Romans de Fantasy
CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR - LE MONDE DES AVENGERS :: Le CAFÉ Avengers (Ouvert sous modération)
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Re: Romans de Fantasy
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
Ce qui frappe tout d’abord, ce sont les nombreuses similarités avec « Le Seigneur des Anneaux ». L’ouverture ressemble à un copier/coller (y compris le feu d’artifice, même si seulement évoqué ici). Même contrée agreste, même communauté repliée sur elle-même, peu ouverte aux autres, même groupe d’amis, même intervention d’un « magicien ». L’attaque des Trollocs ressemble à celle des Nazgûls. Même dislocation de l’équipe avec ce point commun que les garçons, qui sont les proies des forces du Mal, ne sont pas avec le sachant du groupe. Pas plus que Frodon et les siens, Rand et ses amis n’ont d’autre choix que de fuir. La principale différence mais elle est de taille entre Robert Jordan et JRR Tolkien, c’est le nombre et la qualité des personnages féminins. Une autre, c’est l’image positive des villes. Par contre, il y a critique implicite de la destruction de la nature par les hommes (dit l’Ogier à propos des bosquets). Une autre comparaison avec Tolkien, le passage par le Clemm et les souterrains envahis de ténèbres qui font penser à la Moria. Là aussi, il est question d’un pont. Similarité encore entre l’Homme Vert et un Ent.
D'autres références affleurent comme celle du tissage de la trame qui fait penser à la trilogie de la « Tapisserie de Fionavar » de Guy Gavriel Kay. Ou encore les Aes Sedai qui font penser un peu aux Sœurs de la Lumière de Terry Goodking dans « L’épée de vérité »; impression renforcée par la mention de l’Ajah Noir qui fait penser aux Sœurs de l’Obscurité. Ajoutons qu’elles recherchent des femmes mais traquent les hommes disposant d’un pouvoir similaire. Il est intéressant que ces personnes aussi puissantes soient aussi méprisées. C’est qu’elles ont accès à une réalité différente et ne s’abaissent pas à l’expliquer. Il n’y a rien de plus agaçant que quelqu’un qui vous fait comprendre qu’il vous est supérieur, qui affirme qu’il a toujours raison et que vous devez lui obéir puisque lui sait, et vous non ! L’image des Aes Sedai est donc celle d’une secte intolérante.
Si on s’intéresse un peu plus aux personnages, la comparaison avec Tolkien est encore plus évidente. Rand, tout comme Frodon, est quelque peu transparent. C’est celui qui paraît le moins caractérisé et que les aventures changent peu. Rand n’est jamais présenté comme un héros ou un leader. Par contre, à Shadar Logoth, il prend une décision et ses amis le suivent naturellement. Perrin s’aguerrit et acquiert le pouvoir de communiquer avec les loups. Mat est le plus agaçant du lot. C’est une cervelle de moineau, incapable de tenir sa langue, de comprendre son environnement ; il ne réfléchit jamais, n’a pas de méfiance (du moins quand il est dans son état normal), naïf et incapable de tenir en place. Sa bêtise fait qu’on n’a pas la moindre compassion pour la tuile monumentale qui lui tombe dessus après Shadar Logoth. Quelque part, il l’a bien cherché ! Qu’il assume ses actes pour une fois ! C’est dommage que Moiraine le sauve.
Le personnage de Nynaeve est un des plus intéressants parce qu’il est plus que ce qu’il paraît être au départ et il évolue. En revanche, la révélation d’un attachement sentimental à Lan arrive comme un cheveu sur la soupe. Le portrait de Moiraine, l’Aes Sedai, n’a, lui, rien de particulièrement sympathique : « experte dans l’art de changer de sujet, de tendre des pièges verbeux » (je cite). La rétention d’information est sa marque de fabrique. On comprend par la suite que son volontarisme est une sorte de désespoir puisque essayer est la seule chose qui puisse éviter la catastrophe.
Le nom de « Ba’alzammon » est intéressant puisqu’il paraît faire référence à Belzébuth (donc un démon). Il fait référence également au « Grand Reptile ». Coïncidence, dans sa saga « L’Autre Monde », Maxime Chattam a un personnage nommé « Balthazar » qui apprécie beaucoup les serpents. La description longue des cauchemars est oppressante et captive le lecteur. Notons que seuls les cauchemars de Rand sont décrits alors que Perrin et Mat sont censés les subir également. Ils sont à chaque fois longs, réalistes et même trop réalistes pour ne pas paraître réels. Sont-ils une « réalité alternative » ? Ou bien, à l’instar de l’empereur Jagang dans « L’épée de vérité », Ba’alzammon marche-t-il dans les rêves ? Il évoque également Rand comme s’ils s’étaient rencontrés à plusieurs reprises. Y a-t-il réincarnation ?
Lorsqu’il prend le risque de séparer les personnages, le récit acquiert une densité supplémentaire puisqu’à la fois, on se demande s’ils vont pouvoir se retrouver mais cela permet aussi de donner à chaque personnage une existence propre. C’est une force de ce roman que d’avoir des personnages bien identifiés. L’ouvrage prend aussi son temps en racontant les différents voyages après la séparation. Le lecteur ne sait donc pas lequel des trois garçons est la « vraie » cible – d’autant que ni Moiraine ni Ba’alzammon ne le savent eux-mêmes ! C’est tout de même paradoxal d’être lancé à la poursuite de quelqu’un sans connaître cette personne !!
Une scène intéressante est l’excellente description de « lassitude morale » lorsque les personnages sont à Camlyn : ils ne sont pas des héros et ne le sont pas devenus. Ce qui rend le récit crédible et les personnages attachants (sauf Mat et Moiraine évidemment). Le portrait de Lan est très touchant même s’il arrive tard dans le récit ou peut-être est-il touchant parce qu’il arrive tard.
J’ai trouvé captivant et particulièrement intéressant le passage sur la fin où Rand proclame son libre-arbitre. Tout comme Richard Cypher de son côté, il récuse ouvertement que quiconque puisse décider pour lui et, de fait, il renvoie dos à dos Moiraine et Ba’alzammon, pas si différents quelque part puisque tous deux prétendent régenter la vie de Rand en vertu de « ce qu’ils savent », ou prétendant que "cela doit être" et sans se soucier de ce que pense le jeune homme.
