la main et même un délicieux moment où les Dieux du Disque jouent, littéralement, avec les destinées des mortels... Le tout avec les sentences lapidaires d'un Pratchett au sommet de sa forme :  réflexions sur la monarchie (un commun rejet formant un lien électrique mais solide et jamais démenti entre le Patricien et ce Wokie de Vimaire), la lutte des classes, le sens du devoir et surtout le pragmatisme comme unique manière de diriger une cité ingouvernable. Les Annales du Disque-Monde ont cette particularité : elles utilisent l'humour et la fantaisie pour discourir de problèmes existentiels ayant accompagné l'Humanité depuis des siècles, sur une multitude de chemins tortueux.

On a ici un roman choral, traitant de thèmes universels au sein d’un monde des plus improbables et se servant de cette incongruité pour rendre son discours limpide, agrémenté du meilleur non-sense anglais. On l’aura compris, j’aime beaucoup Au Guet, d’où une certaine violence face à sa trahison sérielle en 2021, mais il s’agit d’un sujet encore plus effroyable à évoquer que l’Adeptus Arbites.


Dernière édition par Estuaire44 le Sam 12 Oct 2024 - 23:17, édité 2 fois
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Message  Dearesttara Sam 12 Oct 2024 - 21:49

J'ai lu deux fois ta brillante analyse pour bien m'en pénétrer, merci du fond du cœur. Le roman est en effet rempli à ras-bord de richesse thématique, d'ambition et d'humour, c'est sans doute un des plus ambitieux opus de Pratchett Very Happy
Par curiosité, le fleuve le plus létal de fantasy est lequel ?
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Message  Estuaire44 Sam 12 Oct 2024 - 22:39

Alors je dirais qu'il s'agit du Grand Fleuve Mortis, l'équivalent du Nil dans la version morte-vivante de l’Égypte au sein du Vieux Monde de Warhammer. Au moins, quand le temps est sec, l'Ankh on peut lui marcher dessus.

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Message  Camarade Totoff Dim 13 Oct 2024 - 7:24

Sinon il y a l'Acheron et ses morts qui grouillent dedans et vous tirent au fond si vous essayez de passer sans payer Charon.
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Message  Dearesttara Lun 14 Oct 2024 - 0:34

Et le miracle survint, Le Neveu du magicien, 6e volume des Chroniques de Narnia de C.S. Lewis est enfin le chef-d’œuvre que j'attendais. Malgré les justes réserves émises par le Camarade, je dois avouer avoir à peu près tout aimé dans ce tonitruant prequel, où Lewis est au pic absolu de ses pouvoirs de conteur. Ma soirée s'est déroulée comme un rêve.

Si Lewis revient à la portal fantasy des 4 premiers livres ainsi que pour la troisième fois consécutive à un duo mixte d'enfants, son écriture est durant sa première moitié remplie d'un décapant souffle héroïque, tout en renversant les clichés : le vieux mentor est en réalité une horreur égoïste, le monde enchanté est en réalité agonisant, et la terreur venue d'ailleurs faisant irruption dans notre réalité récolte des résultats pas forcément attendus ! Surtout, Lewis se frotte à la description de l'étrange, ce qui n'est pas habituel dans les Chroniques de Narnia. Mais entre ce Bois servant de passage entre les mondes (idée de génie) et le monde désolé de Charn, c'est une sorte de déstabilisation que vise Lewis, précipitant Digory et Polly non dans l'émerveillement mais l'angoisse. Surtout, alors que Narnia a souvent eu affaire à des méchants en carton, l'oncle crapoteux et la Sorcière 1.0 se montrent autant des méchants grand train que des sources de comique quand leurs masterplans foirent en beauté, sans rien enlever de leur menace. Un adroit équilibre qui s'étend aussi aux héros du jour, plus ambivalents et sujets à la faute que les proprets enfants précédents (ou suivants chronologiquement parlant). Davantage que la contrition hâtive d'Edmund, la confession douloureuse de Digory m'a paru plus forte. Le soin apporté aux personnages est certes loin des modèles du genre — la psychologie n'est pas le forte du cycle — mais quelle amélioration comparées aux silhouettes qu'on s'est fadés pendant 5 livres ! Coup de coeur pour Polly, considérablement plus active que ses consœurs.

