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Message  Dearesttara Ven 24 Mai 2024 - 15:01

Quelle fantastique critique, je suis tellement content que tu aies apprécié le prequel ! cheers Il me semble que Jordan avait prévu plusieurs prequels, qui auraient fini par raccrocher les wagons avec le début du Cycle. Évidemment, les fans attendaient surtout la suite de la saga principale où il commençait à lambiner (comme 0 autre auteur de fantasy). Il les a écoutés et a déclaré qu'il retournerait aux prequels après A Memory of Light. Il n'en a pas eu le temps.
Sanderson a confirmé que Jordan n'avait pas laissé assez de notes pour continuer les prequels et autres séries dérivées qu'il envisageait.

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Message  Estuaire44 Ven 24 Mai 2024 - 19:41

Merci pour l'information, avec une pensée émue pour l'éditeur. Au moins Nouveau Printemps s'achève sans question non résolue.
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Message  Dearesttara Mar 28 Mai 2024 - 9:43

Davantage composite et mettant de l'eau dans le vin de son concept, Le Château noir, 2e tome de La Compagnie noire de Glen Cook n'en est pas moins un triomphe, réussissant plusieurs tours de force et dépeignant une des plus éblouissantes évolutions de personnage que j'ai pu voir dans un roman.

On peut certes pointer qu'au lieu de la chronique continue au service de la Dame du volume 1, Cook divise son roman en 3 parties quasi indépendantes, reliées par le fil rouge d'un petit noyau de personnages, mais les 3 arcs se montrent tous aussi réussis les uns que les autres. Il est stimulant de voir la Compagnie aussi trouble qu'à l'ordinaire, pas dans le sentiment mais pas sans humanité (enfin, surtout entre eux) derrière la farandole des flots de sang. Une complexité morale qui s'étend à Génépi, ville pourrie tenant à peine debout, aux habitants cachant leurs humaines faiblesses et leurs pépites de lumière morales derrière la violence et le sordide. Les surprises sont constantes. Même la maléfique Dame sait se montrer plaisamment doucereuse (Toubib s'en souviendra). Corbeau est toujours aussi Corbeau et sa vadrouille à Génépi est goûteuse au dernier degré. Finalement, tout le monde a l'air gentil comparé aux serviteurs totalement frappés du Dominateur, une sacrée bande d'horreurs poisseuses. La catastrophe de la bataille du Château noir, climax de stratégie militaire et de revers affreux se montre saisissante, faisant chuter La Compagnie au bord de l'extinction, avec plusieurs disparitions notables. Les persos secondaires du jour, du marmoréen Boeuf au couard Asa se montrent bien hauts en couleur, tandis que les captieux Asservis se montrent égaux à eux-mêmes, on les aime, enfin déteste comme ça et c'est très bien. Le dernier tronçon du livre, avec le nouveau château et l'haletante embuscade finale se montrent percutantes à souhait (avec un usage de balistes que n'aurait pas désavoué Léodagan).

Mais la grande réussite du Château Noir réside dans ce fantastique personnage qu'est Marron Shed. Je suis admiratif de l'évolution duelle que lui donne Cook : de lâche carpette libidineuse, il devient simultanément plus brave et volontaire mais aussi plus sombre et horrifiant. Par bien des aspects, il m'a rappelé Wesley dans Angel (le Joss est-il familier des chroniques de la dernière compagnie de Khatovar ?). Pathétique et imbuvable par son plongeon dans les ténèbres, suscitant la pitié par le running gag le voyant toujours en prendre davantage dans le carafon à chaque fois qu'il croit s'en sortir, roulé dans la farine dès qu'il se laisse aller à ses pulsions et finalement décrochant l'admiration par sa merveilleuse rédemption, sans les trompettes clichées de rigueur (voir Toubib l'accueillir officiellement dans la Compagnie est un fort moment). Shed est bien l'âme palpitante de ce fabuleux roman, et je comprends sans peine l'admiration qu'il arrache au pourtant peu magnanime Toubib. Le Dominateur ne fait qu'une brève apparition et quelque chose me dit qu'on n'en a pas fini avec lui (la Dame a intérêt à garder l’œil). Décidément, derrière les massacres et le pessimisme de l'annaliste, Cook se montre parfois plus humaniste qu'il veut bien le laisser croire. Le retournement final du plateau de jeu augure de festives retrouvailles entre la Compagnie et la Dame, on va bien se marrer. (****)
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Message  Camarade Totoff Mar 28 Mai 2024 - 13:03

C'est remarquable ! Une critique profonde, argumentée, à la fois clinique et passionnée.