L’histoire pourrait s’arrêter là mais qu’il y ait une suite est hautement passionnant. Tout au long du roman, la lecture aura été agréable. C’est toujours intéressant même dans les temps faibles. L’auteur sait toujours nous intéresser et nous dire, comme pour ses héros, que ce sera mieux après. Merci pour la découverte ! (****)
Il ne me reste plus qu'à trouver un créneau chez mon binge doctor pour espérer avoir ma deuxième dose.
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Mat c'est assez Pippin, je trouve
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Re: Romans de Fantasy
J'avoue avoir été un peu pincé au début car ce n'est pas avant les 250 premières pages que nos héros partent enfin de Tear, après avoir beaucoup parlementé. Heureusement, ce très long prologue fait la part belle à des avancées d'arc très judicieuses, comme le rapprochement - contrarié bien sûr - d'Elayne et Rand, tandis que la magnifique Lanfear prend du galon en tant qu'alliée/adversaire (elle est littéralement l'un et l'autre). Chacune de ces apparitions sont des page-turner garantis. J'espère que la série ne se trompera pas sur le casting, c'est un perso en or. Le volet secondaire de La Tour Blanche contient sans doute ce que je considère comme le premier passage vraiment choquant de la saga avec la chute de la Chaire d'Amyrlin, un châtiment absolument atroce que je n'ai pas absolument pas vu venir. Siuan subjugue en résiliente, mais cette contenance durera-t-elle ? J'ajoute d'ailleurs que la menace des "apaisements" et "calmes" a été fort bien reproduite dans la 1re saison de La Légende de Korra, le spin-off d'Avatar le dernier maître de l'air, où cette ordalie menace en permanence la vaillante héroïne.
Le morceau de choix du volume est évidemment l'expansion du worldbuilding de la saga vers les Aiels, et là mes amis, Jordan nous fait tout simplement sa réécriture de Dune. Les similitudes se ramassent à la pelle : un peuple du désert guerrier, isolé, divisé en clans, faisant des "Pactes de l'eau", vivant dans des forteresses cachées, attendant un messie sauveur-destructeur venu d'ailleurs (ou presque), des rites initiatiques... Les Aiels sont les Fremen de Jordan, mais l'auteur a l'habileté d'en tirer tout autre chose. Même si les Fremen sont une communauté fascinante, je dois avouer que les Aiels m'ont paru encore plus marquants par leur tempérament belliqueux, leurs divisions millénaires, leur histoire si complexe (tellement complexe que Jordan doit y consacrer 2 chapitres entiers). Les interactions très ambivalentes entre Aiels et Muad'Dib, euh pardon Celui Qui Vient Avec L'Aube (rien que ça) sont sources d'étonnants conflits - Couladin n'a pas fini de faire voir à Rand des vertes et des pas mûres, on attend l'explication de gravures, ça va finir en colonnes de feu de joie, personne va comprendre... Rand avance pas mal, son apprentissage de la culture Aielle se montre souvent rude tandis qu'il s'endurcit bien, tout en semant la destruction un peu partout, parce que c'est ça le Dragon Réincarné : il est là pour tout cramer et souffrir en silence, voilà, bonne chance Rand.
Aviendha est évidemment la star du show. Introduite discrètement dans le 3, je suis très fan de ses coups de gueule totalement injustes et bien venimeux au pauvre Rand. J'ai cessé de compter les couleuvres avalées, il aurait réussi à dépeupler l'Inde de serpents à lui tout seul. Notre stoïque ami encaisse avec le sourire, qu'est-ce qu'on se marre.
Le volet de Tanchico doit surtout à l'entrée en scène d'Egeanin, la Seanchanienne prête à tourner casaque. Elle est touchante celle-là, elle apporte toute une nouvelle dynamique au duo Elayne-Nyaneve, qui demeure assez peu changeant. Elle permet à Elayne de manifester plus d'autorité - bon, je la trouve toujours aussi inutile - à Nynaeve de se la jouer Hulk (le duel contre Moghedien pétille comme il faut), tout en avançant son arc à elle, quand les mensonges de son royaume se brisent un par un. Au-delà d'une plaisante guerre des sexes entre mâles empressés et femelles autoritaires, c'est de la bonne infiltration dans les règles de l'art.
Perrin "Yeux Jaunes" a également son heure de gloire. Tout en appréciant les chamailleries hilarantes avec Faile très Maddie-David, le volume marque définitivement sa prise de conscience de Ta'veren. Le retour au pays ne se fait pas dans la joie et la bonne humeur. Deux-Rivières est en guerre, Les Capes Blanches leur cassent les nougats menu, c'est un fantastique récit guerrier, riche en stratégies, gambits, où comment il suffit d'une seule flamme, une seule personne pour embraser le sang de tout un peuple et l'inciter à se battre pour sa liberté. C'est cliché ? Oui mais c'est bô, et c'est fait avec un sens de la psychologie des personnages régalant, Perrin devenant un héros alors qu'il s'acharne à ne pas l'être.
Peut-être la seule déception du roman est que le triple climax ne m'a pas paru si fort que ceux des trois livres suivants. La bataille contre les Trollocs se dénoue assez vite, pareil pour l'infiltration du Palais de la Panarch. Tandis que le climax Rand est divisé en deux entre Couladin d'un côté et Asmodean de l'autre. Mais cela est rattrapé par un constat inquiétant : alors que les 3 précédents tomes se finissaient sur un happy end total, là, le volet est bien plus trouble : Rand n'a pas réuni tous les Aiels et va devoir gérer les trahisons de son propre camp. Une ombre que j'apprécie, qui me rappelle par certains côtés Le Prisonnier d'Azkaban, sans doute le volume d'Harry Potter où l'impression ténébreuse commence à empoisonner l'atmosphère juvénile même après la fin. Bref, un volume très riche, et une formidable propulsion narrative de la saga. Exquis. (****)
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Comme à mon habitude, légère pause avant de reprendre le cycle.
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Re: Romans de Fantasy
J'ai perçu autant d'éléments excellents qu'irritants dans les débuts littéraires de la jeune Chris Vuklisevic (28 ans). A partir d'une efficace idée de base, le déclin d'une île isolée face à l'arrivée de pirates en 13 jours chrono, l'autrice affirme un style brillant, d'une étonnante maturité, à un storytelling décevant.