Le twist central de la Création de Narnia était un risque car arrêtant net la palpitante cavalcade entre les mondes des protagonistes, tout en évacuant la plupart de menaces, mais là, Lewis nous renverse et nous fait rien moins que sa propre Ainulindalë, Aslan remplaçant Eru en tant que compositeur et chanteur originel. Si sa prose est évidemment loin des fleuris sublimes de son vieil ami Tolkien, il le surpasse sur un autre point, qui a toujours été son point fort : son génie pour l'enchantement. Je ne pensais pas que Lewis dépasserait L'Odyssée du Passeur d'Aurore mais je vais être honnête, j'ai vibré tout le long de la Création de Narnia, j'ai ressenti la même majesté, la même sidération, la même joie quand j'ai vu ce monde s'ouvrir à la vie. Et alors que le récit aurait pu s'immobiliser, Lewis le relance grâce à la terrible épreuve morale que la Sorcière lance à Digory. A un degré supérieur à la tentation du nihilisme du Fauteuil d'Argent, ce face-à-face se montre haletant, où en définitive c'est bien l'amitié et la foi qui triomphent face à... l'amour mais un amour qui aurait été perverti d'entrée. Pourtant, qui à la place de Digory aurait pu honnêtement prendre la bonne décision, du moins jusqu'à l'erreur fatale de Jadis ?

Par les déclarations de Fraise/Fledge, Lewis affirme le mystère de la foi comme quelque chose devant se vivre en pratique, en face des tentations les mieux intentionnées. Plus que jamais, Lewis clame l'importance du libre-arbitre, d'une foi ne pouvant se vivre que par l'action (et non pas juste la prière), et de se jeter tout entier dans l'amour total, même s'il paraît moins avantageux au premier abord, même si la peur nous domine au point de plonger librement dans la surdité à ce message, comme cela arrive à Andrew. Qu'on y soit sensible ou pas, cela reste une vision bien plus positive et libératoire de la religion que nombre d'écrits religieux plus premier degré. On retrouve bien sûr l'amour de la campagne et la nostalgie d'une Nature encore pure perceptibles dans le 1er livre, tandis que Lewis raccorde très élégamment les fils avec sa trilogie originale (le coup du réverbère et de l'arbre Narnio-Terrien). Décidément, lire dans l'ordre de publication paye. Assez étonnamment, il revisite la fameuse pomme du Jardin d'Eden mais en tire tout autre chose, de manière plus originale que la reprise littérale (certes excellemment troussée) d'His Dark Materials ! Mon seul reproche au roman serait qu'on n'assiste pas à l'évolution vers la sagesse de l'oncle, expédiée en deux lignes, ou qu'Aslan se montre un peu sévère envers Digory qui n'a techniquement pas fait grand-chose de répréhensible.

J'ai lu Le Neveu du Magicien comme un mini-Silmarillion pour tous les âges, où Lewis fait oeuvre de Mythopoeia avec son sens à peu près inégalé du Merveilleux. La Création de Narnia demeure à mon sens un des plus beaux mythes que je connaisse, digne des peuples antiques. (****)
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Message  Estuaire44 Mar 15 Oct 2024 - 10:43

Pas lu celui-ci, mais merci pour la découverte, c'est passionnant ! Je le mets sur ma liste !
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Message  Estuaire44 Mer 16 Oct 2024 - 10:28

Les meilleurs romans de fantasy LGBT selon nos amies les Mary Sue. Je n'ai lu que La Main gauche de la Nuit, effectivement un chef d’œuvre.

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Message  Dearesttara Mer 16 Oct 2024 - 12:05

*Prends frénétiquement des notes
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Message  Camarade Totoff Mer 16 Oct 2024 - 13:45

Je n'ai lu que Carmilla qui est très bien. A dispo.
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Message  Dearesttara Mar 5 Nov 2024 - 14:19

On peut reprocher pas mal de choses à Jeux d'ombres, tome 4 de La Compagnie Noire de Glen Cook, notamment une incapacité à vraiment tourner la page des Livres du Nord pour ce nouveau diptyque. Mais on ne peut lui reprocher sa maestria autour des deux personnages principaux, qui portent sans faiblir cette nouvelle mission sur leurs épaules.