Tu sais donner envie de lire ! Tu es un faiseur de rêves.
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Message  Estuaire44 Mar 28 Mai 2024 - 17:03

Merci pour cette superbe chronique, qui réveille des souvenirs bien anciens désormais. J'avais trouvé ce second volume se situait dans la même optique que le premier, une guerre certes en Fantasy, mais surtout âpre et cruellement réaliste. Entre deux camps tous deux biens sombres la bande de guerriers protagonistes en devenaient les véritables Héros, suscitant beaucoup d'affect chez le lecteur, mais sans jamais de mignardise.  Dans un tout autre univers on est en réalité très proche des captivants et terribles romans de Svan Hassel sur la sombre épopée d'un bataillon disciplinaire de la Wehrmacht (non Nazis), envoyés aux pires endroits de la guerre. De rudes salopards traversant l'enfer, mais aussi des frères d'armes.

Toutefois les deux n'étaient pas exactement semblables, j'avais trouvé celui-ci moins épique que le premier, mais aussi plus sombre, avec le développement de la Nécromancie et du Dominateur à côté duquel même la Dame revêt des allures de Pimprenelle. La Magie m'a semblé avoir d'avantage d'importance que précédemment. Cook n'hésite pas à laisser passer plusieurs années entre les deux romans, ce qui permet de rebattre les cartes. Un second souffle est également trouvé en s'intéressant davantage aux personnages secondaires de la Compagnie, avec différentes trames narratives qui, comme de juste, finissent par converger. Du coup l'action guerrière se fait quelque peu attendre, ce qui nécessite un tantinet de patience pour le lecteur, surtout après la terrible bataille de la fin du premier volume (de mémoire).

Mais Toubib s'avère toujours aussi génial, en vétéran de la guerre totalement revenu de tout et moraliste à ses heures. Ses écrits et réflexions forment toujours l'essence de la Compagnie Noire (pas de Bien contre le Mal, ici) et c'est tant mieux. Le roman a l'habilité de nous faire ressentir de la sympathie pour ses protagonistes, mais mais pas pour leur cause. Cook soigne ses personnages mais aussi ses localisations, le Château noir est une merveille du genre. Après espionnage et escarmouches, trahisons et intrigues, las amateurs d'action auront néanmoins leur content en fin du récit. Tout est en place pour la conclusion de ce conflit, toujours aussi différent de la Fantasy épique traditionnelle, Minas Tirith reste bien loin d'ici.
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Message  Dearesttara Mar 28 Mai 2024 - 18:28

Au Camarade : ton épithète me touche, merci du fond du cœur.

A Estuaire : Précieuses remarques comme toujours, merci ! Tu me donnes envie de lire Hassel, j'ai toujours été fasciné par ce genre de sujets. Ah oui, on est loin des champs du Pelennor (même de Tarmon Gai'don), ça sent déjà plus la crasse et le sang ici.
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Message  Dearesttara Sam 1 Juin 2024 - 14:55

Il y a certaines choses difficiles à argumenter. Comme de dire pourquoi j'ai bien aimé L'Odyssée du Passeur d'Aurore, volet conclusif de la trilogie originale du Monde de Narnia de C.S. Lewis. L'auteur y viole les lois les plus élémentaires de la narration mais ce volume déborde tellement d'imagination et d'enchantement que je ne peux pas plus y résister qu'à une vision d'Aslan.