On sent de la maladresse dans ce roman "de jeunesse" côté worldbuilding. Centrer l'action sur une grande île occupée par 3 peuples en cohabitation, pourquoi pas, d'autant que l'histoire, la culture, les rites et les secrets de l'île sont authentiquement passionnants. Et c'est là le problème, le roman est un one-shot et on a l'impression de n'avoir gratté que la surface de ce lieu riche au terme du livre, un reproche que je faisais à Dark Crystal par exemple. Le système de magie résulte aléatoire et peu exploré, une meilleure application des lois de Sanderson eut été appréciée. Quant au côté technologique, il est réduit à la portion congrue.
Que l'histoire soit prévisible n'est ici pas un problème, Vuklisevic s'inscrit ouvertement dans la tragédie, on sait très bien qu'on va arriver à la destruction d'une civilisation (y aura-t-il une renaissance de ces cendres ?). Le problème est que la conduite résulte mécanique, avec une progression bien huilée mais sans surprise vers la catastrophe. Du coup, le crescendo progressif d'atrocités (inceste, viol, carbonisation alla Léodagan, mutilations diverses et variées...) semble arriver comme des rustines destinées à regonfler l'intérêt. Si certains moments sont effectivement choquants (GRRM en aurait applaudi certains), l'ensemble tourne au procédé facile. La conclusion s'étire également en longueur. Bref, je ne suis pas convaincu par l'histoire, et le worldbuilding me semble bâclé.
Mais Derniers jours d'un monde oublié se lit sans effort car l'autrice s'appuie sur deux piliers sur lesquelles elle exerce une indéniable maestria, d'autant plus méritoire pour un premier essai. Tout d'abord son style, d'une sobriété épurée, sans fioritures. Le contraste entre la froideur calme du style et des horreurs décrites produit un déstabilisant effet. C'est fluide, agréable, avec des tournures recherchées mais aisées à lire. Le roman se lit en effet rapidement.
Surtout, on sent que la dame a bossé L'anatomie du scénario de Truby - elle le déclare dans les remerciements - car ses personnages sont un miracle d'anti-manichéisme et de complexité. Tous gris, tous gentils et méchants à leur manière, il est impossible d'aimer ou de les détester. A la place, on les suit dans leurs labyrinthes moraux et questionnements éthiques. Aucune caricature : le vieux marchand avide est capable de générosité, la pirate qu'on soutient dans sa quête de liberté, peut perpétrer des actes atroces, La Main, sorcière redoutée de l'île, ne laisse pas sa sensibilité interférer avec la cruauté de ses actes... rien à faire, c'est impeccable, et je souhaiterais déjà avoir un tel niveau de maîtrise pour mes écrits. Mon seul regret est la conclusion décevante de la Capitaine du bateau, mais cela reste mineur. Si le worldbuilding n'est pas à la hauteur, les habitants, tous entre lumière et ténèbres demeurent fort bien écrits. Tantôt lâches tantôt courageux face aux abus des puissants mais aussi des leurs propres. L'autrice évite le piège d'un affrontement facile. Si Sheltel bascule dans la destruction, ce n'est pas à cause des pirates eux-mêmes, mais par leurs propres actes, dévoilés par la présence de ces étrangers. On pense aux Monstres de Maple Street, auquel le livre opère une brillante réécriture. Il y a du Serling chez Vuklisevic dans ce conte moral jamais pesant.
Je reste donc assez embêté, je me vois incapable de choisir entre 2 et 3. Je vais donc noter 2.5/4. Pile au milieu. Le storytelling de Vuklisevic manque de maturité, mais le style et les persos passionnants sont déjà là. J'attends donc avec intérêt ses futurs romans.
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Avec ce second volume, on sent que Robert Jordan a pris confiance en lui. Le modèle tolkienien s'éloigne. Par contre, je trouve toujours des ressemblances avec L'épée de vérité. Rand, tout comme Richard Cypher, déteste les prédictions et autres prophéties. Son épée est singulière (quoique non unique). Les Aes Sedaï ressemblent franchement aux Sœurs de la Lumière et la référence à un Ajah Noir renvoie clairement (si j'ose dire) aux Sœurs de l'Obscurité. "Tout le monde me prend pour ce que je ne suis pas" déplore Rand ; Richard pourrait en dire autant. Ce dernier est par contre plus ferme dans sa revendication d'indépendance. Bien que Rand proclame dès l'ouverture que "quoi que [fera Moiraine] je ne tomberai pas dans le panneau" (p.233), on sait que ce ne sera pas le cas car il est trop prévisible. Si on veut qu'il aille à droite, il suffit de lui dire d'aller à gauche.
Il est quelque part douloureux de le voir revendiquer son libre arbitre alors que chacun cherche à le manipuler, à lui dire ce qu'il doit faire. Le personnage de Selene est intéressant à cet égard car elle est la première à chercher à user de la séduction pour obtenir de Rand ce qu'elle veut mais elle se casse les dents. Seule sa modestie et son réalisme terre à terre le protège de sa séduction. Elle ne cesse de lui parler de la "gloire à trouver le Cor" (l'objet de la "grande quête" au passage) mais il résiste et refuse. Elle s'agace de ce refus : "Un homme qui ne saisit pas la grandeur quand elle se présente mérite de mourir". Très chaleureux ! Mais ce refus de la grandeur, joint à son caractère buté, est ce qui rend Rand "réel". Le personnage a une épaisseur psychologique et humaine à laquelle on s'attache.
Sur ce second volume, on voit moins Mat et Perrin ; ce qui n'est pas dommage pour le premier qui je ne peux pas encadrer et que j'aimerais voir disparaître tellement il m'agace par son immaturité, sa bêtise (à Fal Dara et ensuite, envers Rand) mais il est un élément clé du roman (et plus important que le Cor pour Rand) donc il faut faire avec.
Le passage sur le "Grand Jeu" - le Daes Dae'Mar - est un moment étrange où l'on serait tenté de rire de ces double ou triple sens de chaque mot sauf que c'est très sérieux et mortel ! Pas étonnant qu'un homme simple comme Rand soit dépassé et agacé par ces jeux stériles.