Bien qu'il s'agisse de la 1re partie d'un nouveau diptyque (ou triptyque si on y compte La pointe d'argent), Glen Cook ne parvient pas à dire au revoir aux fascinants asservis tout-puissants et si croustillants qu'il a créés. Le running gag de leurs résurrections empêche cette nouvelle aventure de prendre son identité. Cela s'étend aux nouveaux méchants, ces maîtres d'ombres censés être menaçants, mais qui se font voler la vedette par eux. Ces nouveaux méchants sont le point faible de l'ouvrage, Cook les enveloppe de mystère mais en reste là, ce sont littéralement des silhouettes et rien d'autre. La Compagnie Noire souffre aussi de se voir privée de quête au début, et durant toute la première moitié déambule sans but dans un roman d'aventures en pilotage automatique. Contrairement aux romans précédents, les guests du jour, un quatuor poisseux et douteux, restent à des croquis sans grande dimension.
Le twist voyant la Dame n'ayant pas totalement perdu ses pouvoirs évoque en écho le sort des Aes Sedai calmées puis (partiellement) guéries par Nynaeve dans La Roue du Temps, mais Robert Jordan avait suffisamment développé son worldbuilding auparavant pour que ce rebondissement ne paraisse pas facile ni venant de nulle part, ce n'est pas le cas ici.

Ces défauts se voient heureusement compensés par l'évolution de la Compagnie Noire après avoir été décimée à la bataille des Tumulus. Le cœur (Toubib, Qu'Un Œil, Gobelin) qu'on a tant appris à apprécier demeure et les nouvelles recrues se greffent naturellement, tous en solidité et en force (coup de cœur pour Mogaba et l'ambiguïté de Crapaud-Le-Génie). Les mercenaires passent, l'esprit demeure. Si elle se reconstitue, on sent à chaque page La Compagnie au bord de la destruction, même si elle roule des mécaniques pour donner le change. Quand Toubib dit qu'une guerre se gagne à moitié au bluff, je me demande si c'est moins une vérité que de l'autopersuasion tant la Compagnie s'y raccroche pour ne pas se faire bouffer. J'ai remarqué que Cook sollicite davantage les deux sorciers de la Compagnie, comme si à son plus bas niveau, sa survie ne dépendait que de la magie de Gobelin et Qu'Un Œil (je vous fiche mon billet que sans eux, la Compagnie serait déjà rayée de la carte). Le duo est toujours dans sa haine mutuelle, mais ici elle dépasse plusieurs degrés, mettant à mal les fondations de la Compagnie. Les galéjades rigolardes sont mises au placard, remplacées par une haine froide prête à exploser. Ajoutez une lourde ambiance de menaces, d'obscurité, de mort et de folie latente et le roman nous tient en son pouvoir d'un bout à l'autre, grâce aux descriptions toujours magistrales de Cook.

Surtout, Jeux d'ombres est porté par le couple joyeusement mal assorti entre Toubib et la Dame. Et là, c'est festival à tous les étages. Les pointes comiques et le running gag d'une consommation charnelle empêchée assurent quelques moments de détente bienvenues dans ce qui est une plongée en eaux troubles dans les doutes existentiels des deux compères.

A ma gauche, un médecin-annaliste devenu Capitaine et devant gérer à lui seul la survie de sa Compagnie mais aussi de Taglios. A ma droite, une ex-magicienne toute-puissante n'ayant plus que ses souvenirs comme trésor. C'est bien simple, je me suis régalé des interrogations, des improvisations, des mélancolies de Toubib, philosophe amer et sans pitié mais bien plus humain qu'il veut nous le laisser croire. Devenu chef sans qu'il l'ait voulu, il prend sa charge et multiplie exploits et imprécisions, avec une autocritique brutale qui nous le rend émouvant.
Quant à la Dame, elle aurait pu n'être qu'une simple femme déchue amoureuse de Toubib, ce qui aurait été un traitement humiliant d'un personnage autrefois tout-puissant. Mais Cook déjoue brillamment ce piège. Sans pouvoir mais pas sans ressources et ayant gardé un esprit retors, la Dame mène aussi son propre agenda et choisit d'elle-même quand soutenir son homme et quand jouer cavalière seule. Un équilibre parfait. Loin d'être descendue de son piédestal, la Dame reste une figure forte et fascinante, qui a gardé tout son aura. Sa relation avec Toubib entre franchise blessante et tendresse ouatée se montre excitante à explorer. Le terrible cliffhanger final est également une nouveauté : jamais la Compagnie ne s'est trouvée si mal en point, sa réputation d'invincibilité en prend un coup. Je ne parle même pas de Toubib, dans de sales draps. La suite promet d'être épique... et saignante. Chouette. (***)
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Message  Estuaire44 Mar 5 Nov 2024 - 17:37