Pourtant, tout est fait pour que ce volume foire, et à ce titre, il reste le volet de la trilogie le moins aimé de la plupart des lecteurs de Narnia ; je peux le comprendre. Au lieu d'une quête forte, Lewis se contente d'écrire sa propre version d'un immram, ces vieux contes irlandais d'obédience chrétienne où des héros voyagent en mer de péripéties en péripéties jusqu'à aboutir dans un autre monde, généralement le Paradis (comme l'est évidemment Bout-Du-Monde). L'hommage est techniquement réussi mais ne voulant pas inquiéter son jeune public, Lewis ne cesse d'édulcorer son récit. Les passages les plus dramatiques comme le marchand d'esclaves et l'Île des Rêves passent en coup de vent, voire en queue de poisson. Tandis que la résolution finale m'a paru tomber comme un cheveu sur la soupe. Le roman accomplit ainsi le douteux exploit de n'avoir quasi aucun danger. En cas de coup dur, Aslan veille au grain en sauvant (presque) tout le monde. Le volume a été critiqué car Susan et Peter étant trop âgés, ils sont absents de cette aventure, avec Eustache en remplaçant. Mais les personnages de Narnia restent en carton et je dois dire qu'ils ne m'ont absolument pas manqué. Quant au "méchant" Eustache, il suit basiquement la même voie qu'Edmund dans le volume initial, avec la même résolution au milieu du livre. Caspian est toujours aussi fade. Ripitchip amuse en bretteur téméraire mais ça ne va pas plus loin. J'ai aussi été piqué que Lewis se moque des réelles souffrances d'Eustache au début de l'aventure ; aussi détestable est-il au début, il est tout à fait compréhensible d'avoir un rejet violent de l'aventure (c'est carrément dans le monomythe de Campbell), tout le monde n'a pas la facilité d'adaptation des Pevensie. Autre déception, les allégories chrétiennes, qui donnaient un peu de profondeur aux romans précédents, sont ici absentes, l'immram étant la seule référence.

Pourtant, L'Odyssée du Passeur d'Aurore m'a davantage enthousiasmé que Le Lion et Prince Caspian. C'est un ressenti personnel, mais je suis très sensible à la féerie et à ce titre, le roman est d'une générosité débordante. Dans un rythme plus soutenu qu'avant, ce tome enchaîne les péripéties et les lieux magiques, avec une débauche d'enchantement pur. Entre lacs dorés, magiciens malicieux, étoiles anthropomorphes, civilisations sous-marines et Paradis de lumière, ce roman est un fantastique hymne à l'imagination, où les descriptions envoûtantes de Lewis stimulent la part de nous affamée de mondes merveilleux et excitants plus grands que la vie. Narnia est pour le moment le cycle classique de fantasy le plus décevant que j'ai lu, mais au niveau merveilleux, aucun monde ne lui arrive à la cheville. Au risque d'être hérétique, la Terre du Milieu fut une fascination, mais Narnia fut juste un enchantement pur encore et encore. Long, le roman aurait fini pas ne pas tenir la distance, mais avec la brièveté coutumière de Lewis, j'ai trouvé qu'il s'arrêtait au bon moment, avant que ça devienne ennuyeux.
Au total, les flots d'originalité et les passages obligés sublimés par le talent de conteur de Lewis triomphent de toutes les faiblesses du récit. Quelques étoiles demeurent dans mes yeux en ce moment même. (***)
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Message  Estuaire44 Sam 1 Juin 2024 - 16:49

Belle analyse, merci. Beaucoup aimé celui-ci, qui correspond au troisième et dernier film (au cas où : j'ai le coffret...). D'abord parce que c'est une aventure maritime, ce qui, pour moi, représente toujours une saveur supplémentaire Parce qu'il introduit aussi de nouveau personnages, quitte à en extraire des anciens, et change de focus. La saga poursuit son extension, à l'image de son univers, un peu comme le deuxième volet de la Compagnie Noire. Les personnages qui demeurent évoluent etentrent dans l'âge, décidément rien n'est figé. J'aime particulièrement Eustache, qui sert à exprimer l'horreur de Lewis pour les pernicieuses idées nouvelles : les écoles mixtes, le végétarisme ou les progressisme comme valeur. Déjà une gueulante contre les Wokes et les Vegans, c'est tellement réac avant l'heure que cela en devient irrésistible, le charme des 50's. Bien sûr Eustache lui-même est un chouineur irritant, Lewis ne fait pas les choses à moitié.

Heureusement « Aislan » le Sauveur accepte tout le monde, élève tout le monde. Nul n'est exempt de son amour, même pas les petits merdeux gauchistes devenus Dragon, le vice dans la peau. Les îles appartiennent au Royaume de Caspian, mais n'en ont pas entendu parler depuis longtemps, assez comme les Deux Rivières pour l'Andor, cela m'a amusé Heureux sont les préservés du fisc. Blague à part, on un très belle quête dans des contrées pleine de magie magie et de merveilleux, c'est déjà beaucoup, sans paraître trop au service du discours religieux. Que chaque île corresponde à une aventure n'a rien d'original (l'Odyssée c'était déjà cela), mais cela permet de structurer le récit de manière avec des enjeux sans doute plus clairs que lors des livres précédents. On est pris par l'histoire de bout en bout.
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Message  Camarade Totoff Sam 1 Juin 2024 - 17:50

Un jour j'écrirai "Les Passeurs de rêves. Comment j'ai constitué ma bibliothèque idéale avec Dear et Estuaire44 ".
J'ai bien noté l'existence du coffret Narnia. Je saurai m'en souvenir.
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Message  Dearesttara Sam 1 Juin 2024 - 20:41

Merci Estuaire pour cette hilarante mais toujours pointue analyse, notamment concernant Eustache Laughing Caspian a tout de même de la chance que le sang de Manetheren ne coule pas dans son protectorat, la rencontre aurait été plus musclée (j'ai encore souvenir d'Elayne menaçant d'exécuter Perrin quand Deux-Rivières commence à avoir des velléités d'indépendance).