L'entrée en scène des Seanchaniens m'a d'abord laissé perplexe : qu'est-ce qu'ils venaient faire là-dedans ces cocos et qui sont-ils ? La relation qui existe entre une damane et sa prisonnière m'a fait pensé à celle qu'établisse les Mord-Siths de l'épée de vérité et leur "méthode de travail" : briser l'autre par la souffrance pour recomposer sa personnalité. Mais ici, seule la douleur est pratiquée quand le plaisir l'est aussi par les Mord-Siths. Même le nom fait penser à elles puisque la geôlière d'Edgwene s'appelle Renna quand Richard se faisait dresser par Denna ! Le collier fait aussi penser au Rada Han.
Une autre référence m'a fait tiquer : il est dit des Aielles qu'elles sont les "promises de la Lance" et il est question d'une grande coupe en bois. Est-ce une référence au Graal ?
Il est très intéressant de voir que le pouvoir est séduction mais aussi souillure. Ce dernier terme est si souvent employé que j'ai renoncé à en faire le compte. C'est le point commun entre Rand et Edgwene : tous deux savent canaliser le pouvoir de l'Unique, éprouvent une envie délirante de le faire mais tentent désespérément de refuser. C'est particulièrement aigu chez lui et cette séduction le panique. Tout comme son ami, Perrin ne fait usage de son pouvoir qu'à contrecœur.
Le final renvoie au prologue : c'est grâce aux technique apprises de Lan que Rand vainc le Seachanien Turak puis Ba'alzammon. J'ai lu les cent dernières pages d'une traite tellement ce final est haletant, plein de rebondissements, résolument épique.
Pas vraiment de doute sur le choix que fera Rand. En revanche, je suis plus inquiet pour Nynaeve dont la haine compréhensible pour Moiraine (qui n'a pas eu envie de lui en mettre une pour faire disparaître sa suffisance ?) risquerait de lui jouer de mauvais tours par la suite.
(****)
Une grande respiration et je suis prêt à replonger !
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
Je t'amène le tome 3 demain.
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Estuaire44- Empereur
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
Cela va être "Elayne, je m'appel Elayne" encore un bon moment, mais elle va mener ses combats en Andor, tenir un rôle important vis-à-vis de la Lumière mais aussi face aux Deux-Rivières et Perrin... Tout en demeurant Miss Perfect. Dans les romans, parce que dans la série il faudra voir.
Estuaire44- Empereur
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Re: Romans de Fantasy
Spoilers à suivre
Parons au plus faible : la storyline de Siuan, Leane et Logain, c'est du "meh" au mieux. Malgré l'amusante fuite bien opportune du début, leur arc demeure assez faible, si ce n'est pour montrer à quel point Siuan va apprendre l'humilité. Sauf que les joyeuses et riantes retrouvailles avec ses anciennes subordonnées auraient suffi à mettre les points sur les i. Leane joue la séductrice, Logain marmonne dans sa barbe. Bref, mon intérêt est assez faible.
Au risque d'exagérer, l'un des arcs les plus importants du tome, donc la vadrouille de Bonnie "Elayne" et Clyde "Nynaeve" était mi-figue mi-raisin. En fait, elle vaut surtout pour le concours de vannes perpétuelles entre la Fille-Héritière et l'ancienne Sage-Dame, un stand-up frénétique et continu, qu'est-ce qu'on se marre ! Il faut vraiment attendre le tournant choquant du chapitre 34 faisant intervenir une nouvelle playeuse dans la partie (et je dis bravo, ça c'était du révolver de Tchekhov bien caché) pour que l'arc soit relancé. Mais toutes les séquences du cirque m'ont semblé assez gratuites, tandis que Birgitte doit encore se développer. Thom, Uno et Juilin se contentent de passer les plats. Leurs péripéties terrestres se montrent peu originales et même assez passe-partout. La seule bonne idée est ce prophète fanatique qui a tellement d'équivalents dans le monde réel que c'en est douloureux et actuel.
Mais si on s'ennuie sur Terre, il en va tout autrement de Tel'Aran'Rhiod, inépuisable source de surprises. Tout peut y arriver, même le pire, surtout le pire. Alors, bravo à Moghedien d'avoir autant semé le dawa, c'est elle qui remonte tout l'arc à la hausse par sa ruse perverse et sa puissance affolante. Elle aura quand même réussi à me faire sentir de la compassion pour cette pauvre Liandrin.
En fait l'intérêt principal de cet arc est qu'il introduit une composante étonnante du tome : l'humour.
Non, sans plaisanter, le running gag de Nynaeve s'en prenant toujours plus dans la gueule successivement par Egwene, Elayne (ah oui quand même) Birgitte et même un peu Luca avec les robes ultra échancrées, fonctionne comme dans une sitcom. On pourrait croire que Nynaeve allait s'adoucir, mais je crois qu'en fait elle n'aura pas retenu grand-chose de ses aventures. C'est simple, Nynaeve est tout bonnement insupportable de tout le livre, entre ego surdimensionné, colères perpétuelles, mauvaise foi monstrueuse et déluges misandres (il arrive que les mecs de La Roue du Temps se montrent roués envers les demoiselles, mais ils ne font pas le poids face à Nynaeve). Ce n'est pas forcément un défaut car la lutte entre le choc des péripéties et sa personnalité intérieure est exquis à suivre. Les Feux du Ciel met en avant Nynaeve comme jamais et avec un réel brio.
Evidemment, la marche de Rand est l'attraction principale du show, et là les amis, Jordan déroule l'épique comme il sait si bien le faire. La piste sanglante laissée par Couladin permet à Jordan de tisser de nombreuses scènes de cauchemar, de massacre et d'une bataille à longue distance. Mais là, dus-je encore râler, j'ai été frustré par Mat. Alors que Rand et Perrin doivent contrôler leur don, Mat se contente de dévider les talents stratégiques de ses ancêtres sans effort. Ça me paraît très déséquilibré et prive Mat d'un réel apprentissage. Cela dit, il est le centre d'un nouveau running gag que j'ai trouvé aussi désopilant que Nynaeve : ses efforts acharnés pour fuir le théâtre des opérations mais que sa nature de Ta'veren ramènent toujours sur le droit chemin. Comme autre running gag, le cockblock systématique d'Aviendha se montre toujours aussi hilarant (les viles séductrices prennent cher). Alors OK, j'ai reçu la concrétisation Rand-Aviendha avec un air ahuri, mais heureusement, ça n'arrête en aucun cas leur petit jeu. Bref, si on était dans le monde réel, Rand dirigerait l'agence Blue Moon et Aviendha serait une mannequin ruinée, et ce n'est pas pour me déplaire.