Merci pour cette critique une nouvelle fois écrite avec saveur !

Khatovar, the Road Movie (à ne pas confondre avec Catho War, ça c’est W40K). J’ai bien aimé le côté itinérant du récit, qui apportait une certaine nouveauté à la saga. Un épisode de transition plutôt bien mené, comme on dirait pour une série, malgré un scénario peut-être moins dense qu’en saison 1 et un temps de mise en place sans doute inévitable, mais où le relationnel apporte un secours bienvenu. Nos amis Shippers se seraient sans doute passionné pour la relation Toubib et la Dame (et non pas Madame, terme que je trouve assez connoté BMC), avec son mélange d’attirance et de méfiance. Les étapes du voyage renforcent cette impression de regarder une série télé, où l’auteur sait se débrouiller pour éviter les temps morts et intégrer les nouveaux venus, à défaut d’être aussi épique façon Grimdark  qu’on aurait pu l’espérer. J’ai aussi apprécié que l’on voyage aussi à travers le Temps, ce retour aux origines de la Compagnie s’agrémentant d’une découverte de l’histoire de celle-ci.

La richesse assez incroyable du personnage de Toubib assure l’unité d’une série toujours centrée sur la sombre condition de mercenaire, avec une boussole morale aussi malaisée que précieuse  à maintenir. La grande idée du roman est de transformer une faiblesse en force (ce que doit savoir faire tout scénariste digne de ce nom), en saisissant l’opportunité d’une relative linéarité de l’action et du nombre réduit de personnages afin de creuser le passionnant portrait de celui qui devient plus que jamais le protagoniste du show.Capitaine, mon Capitaine, comme disait Q, l’éternel socle sur lequel tout repose. La seconde partie passionne moins, notamment parce que je suis bien d’accord que les antagonistes ne paraissent pas les plus passionnants qui soient. Ils auraient dû apporter un second souffle au récit, mais ne parviennent à égaler ceux du Nord, la Picardie c’était plus fort. La mise en place du final m’a semblé également un rien laborieuse.

Cet heureux temps où la Compagnie Noire aurait pu devenir une série télé :
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Message  Dearesttara Mar 5 Nov 2024 - 18:37

Merci Estuaire cheers C'est vrai que le côté road movie, par sa structure épisodique, est souvent inégal, mais Cook a compris qu'avec la puissante ancre que sont Toubib et la Dame, il pouvait maintenir l'attention. J'ai trouvé pas mal la 2e partie, pour son côté guerre de tranchées virant à la boucherie — dans la Compagnie, ça s'appelle mardi — et le running gag du couple ne sachant jamais s'ils veulent se bouffer le nez ou... autre chose. Toubib est bien parti pour être un de mes personnages favoris de fantasy.
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Message  Estuaire44 Mar 5 Nov 2024 - 19:17

Il le mérite, c'est vrai !
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Message  Dearesttara Dim 10 Nov 2024 - 22:58

Avec La Dernière Bataille, 7e tome du Monde de Narnia, C.S. Lewis clôt sa grande œuvre sur son roman le plus chaotique, étonnamment sombre dans ses trois premiers quarts, avant qu'un torrent final de pure beauté achève le cycle sur une somptueuse note d'émotion.