Cher Camarade, tu marcherais dans mes pas car Estuaire est pour beaucoup (vraiment, beaucoup) dans la construction de ma bibliothèque idéale Very Happy
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Message  Dearesttara Mer 5 Juin 2024 - 3:30

Sacrée balade que Sourcellerie, 5e tome du Disquemonde de Terry Pratchett. Les multiples frustrations que la structure et les personnages ont pu me laisser se voient heureusement compensés par un démentiel tsunami d'humour, faisant de ce roman l'un des plus drôles que j'ai pu lire de ma vie.

Le début semble préparer à une version cocasse de It's a Good Life avec ce gamin infernal se servant de ses pouvoirs infinis pour mettre le Disquemonde cul par dessus tête (Le Dragon réincarné, c'est petit bras à côté). Sans être dans la satire, la défiance de Pratchett des hommes de pouvoir (déjà vue dans Le Huitième Sortilège) est évidente. Derrière l'humour, Pratchett n'en est pas moins terre-à-terre sur ce sujet, postulant que basculer du côté obscur n'est pas réservé à des personnes prédisposées : donnez suffisamment de pouvoir et d'opportunités et les joyeux débiles de l'Université de l'Invisible deviendront des bourreaux sanglants. Je ne m'attendais certes pas de voir ce groupe vriller autant mais l'impact n'en est que plus fort. En opposition, Pratchett fait l'éloge de l'humilité et de l'empathie. Rincevent est toujours aussi lâche et incompétent, mais il demeure une vraie boussole morale lorsque tout s'effondre autour de lui, réussissant même des actes de courage au bon moment. Le running gag le voyant fuir le danger pour y tomber systématiquement dans un autre plus grand fonctionne à plein. La vista de Pratchett avec les personnages sans paroles comme le facétieux Bagage ou le si bonhomme bibliothécaire pimente la balade. Le chapeau magique se montre aussi plaisamment rosse, on adore !

On ne peut en dire autant des autres personnages, les compagnons de Pratchett restent des silhouettes et sont même rarement drôles par eux-mêmes. La fille de Cohen le Barbare est peut-être badass, mais elle n'a ni la sympathie ni l'humour de son illustre papa. Nijel le Barbare stagiaire demeure tristement transparent, et Créosote le poète tourne frénétiquement sa seule source d'humour à base de poésie improbable mais assez peu mordante, contrairement à Nosferax, mon chouchou en poésie fictionnelle. En enfant sous le joug de son horrible père, Thune perd très vite son venin initial et devient un chef de guerre assez peu consistant. Faire pleuvoir l'apocalypse, pardon l'apocralypse sur le monde n'est pas un trait de personnalité en soi. La course à l'échalote avec le chapeau de l'Archichancelier se révèle bien moins tendue et émotionnelle que les gaffes temporelles de Morty. Quant au final, il rend fort bien le fatras d'une guerre thaumaturge hors de contrôle mais il est sapé par une fragmentation de l'action (le trio de compagnons ne sert à rien), des deus ex machina et quelques contorsions scénaristiques (comment le Bagage a-t-il pu faire à pied Al Khali-Ankh Morpork en un éclair ?). J'ai été déçu de ne pas savoir ce qu'il advient de Rincevent, laissé en mauvaise posture chez les Géants des Glaces, teaser son retour ne compensait guère.