Mais Les Feux du Ciel est bien le tome où l'on sent plus que jamais le basculement de Rand vers la folie. Je comprends complètement l'effroi de Nynaeve quand elle le revoit : à force de détruire sa propre humanité pour le bien de la Trame, de se servir de tout le monde, y compris ses amis comme des pions à avancer, il devient de plus en plus... ténébreux en fait. La tentative de coup d'état mental par Lews Therin en fin de course en dit beaucoup sur son propre délabrement. L'adresse de Jordan est de ne jamais laisser à Rand une décision irréfléchie ou une parole délirante. C'est au contraire par ce contrôle absolu, rigide, sec de son esprit qu'il devient de moins en moins humain. Sur Arrakis, il serait un Mentat, mais encore moins chaleureux, c'est dire. Tout cela est magistralement mené, on marche à fond.
Pour ce finale dantesque où le ciel vomit littéralement du feu, je dois avouer être partagé. D'un côté, j'ai été saisi par les scènes fracassantes comme l'attaque en traître de la fausse Aielle (un red herring d'enfer), la géniale trouvaille de Nynaeve pour maîtriser Moghedien (ça c'est du worldbuilding supérieurement utilisé), la fête des Torrents de Feu et surtout le gambit de Moiraine. Alors là, je ne parviens pas à croire que Jordan ait eu le culot de se priver de deux des plus incroyables personnages de toute la saga. On est pas chez Martin, et j'aimerais croire qu'il va trouver un moyen de les faire revenir, mais à en croire Lan (dont le chagrin si virilement caché n'en est que plus déchirant), j'ai l'impression que la Roue va bel et bien devoir tourner avant qu'elles reviennent. Bref, je suis sous le choc. Une pensée pour Asmodean, qui échappe une fois à la mort avant d'être vaporisé en moins de deux lignes avec une froideur déconcertante. En un livre, l'auteur se sera donc débarrassé de la mentor, du professeur et de l'ancien amour du héros. A croire qu'il a utilisé les feux du ciel pour brûler ses propres vaisseaux.
De l'autre, j'ai senti que Jordan forçait un peu trop certaines situations. Je sais que Rand a été élevé dans certaines valeurs, mais refuser de tuer Lanfear... parce que c'est une femme ? Euh, on est en guerre b ordel. Je trouve les Matriarches irritantes avec Rand mais il a bien mérité qu'elles le traitent de crétin. Surtout, Jordan, à ma connaissance, n'a jamais établi qu'on pouvait gagner Tel'Aran'Rhiod sans dormir, un petit manque de préparation se fait sentir. Et puis, je veux croire que Rand n'ait d'yeux que pour Nynaeve quand il la retrouve, mais qu'il se refuse obstinément à voir qui l'accompagne me paraît encore une contorsion pénible destinée à préserver la Rejetée. Les Feux du Ciel est un roman impressionnant, riches en développements réussis de personnages et séquences foudroyantes, mais un manque de soins dans les finitions. (***)
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Je l'ai déjà dit mais je me répète, ce type était un génie ! C'est toujours drôle mais c'est également intelligent.
Dans cet opus, l'auteur parle du théâtre en général, de Shakespeare notamment et, en particulier, de MacB...de la pièce écossaise.
Le duc Kasquett, poussée par la duchesse, assassine le roi Vénence qui ne comprend pas tout de suite qu'il est mort. Mais les meurtriers ne peuvent mettre la main sur la couronne et le fils du roi car ceux-ci sont tombés aux mains des sorcières qui les ont mis en lieux sûr. Sacrés personnages que ces sorcières ! En tête Mémé Ciredutemps, la chef que les sorcières auraient si elles en avaient un; ce que Mémé ne tolèrerait pas. Nounou Ogg, mère et grand-mère de famille nombreuse qui a toujours un rejeton ou une bru quelque part (ce qui peut être pratique) et la plus jeune Magrat "qui aurait été suggestive s'il y avait eu quelque chose à suggérer" (sic). Le duc, dont la santé mentale est plus que vacillante (il voit toujours du sang sur ses mains ; situation inverse dans MacB...la pièce écossaise où c'est l'épouse qui devient folle), va entrer en conflit avec les sorcières à qui il va donner du fil à retordre. C'est sur une scène de théâtre que le dénouement aura lieu.
C'est un régal à lire et l'auteur a de ces formules absurdes qui sont des trouvailles de drôlerie comme cette tempête partie en tournée et qui revient se donner en spectacle. Il fallait y penser quand même !
(****)
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
Avec ce volume, Robert Jordan montre une différence nette avec Tolkien : ses personnages féminins sont nombreux, bien différenciés et plutôt bien campés. On en découvre un nouveau avec Zarine (ou Faile), cette Quêteuse volontiers questionneuse, moqueuse, assez agaçante certes mais qui joue un rôle décisif dans l'acceptation de ses "pouvoirs" par Perrin. Egwene monte en puissance elle aussi en se découvrant Rêveuse ; une spécialité perdue chez les Aes Sedai. Dans le trio qu'elle constitue avec Nynaeve, la battante (mais à qui l'impatience, le refus de toute autorité et une colère permanente donne une allure un peu instable et donne à craindre pour l'avenir), elle s'impose et marque sa spécificité. C'est sans doute Elayne qui est la plus fade.
Perrin est l'autre personnage qui s'affirme dans ce roman. Il supporte mal, et - nouveauté - le fait savoir les manières de Moiraine : "Cherche-t-il simplement à vous fuir ? " lance-t-il en parlant de Rand par exemple à l'Aes Sedai mécontente que l'on conteste son magistère. Perrin est le héros des 150 premières pages. "Cette femme a trop de secrets" pense-t-il de Moiraine et comment ne pas lui donner raison ? Il est attachant par sa crainte de perdre son humanité en cédant à ses pouvoirs de loup. Il a peur de ses rêves mais ne reçoit aucune aide de Moiraine. Quant Zarine se trouvera piégée à la place de cette dernière (hélas), il se montre ferme à nouveau. Il gagne en maturité.