La Dernière Bataille se lit comme un miroir du Neveu du magicien, où dans les deux cas une aventure palpitante s'enchaîne à une apocalypse : la création du monde dans l'un, la destruction de ce même monde dans l'autre. Avec le recul, je connais bien peu d’auteurs à part Tolkien ayant narré le commencement et la fin d'un monde. Cependant, la réussite paraît moins évidente car la partie aventure est un b ordel total. Bon, on ne s'ennuie pas tant le rythme est mené à tombeau ouvert, avec une succession de rebondissements inattendus. Si on n’est pas dans Warhammer, on a tout de même massacres, esclavages, génocides et dieux infernaux tous droits sortis du Warp ; le côté "fantasy pour enfants" peut largement se faire la malle. Alors que l'action a toujours été le point faible de Lewis, celui-ci fait étonnamment bien le job lors de l'éponyme dernière bataille. Elle ne rentrera pas certes dans les annales des grandes batailles de fantasy mais ça fait du bien pour une fois de lire des mouvements stratégiques, des bastions désespérés, et même un peu d'hémoglobine qui tâche.

Mais il faut bien reconnaître que ce souffle d'action est sévèrement miné par deux défauts. Le premier est que Lewis retombe dans le racisme du Cheval et son écuyer avec une description uniformément négative des hommes noirs calormènes tous plus puants les uns que les autres (sauf un, oui Lewis a inventé les tokens). A ce niveau, ça devient franchement embarrassant. On rigole bien quand on réalise que le Dieu des calormènes n'est autre que Satan lui-même (Tash, c'est Morgôth mais moins subtil), la barque est si chargée qu'elle creuse le plancher de la mer à ce stade.
Par contre, la fameuse polémique à propos de Susan me paraît un pétard mouillé. On a reproché à Lewis d'être sexiste d'avoir exclu Susan de Narnia parce qu'elle choisissait de devenir plus féminine et de s'intéresser aux garçons. Les personnages nous expliquent littéralement qu'elle a perdu la foi de son enfance et se réfugie de son propre choix dans une vie adulte rejetant toute réf à l'enfance. Le maquillage, le matérialisme superficiel, tout ça ne sont que l'expression de son rejet. Et c'est oublier la bravoure de Jill, autant une femme d'action que les hommes du roman. C'est très évident en lisant le texte, le moins subtil de Lewis, ce qui nous amène à son défaut majeur.

Tout le long des livres de Narnia, les métaphores et thèmes chrétiens réussissaient un bel équilibre entre justesse des parallèles et "le christianisme pour les nuls". Par contre dans La Dernière Bataille, la transposition de l'Apocalypse est beaucoup trop littérale. On retrouve à peine déguisés l'Anti-Christ, la perte de la foi des hommes, le faux prophète libéré puis ré-enchaîné, le monde à feu et à sang, le jugement dernier, la Jérusalem Céleste, le jardin d'Éden (la demeure d'Aslan)... enfin bref, c'est une transposition ultra-littérale qui finit par être pénible, le style brillant de Lewis n'y pallie pas tout à fait. Quand je vois Pullman se plaindre que Narnia est prosélyte, je n'approuve pas mais je comprends (quoique venant de l'auteur d'A la croisée des mondes, c'est l'hôpital qui se fout de la charité), je vois plus ça comme une écriture lourde.

C'est dommage car en-dehors de ça, Lewis continue son exploration de la foi comme quelque chose devant se vivre par l'action, que ce soit par la résistance de Tirian (tellement plus intéressant que Caspian), le courage d'Emeth, la spontanéité des "Amis de Narnia", etc. Lewis se montre aussi très fin sur le phénomène sectaire. Le roman charge ceux qui manipulent la religion ou son absence pour se comporter en dictateur, à grands renforts de gaslighting, d'écrans de fumée et de sophismes, c'est encore plus efficace que la sorcière du Fauteuil d'Argent. Quant aux nains, ils sont au cœur d'une des plus impressionnantes représentations de prison mentale. Aslan ne peut forcer le libre-arbitre de chacun. Peut-être le moment le plus remarquable est l'échange entre Aslan et Emeth, car Lewis ose pour une fois s'écarter du dogme chrétien. Pour Lewis, il n'est pas nécessaire d'être chrét... euh de croire en Aslan pour mériter le paradis, mais d'avoir vécu dans des convictions vertueuses et sincères. Le dialogue est à mon sens ce que Lewis a écrit de mieux dans son heptalogie, un fort moment d'émotion.