Mais Sourcellerie équilibre brillamment ses manques par sa déferlante burlesque. Je le dis tout net, c'est la première fois que je trouve Pratchett faire jeu égal avec Douglas Adams. Dans ce qui est sans doute un des romans les plus hilarants du Disquemonde, Terry Pratchett fait feu octarine de tout bois, et nous plonge dans un Disquemonde devenu encore plus dingue que de coutume (c'est pas peu dire). La 1re moitié se montre déjà bien gratiné avec nos mages débiles préférés et les commentaires toujours irrévérencieux de l'auteur mais lorsque la guerre thaumaturgique se déclenche, on est en plein dans le générateur d'improbabilités. Pratchett parvient à accomplir ce miracle que j'aime tant : rendre chaque page imprévisible. Dans un galop carnavalesque, mais savamment contrôlé par sa narration, l'auteur nous expédie missiles hilarants à jet continu où les lois de la magie remplacent littéralement celles de la logique. Coup de cœur pour la lampe magique qui ne fonctionne que tant que la logique ne se rend pas compte qu'il y a un problème. Par bien des côtés, Sourcellerie respecte la loi cardinale des Tex Avery : on respecte la logique, sauf quand ça peut être drôle, et c'est toujours drôle. Entre le génie occupé, le Bagage génocidaire, les accidents magiques à la con (genre Buster Keaton transposé en Fantasy), les métaphores sous amphets, les notes de bas de page hors sol, les réactions déphasées, on atteint un sommet quand les 4 cavaliers de l'apocalypse se font barboter leurs chevaux et compensent en se saoulant copieusement la gueule. Là, j'ai dû faire une pause tant je riais aux éclats. La prose de Pratchett virevolte dans tous les sens, fonce, recule, lance des sauts périlleux, bref, ce fut une hilarante chevauchée. (***)
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Message  Camarade Totoff Mer 5 Juin 2024 - 13:32

Salutaire et brillante piqûre de rappel : je dois me remettre à la lecture du Disque-Monde.

Du cop, j'ai lu très vite pour ne pas être influencé (car je suis un être vil et méprisable) mais suffisamment pour, justement, me redonner envie de m'y remettre.

Vu que mon plan de charge vient de s'alourdir, je ne sais pas si je dois dire merci ou au secours? Heu...les deux ?
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Message  Estuaire44 Mer 5 Juin 2024 - 19:39

Beaucoup aimé celui-ci, effectivement bien cramé, avec, en ce temps où la finie équipe définitive n’a pas encore pris ses quartiers à l’UI (sauf erreur) , comme un retour aux pérégrinations des premiers romans, mais en en moins composite. Avec le lot habituel des références amusantes : l’armoire de Narnia, le Al-Quadim de D&D avec son orientalisme des Mille et un Nuits, Alvin le Faiseur, septième fils d’un septième fils, Sortorius, le Monde des Sorciers où Magnus, Primarque de Tzeentch, éleva des tours immenses immunisées contre les terribles flots de magie corruptrice en provenance directe du Warp, après s’y être réfugié lorsque les Loups de Fenris vinrent lui délivrer le jugement de l’Empereur sur Prospéro. Beaucoup d’idées génialement insolites et d’humour ravageur. Bien d’accord, La British Touch et le regard ma foi assez caustique sur les marronniers de la Fantasy traditionnelle valent au roman de bien vieillir, je trouve. Par contre j’ai bien aimé Conina, une parodie de Red Sonja qui m’avait bien fait rire à l’époque (le film précéda de peu le bouquin). Bon c’est subjectif bien sûr. Un vraie pastille euphorisante, d’autant que le texte se lit assez vite, ce n’est pas un pavé comme le genre nous en a parfois proposé.

J’ai adoré comment, malgré le non sense et la rigolade, la scène où Rincevent, la star des débuts du Cycle, s’avance en Champion face au quasi Avatar de Tzeentch, seulement armé d’une brique dans une chaussette (assez comme tara King avec son sac lors de la rencontre avec Steed). Grand moment, même si par la suite c’est surtout Samuel Vimaire qui deviendra l’Avatar de Pratchett. Conçu et développé comme une parodie, Rincevent pouvait difficilement se muer en Héros ou trouver un second souffle, je suis très content pour lui qu’il ait au moins eu cette scène. Sans doute plus que de tout autre élément, Pratchett aime à rire de l’Inévitabilité des Choses, c’est lui l’adversaire Destin, au moins autant que la Dame. Il aime à placer en début de roman une situation irréversible et un Vilain surplombant ses adversaires, en apparence invincible. Toujours brillant et machiavélique (oui, comme le Seigneur Vétérini), mais aussi avec le petit défaut qui le perdra. Ensuite, via les délices de la logique latérale en Absurdie, mais aussi l’exaltation sans lourdeur des qualités les plus humaines, nous raconter comment l’Impossible survient. De ce point de vue le roman est plaisamment archétypal. On pourra reprocher au Chapeau de minorer le libre arbitre de Rincevent et de ses brillants associés, mais on n’allait pas en laisser le monopole à Hogwarth, non mais.
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Message  Dearesttara Mer 5 Juin 2024 - 20:04