Curiosité : tous les Réprouvés ont des noms bibliques. Outre Ba'alzammon, déjà connu, on entend parler de Sammael, Asmodean, Be'lal. Tous des noms d'Anges déchus. Du coup, peut-on lire le cycle avec une perspective chrétienne ? Rand serait ainsi une version fantasy du Christ. Le roman se termine également par l'annonce du "peuple du Dragon".
L'Ajah Noir est révélé avec un côté Sœurs de l'Obscurité bien marqué. Là aussi, une Sœur se démarque des autres (Landrin remplace Nikki) mais le rôle est globalement le même. Ici, elles servent le Ténébreux ; le Gardien chez Goodkin.
Petit amusement : le Pouvoir de l'Unique se divise en cinq (Terre, Air, Feu, Eau et Esprit). Ce sont les mêmes spécialités que dans la Vampire Academy ! Côté humour : que ce soit Rand, Mat ou Perrin, chacun est convaincu que les autres sont plus doués avec les filles. Dernier amusement : chacun des groupes se trouvera, à un moment ou à un autre, sur un bateau. Des conditions pas forcément bien acceptées par tout le monde ! Cette présence de l'humour, léger mais bien présent, différencie nettement Jordan du plus hiératique Tolkien. C'est un vrai plus qui rend la lecture très agréable.
Gros regret : Les Aes Sedai sauvent Mat. Ce sont décidément des nuisances ! A part d'ailleurs se diviser ou être un panier de crabes, ou encore martyriser leurs élèves, à quoi servent les Aes Sedai ? On a l'impression que Tar Valon est la survivance dégénérée de quelque chose qui a eu autrefois son importance. L'arrogance de ces femmes persuadées de tout savoir (ou n'admettant que mal le contraire) est insupportable ! Mat, lui, reste doué pour se fourrer dans des situations compliquées. Dommage, il s'en tire toujours. Il se montre également bien trop confiant envers Thom qui réapparaît soudain ! Personne ne se demande si ce n'est pas étrange. Moi si, mais je suis peut-être juste un peu paranoïaque.
Robert Jordan déroule suffisamment bien son intrigue pour réussir mine de rien à faire converger tous ses personnages au même endroit pour le final qui est de toute première force. Les Aiels entrent de plein pied dans l'histoire et s'affirment nettement. Cette bataille dans la forteresse réelle et dans le Monde des Rêves est fabuleuse !
Preuve que Robert Jordan maîtrisait parfaitement son cycle, il se passe de son personnage principal durant la quasi-totalité du roman ! Je n'ai pas compté mais Rand doit être présent dans moins de 100 pages (sur 850 environ). Le plus beau, c'est qu'il ne manque pas ! Certes, on s'inquiète pour lui car il ne va clairement pas bien mais le final lui appartient. En outre, cette absence permet de faire monter les autres personnages, de développer leurs compétences et leurs défauts (on dirait un vrai jeu de rôle). A trente pages de la fin, je me suis demandé ce que Jordan allait bien pouvoir raconter ensuite mais j'ai été amplement rassuré par la suite !
A ce stade, j'ai deux personnages "chouchou" : Nynaeve et Perrin.
Et deux autres que je ne peux pas encadrer : Mat et Moiraine.
Paré pour le tome 4 !
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
J'ai été très client de l'ambiguïté ajoutée au trope des "persos féminins forts", Jordan montre clairement l'héroïsme de ces femmes, mais n'hésite pas à les montrer comme autant faillibles que les hommes quand le pouvoir leur monte à la tête. La Tour Blanche est bien un panier de crabes - le volet suivant ne va rien améliorer bien au contraire - tandis que Nynaeve assume un dirigisme de fer pas toujours à propos. Loin des Mary Sue ou des bad girls classiques (enfin, si y a Lanfear, mais bon Lanfear... ), l'écriture me paraît excellente de ce côté, sauf du côté d'Elayne. Je rejoins le Camarade : j'en suis au volume 6 et je me demande encore l'utilité du perso. Par contre, je reste assez amateur de Mat, j'aime bien sa personnalité facétieuse, mais je dois concéder que son pouvoir à lui est je trouve le plus décevant de la bande principale, car ne sollicitant au final pas grand-chose de sa part. Perrin gagne en puissance, il va même être un des acteurs principaux du volume 4, dans une excitante storyline.
L'humour me semble rester secondaire dans ce cycle très sérieux par ailleurs (ce n'est pas la Belgariade non plus), mais surgira régulièrement quand l'auteur confrontera les Hommes des Terres Mouillées avec le Peuple du Désert, dans un choc des cultures souvent amusant.
Je te prête le vol. 4 ce week-end, souvent considéré comme le meilleur du cycle avec les 3 derniers (j'ai tendance à être d'accord), mais fais gaffe, il y a une bonne cinquantaine de pages qui se détachent (mon vol. 5 a morflé encore plus, heureusement le 6 tient bon jusque-là, une vraie saga dans la saga...).
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Pour commencer, je ne comprends pas les critiques sur la longueur du prologue. Certes, tout écrivain d'aujourd'hui qui se respecte ne recourrait plus du tout à cette pratique de commencer un roman par une sorte d'essai fictionel sur son propre worldbuilding. Pourtant, je l'ai trouvé passionnant et pas si long que ça (bien que je ne comprends pas l'utilité de dédier 2 pages à l'herbe à pipe). Puis dès les premières pages sur la description du Comté, j'ai eu un délicieux sentiment, celui d'entendre une saga raconté par un grand-père au coin du feu une nuit d'hiver. Moins enfantin que le Hobbit, le style de Tolkien ne se dépare pas d'une certaine candeur tendre quand il parle de ses Hobbits qu'il doit je pense aimer davantage que toutes ses créations. J'ai rarement trouvé ce style de conteur traditionnel, dépouillé de l'emphase des auteurs médiévaux. Bref, j'avais l'impression d'habiter Cul-de-Sac, Hobbiteville, Belleau, etc. Même lorsque le voyage doit commencer et que les premières menaces se font jour, un certain merveilleux demeure, notamment par l'intervention sporadique des Elfes sur la Route, qui connaîtra un élégant écho dans les dernières pages.