Et bien sûr, La Dernière Bataille vaut surtout pour la spectaculaire fin de Narnia concluant l'ouvrage. J'ai été soufflé mais Lewis a réussi à renouveler l'émerveillement de la création de Narnia dans Le Neveu du Magicien. J'ai été renversé par la pure beauté de cette fin du monde, dantesque, effrayante, sublime, où Lewis multiplie les sortilèges d'enchantement pour nous tenir dans une position d'adoration stupéfiée. Avec les nombreux callbacks aux romans précédents, Lewis ajoute une couche d'émotion à son apocalypse, qui redouble quand nous découvrons enfin, dans toute sa plénitude, le monde d'Aslan. Je n'ai pas pleuré, mais j'ai eu la gorge serrée devant tant de beauté écrasante. Lewis est un magicien des mots, bien peu auront réussi à me subjuguer rien qu'avec son art de la description. J'ai lu ce dernier quart avec des galaxies dans les yeux, avec pour seul obstacle le twist final, très à la Twilight Zone, mais pour lequel je suis divisé, on peut le juger de façons très différentes. Qu'importe, La Dernière Bataille est un sombre mais épique roman d'aventures, imparfait mais prenant, dont la conclusion mythique m'aura terrassé d'émerveillement. (***)
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Message  Estuaire44 Lun 11 Nov 2024 - 0:40

Merci pour cette critique particulièrement aiguisée et bien écrite, je n'ai pas lu le roman mais il semble aussi ambitieux qu'audacieux. Un de plus sur la liste !

J'ai bien aimé la référence bucolique à Warhammer, elle est d'autant plus judicieuse qu'en 2015 GW a bel et bien détruit le Vieux Monde (sa version Fantasy), après l'avoir créé en 1983 et constamment développé depuis. Les Quatre ont enfin vaincu les Humains et leurs alliés, et le Chaos a littéralement annihilé le monde... Avant que celui-ci ne soit rebooté à l'occasion de la sortie d'une nouvelle version de l'univers et du jeu de figurines, Warhammer Age of Sigmar succédant à Warhammer Fantasy Battles. Certains diront que ce fut pour relancer massivement les ventes, mais ne soyons pas cyniques. Perso j'en suis resté au Vieux Monde, que j'aime bien tel qu'il est. D'ailleurs des romans de la Black Library continuent à sortir concernant ce dernier, certains diront que GW ne néglige aucune source de bon pognon, mais ne soyons pas cyniques.
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Message  Dearesttara Lun 11 Nov 2024 - 1:27

On peut soigner et le lore et les rentrées d'argent, GW sait mener l'utile à l'agréable Laughing
Si je comprends bien, avec la parution cette année de Warhammer The Old World, il y a en fait coexistence de Warhammer fantasy et de Age of Sigmar ? Je ne m'attendais pas à une Marvellisation du jeu...
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Message  Estuaire44 Lun 11 Nov 2024 - 1:58

Oui, récemment le Vieux Monde est de retour, de manière encore très partielle. l'extension Empire ne sera proposée qu'en 2025. La chronologie des deux mondes demeure inchangée, Warhammer The Old World prend place avant la Fin des Temps, AoS après. On a quelque chose de similaire avec W40K, avec une édition "contemporaine" (l'ère Indomitus), et une "antique" avec une relance récente de l'Hérésie d'Horus. Tout ce qui peut se vendre sera vendu.
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Message  Camarade Totoff Lun 11 Nov 2024 - 13:29

J'aime beaucoup le concept d'une histoire après la "Fin des Temps". En féru d'histoire, cela me rappelle le concept de "Fin de l'Histoire", autrefois défendu par Francis Fukuyama.

Sinon, la critique est excellente, agréable et elle m'incite à remettre un coup de collier dans la lecture de Narnia. J'ai commencé "Le cheval et son écuyer" et je dirais que sa lecture m'inspire des sentiments...mitigés.

Merci d'avoir lu toute cette saga et merci pour tes critiques constructives, lucides tout autant que savoureuses et qui aiguisent l'appétit et l'esprit critique.
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Message  Dearesttara Lun 11 Nov 2024 - 18:14

Les torrents de compliments font chaud au cœur, sois assuré que je me délecte autant de lire tes critiques aussi cheers
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Message  Camarade Totoff Ven 15 Nov 2024 - 14:49

J'espère que Dear ne m'en voudra pas mais j'ai adoré à nouveau Trois Soeurcières de Terry Pratchett.

A nouveau parce que c'est la seconde lecture de cet opus mais, convaincu par une âme charitable, j'en ai repris la lecture dans l'ordre (et c'est important l'ordre).

Déjà, il y a le plaisir d'avoir Mémé Ciredutemps comme personnage ; c'est quasiment une garantie de bonne lecture (quasiment puisqu'elle figure dans le médiocre La Huitième Fille mais c'est pas de sa faute si le roman n'est pas très bon). Le roman développe le rôle des sorcières et ce ne sont pas moins de trois représentantes de ce digne ordre qui sont présentes. La troisième et dernière, dont c'est la première apparition, est Magrat Goussedaille (rien que les noms sont des bijoux !), la sorcière "romantique" ; celle qui veut agir comme elle pense qu'il faire le faire. Disons qu'elle veut faire comme le public imagine que font les sorcières mais Mémé la recadre vertement (et Nounou plus diplomatiquement). Utiliser la magie c'est un truc de mage donc inutile quand la "têtologie" fonctionne tout aussi bien (voire mieux). Pourtant les sorcières useront de la magie en déplaçant le royaume de Lancre de 15 ans dans le futur ! Remarquez, quand les Français se sont couchés le 9 décembre 1582, ils se sont réveillés le 20 décembre ! Mémé et Cie ont juste poussé un cran au-dessus. Toutes les scènes avec les sorcières sont des régals ! J'aime bien celle où elles ramassent du bois pour guider la troupe théâtrale qui finit par comprendre le truc !

C'est le cœur du roman et une des réussites de Pratchett : avoir pris un thème, ici le théâtre, et avoir brossé une intrigue qui le mette en valeur. Il nous présente une troupe fort sympathique et ses conditions de vie pas évidentes mais jamais avec misérabilisme. Le théâtre est aussi présenté comme quelque chose de magique puisqu'il représente la vie sans l'être mais en s'en faisant la projection idéalisée ou critique. Le règne de Kasquett est d'abord renversé métaphoriquement avant de l'être réellement. Raffinement britannique oblige, c'est Shakespeare qui apporte le supplément d'âme. D'une part, parce le roman est une parabole de la pièce écossaise et, d'autre part, parce que c'est la vie et l'œuvre du "Barde" qui sont transposés comme des éléments de l'action et non simplement décoratifs. Je regrette que ma connaissance de l'œuvre shakespearienne soit mince et presque uniquement livresque mais il me semble avoi repéré des allusions à "La Tempête" (hilarante description d'une tempête qui s'est rodée en province avant d'éclater à la capitale) et à "La Nuit des rois". Le coup du spectre du roi est sans doute aussi une référence mais, là, elle m'échappe.

Pratchett en profite aussi pour tordre le cou à la "destinée" et aux "prophéties" puisque le roi désigné refuse la couronne ! Il n'en veut pas parce qu'il ne s'en sent pas capable et qu'il veut jouer au théâtre. Transmis à nos amis de la Roue du Temps qui vivent dans le fatalisme.

J'ai aussi aimé la dimension "romantique" avec l'idylle compliquée entre le Fou et Magrat. C'est touchant de maladresse et de sincérité. Ce sont aussi deux personnages contrariés puisqu'aucun des deux n'a choisi sa vie et que, pourtant, ils essayent d'en faire quelque chose et de faire de leur mieux. Liberté, responsabilité ; ces thèmes résonnent dans ce roman qui est un des plus réfléchi depuis le début des Annales.

Bien qu'il y ait du fond et du sérieux, ce roman abonde d'humour et, comme toujours avec Pratchett, c'est imaginatif, hilarant, ironique ; bref, entre le vivant qui se croit mort malgré ce que lui dit la Mort, le chat que Nounou voit comme un gentil chaton et qui est une grosse teigne ; la chanson du Hérisson et j'en passe, on ne s'ennuie pas une seconde !

****
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Message  Estuaire44 Ven 15 Nov 2024 - 16:27

Excellente analyse, merci !
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