Alors que la Terre du Milieu s'ouvre sous nos yeux, que les compagnons de route affluent, j'ai pu aussi mesurer, grâce aux Nains et surtout les Elfes, à quel point Le Seigneur des Anneaux est parcourue d'une tenace mélancolie, celle d'un Âge, sur le point de s'achever. Personnellement très sensible à ce sentiment particulier, via les élégies de Legolas notamment, j'ai eu la confirmation de la pleine réussite de ce côté de Rings of Power, les showrunners ne faisant que transposer cette mélancolie latente du 3e au 2e Âge, et sur ce point, c'est pleinement Tolkienesque, bien davantage que le respect de la chronologie ou la couleur de peau d'un nain. L'alternance entre merveilleux (la Lorien) et horreur (la Moria) se voit traitée avec une égale maîtrise par l'auteur, ponctuée par quelques moments chocs comme l'attaque et la mort de Boromir. Alors que le ton demeure épique tout le long, tous les changements d'atmosphère, même les moments de repos (la maison de Fendeval/Fondcombe), agissent comme des respirations ensoleillées nécessaires et renforçant cette solennité.
Mais lorsque nous arrivons au 2e livre de la Trilogie, deux faiblesses me paraissent poindre dans le roman, et je dois le dire, m'ont gêné à la lecture. L'accumulation de personnages finit par rendre une bonne partie assez schématique, les plus intéressants voyant leur espace trop dévoré par d'autres. Eowyn, Beregond, Théoden... tous ont de grands moments, mais la frustration est grande de les voir être trop peu développés. Même Gandalf m'a paru plus atone que dans Le Hobbit, il arrive certes à la fin de son Âge, et Tolkien corrige sa trop grande puissance qui avait sapé un peu trop de dangers dans l'aventure de Bilbo, mais je le trouve bien trop en retrait - à l'exception de la goulue explication de gravures à Orthanc face à Saruman - alors que tant d'autres me semblent mouiller plus la chemise. Sur ce point, quelqu'un comme Jordan maîtrise bien davantage la gestion de nombreux personnages (bon, il est vrai que la Roue du Temps a plus de 11000 pages, contre 1500 pour LOTR). L'autre point est que Tolkien se complait à mon sens trop dans la cartographie. Les quatre points cardinaux, les vallées, vallons, falaises, se succèdent, dans un détail géographique qui devrait ravir les cartographes, mais pour l'humble lecteur que je suis, c'est franchement pénible (j'ai fait une pause dans La Roue du Temps à cause de cela). Alors qu'il se montre mesuré dans les descriptions, Tolkien veut tellement donner forme à son Legendarium qu'il amollit son dynamisme à force de dessiner chaque tournant, chaque coude, ce qui va malheureusement perdurer jusqu'à la fin. L'horreur du Mordor eut été plus palpable si 3 phrases sur 4 n'auraient pas été dédiées à la description factuelle de chaque chemin...
J'ai préféré le 1er livre aux suivants pour ses storylines plus compactes et sa narration plus concentrée, mais heureusement, les différents fronts d'attaque, dans les 2e et 3e livres, se montrent souvent relevés, tandis que les batailles se montrent captivantes (la bataille des Champs du Pelennor est aussi brève que redoutable). L'heure de gloire résonne pour chaque personnage important, et le brio demeure constant côté persos non sacrifiés. J'ai bien aimé cette canaille de Saruman, la noblesse de Faramir, le sarcasme de Gimli, ou la tragédie de Gollum, victime et bourreau haïssable en même temps, et au coeur d'un des plus splendides fusils de Tchekhov jamais imaginés quand éclate son intervention finale. J'ai été très surpris de l'éblouissement changement de narration opéré par Tolkien dans le Retour du Roi où Sam devient tout simplement le personnage principal, bien davantage que Frodo. Comme beaucoup, Sam est mon coup de coeur absolu du livre. L'exploit de Tolkien demeurera bien d'avoir fait du sidekick ce que je considère comme le véritable héros de la Quête de l'Anneau, et par là, interpellant le spectateur, qui a sans doute des chances de se reconnaître dans le doux et plébéien Sam qu'un Frodo enfermé dans son rôle d'Elu (rétrospectivement, je n'admire que davantage la performance de Sean Astin dans les films).
Mais il y a une chose dont je vois rarement parler quand il s'agit de Tolkien, et je me dois de le dire car on touche au coeur de ma review : c'est sa maîtrise incroyable de l'émotion. Car au-delà du philologue constructeur de langues, du worldbuilder érudit, du créateur d'une Mythopoeia qui ne connaît aucun égal, de son talent de conteur, Tolkien sait tirer les fils de l'émotion comme personne. Je suis le premier à être surpris, mais lorsque l'Anneau est détruit, j'étais étonné de voir qu'il restait plus de 110 pages d'épilogue... et elles constituent pourtant mon passage préféré de la saga. Après tant de pages aventureuses, voir le relâchement progressif de la tension s'effectuer avec lenteur mais sans traîner, m'a mis la chair de poule. J'ai tout aimé dans ce vaste épilogue où le roi est couronné, où les compagnons de voyage se disent adieu, ces séparations nombreuses où le cercle narratif se referme dans une magnifique épanadiplose, jusqu'au retour au Pays. Certes, le Nettoyage du Comté est l'occasion d'un dernier soubresaut, et sur ce point j'admire que Tolkien évite l'anticlimax, le moment se montrant aussi passionnant que l'escalade du Mont Destin. Car comme les Hobbits, nous avons aimé le Comté, nous en étions nostalgiques quand nous les avons accompagné en Gondor et au Mordor, et oui, nous avons ressenti leur colère lors de l'ultime tour de Saruman (décidément méchant grand train). Autant qu'un roman à longue portée, Le Seigneur des Anneaux est un modèle de structure, de setup/payoff. Et là, vient le moment que je n'attendais pas.
Personne ne m'avait prévenu de la dévastatrice charge émotionnelle des dernières pages.
Alors que s'en vient le dernier voyage, l'émotion m'a pris à la gorge. Pourtant, je me rappelle très bien des films, et de la fin du Retour du Roi. Pourtant, l'émotion de la marche finale vers les Havres Gris m'a pris par surprise, et lorsque Gandalf demande à Sam, Pippin et Merry de ne pas pleurer...
... Et bien j'ai pleuré.
J'ai fondu en larmes, et les pleurs me reviennent au moment où j'écris cette phrase. Je n'ai pas lu de séparation plus torrentielle, plus mélancolique que celle entre Frodo et Sam, et par écho, entre moi et les personnages, car je savais que l'heure était venue de les quitter, mais je ne voulais pas les quitter. Mais là, j'ai fusionné avec Sam et j'ai lu la dernière page avec les yeux mouillés. Et quand la saga s'est refermée sur la dernière réplique de Sam, j'ai eu une autre crise de larmes pendant un bon quart d'heure. Bref, je suis en train de me remettre de cette fin sublime, et j'ai envie qu'on dise de Tolkien qu'au-delà de l'exploit artistique, qu'il a réussi à nous chambouler le coeur et l'âme comme peu d'auteurs l'ont réussi. Merci John Ronald Reuel Tolkien, vous nous avez offert l'un des plus beaux cadeaux que l'humanité pouvait rêver, à l'échelle du simple lecteur comme à vos successeurs.
Juste. Merci. (****)
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Je te rejoins sur le grand nombre de personnages, cela n'a facilite pas la lecture, et la première fois je n'ai en réalité pas tout compris de l'histoire, loin de là. Je n'ai vraiment appréhendé la totalité du Lore qu'avec le Hobbit et surtout le Silmarillion, ensuite. Après, ce côté parfois schématique participe aussi à cette vision archétypale des personnages qui fait pleinement partie de la griffe de Tolkien. Entièrement d'accord pour la force du final, on a reproché à Peter Jackson d'avoir zappé le nettoyage de la Comté, mais je considère que le plus important est d'avoir conservé les Havres. La chanson Into the West est particulièrement sublime.
J'ai par contre un ressenti différent sur la cartographie, qui, pour moi, participe totalement à l’immersion. C'est peut-être du fait de mon expérience de Rôliste, mais j'ai adoré suivre le groupe à la trace, dans les moindres méandres de son voyage. Je n'ai pas arrêté d'interrompre ma lecture pour tracer leur périple sur la carte, sans jamais me lasser. Quand je débute un livre ou un jeu de Fantasy (Warhammer et D&D effectuent un boulot de dingue là dessus, toujours), la toute première chose que je fais c'est d'aller voir si la carte est suffisamment fouillée ou non, en général c'est révélateur de l'intérêt réel de l'ouvrage (il y a des exceptions, bien sûr). Je crois que la toute première fois où j'ai disposé d'Internet, ma première recherche d'image a été pour trouver des Cartes de la Terre du Milieu, mais je suis irrécupérable.
Je vais être complètement honnête avec RoP : oui, la chronologie n'a jamais été un vain mot pour Tolkien, il y a consacré immensément d'efforts et en a fait l'un des fondements de son univers, jusqu'à la succession ultra détaillée des Rois de Númenor ou des Royaumes de Beleriand (à côté les Targaryen c'est de la roupie de sansonnet). Je suis passé outre, car la série demeure pleinement fidèle à l'esprit et à la vision, se montre somptueuse et permet de faire découvrir Tolkien à une nouvelle génération. J'aime aussi l'audace de certaines propositions (j'en ai parfois frémis), typique de la jeunesse des auteurs. Il va par contre falloir qu'ils apprennent à peaufiner, mais cela va venir, je ne suis pas inquiet. Tout cela pour dire que, quand certains puristes l'accablent sur ce sujet (la compression des évènements, les Anneaux Elfiques forgés avant ceux des Humains et des Nains...), je ne partage pas, mais je comprends. Il y a les puristes et puis il y a les puristes tolkiennistes, une race entièrement à part. La série a été assaillie de toutes parts, par les puristes, par les Mascus/racistes et par le bashing moutonnier des réseaux, mais je trouve qu'elle s'est bien battue.
Encore merci pour ce très beau texte, le week end commence fort. Et maintenant je vais aller remplir mon garde-manger, car si je suis fasciné par les Elfes, je suis bien davantage un Hobbit !
Dernière édition par Estuaire44 le Sam 22 Oct 2022 - 11:20, édité 2 fois
Estuaire44- Empereur
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
Tout d'abord, c'est un immense besoin d'évasion qui m'a poussé par Le Seigneur des Anneaux. Je sortais d'une année en fac d'histoire où je n'avais pu lire que des livres d'histoire justement et rien d'autre. Donc, en juin, j'ai, pour la première et unique fois de ma vie, envoyer valser ma matière préférée et j'ai suivi le conseil de lecture de mon frère : Tolkien donc. J'ai adoré ! Tout de suite, cette épopée m'a plu même si je n'ai pas compris non plus ni l'intérêt des pages sur l'herbe à pipe et, globalement, tout le passage sur Tom Bombadill (que je coupe systématiquement depuis). J'ai aussi toujours fait l'impasse sur les chants et poèmes qui ne me touchent pas.
Par contre, la carte et la chronologie sont deux points forts dans le Seigneur des Anneaux (et plus largement chez Tolkien) et ils participent pleinement de la lecture. Je me reporte systématiquement à la carte pour savoir où sont les héros. C'est amusant de voir qu'on trouve des cartes aussi bien chez Jordan que chez Terry Brooks par exemple. je ne suis pas rôliste mais j'ai suivi une formation d'historien-géographe donc la carte et la chronologie, c'est mon rayon !
C'est vrai que le grand nombre de personnages n'aide pas au départ. Saroumane m'a tout de suite plu mais j'ai eu plus de mal avec Merry et Pippin (qui me font un peu penser à Mat tout à coup : incapables de se taire et de penser). Très sensible à ton point de vue sur Sam mais également à l'émotion que tu as ressenti sur le final. Je n'ai pas pleuré dans mon souvenir mais, c'est vrai que c'est un moment très fort et je n'ai pas dû garder les yeux tout sec.
Remercions Tolkien. Nous lui devons tant.
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Re: Romans de Fantasy
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