Merci ! Je suis d'accord, Pratchett sait trouver le bon équilibre entre gros délire et qualités humaines, le livre ne serait pas aussi réussi sinon. On m'enlèvera pas de l'idée que Rincevent est plus brave qu'il ne le croît, même s'il doit perdre le contrôle sur lui-même pour que ça arrive. Impatient de rencontrer le sieur Vimaire alors !
Pas encore vu Red Sonja, mais il est prévu que je vois le film, ne serait-ce que pour revoir Arnold dans son grand rôle, même sous un autre nom. Et j'aime tellement Sandahl Bergman, déjà royale dans le 1er Conan (et exquise danseuse dans la mémorable scène de Clair de Lune). Apparemment, un autre film Red Sonja va aussi bientôt sortir cette année, double dose !
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Message  Estuaire44 Mer 5 Juin 2024 - 21:32

Ce sera intéressant de voir comment notre époque traite Red Sonja, qui fut tout de même à l'origine de pas mal de cotes de mailles minimalistes sur les couvertures de romans, comics et autre suppléments D&D. J'en connais qui vont de nouveau sortir du bois.


Dernière édition par Estuaire44 le Mer 5 Juin 2024 - 22:47, édité 1 fois
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Message  Dearesttara Mer 5 Juin 2024 - 22:43

Apparemment, ils tentent de ménager la chèvre et le chou. L'actrice qui jouera Red Sonja a déroulé le couplet attendu d'éviter le "male gaze" mais a maintenu que le bikini métallique demeure quoique "utilisé d'une manière différente des comics".
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

La réalisatrice avait d'ailleurs déjà signé le Solomon Kane de 2009 (pas vu), il me semble qu'au moins a été retenu une amatrice d'Howard.
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Message  Estuaire44 Mer 5 Juin 2024 - 22:48

Bien aimé cette version de Kane, une bonne référence !
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Message  Camarade Totoff Jeu 6 Juin 2024 - 13:20

Bien aimé également le film "Solomon Kane". Film qui ne dispense pas de lire les romans et nouvelles de Robert E. Howard le mettant en scène (je les ai tous apprécié pour ma part).

Sur le sieur Vimaire, je l'ai croisé dans "Ronde de nuit" et je trouve que c'est un des meilleurs romans des Annales et, dans cet opus, Vimaire est désabusé mais ne baisse pas les bras presque malgré lui. Attachant comme personnage. S'il est présent avant ce roman, je suis déjà impatient de le (re)trouver !
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Message  Camarade Totoff Mar 11 Juin 2024 - 14:17

- Pardon monsieur, Le carrefour du crépuscule s'il vous plaît ?
-C'est au bout du chemin des dagues. Vous passerez devant le n°10 qui est un peu long. Evitez l'impasse des Aes Sedai, il y a une déchetterie au bout (ça, c'est cadeau, ça me fait plaisir).

Une petite digression en ouverture le temps que je retrouve mes notes sur ce volume 10. Le problème quand on écrit sur un ticket de métro, c'est de le retrouver ensuite dans son fout***; dans son classement personnel aléatoire.

A peine plus d'une feuille A4 pour 700 pages, c'est un record de brièvetés. Ce roman est un modèle sur comment faire durer le temps immobile. Roger Corman étirait intelligemment un dollar, Robert Jordan fait la même chose mais moins utilement avec le temps.

C'est aussi une histoire de fantômes car on compte plusieurs revenants. Les Fils de la Lumière, totalement absents depuis un moment (tu parles d'une puissance menaçante) reviennent très brièvement p.23 ; juste pour qu'on sachent qu'ils se font fait tataner la gueule par les Seanchaniens. Loial repasse une tête également (p. 82). Mat, lui, apparaît en deux temps (description de la "bataille" d'Ebou Dar et son évasion racontés avec retour en arrière, simple mais efficace comme procédé) mais son arc narratif est plus développé ; disons plus consistant. J'ai un peu les dents qui grincent quand je lis "Mat fut certain qu'il n'échapperait pas à son destin" (p. 652). Quel déterminisme ! Mme Soleil peut dormir tranquille, l'avenir est déjà connu ! Autre phrase très fraîche: "Les femmes et les batailles ne sont pas si différentes" (p. 645). Nynaeve est, elle, pratiquement absente et n'intervient jamais directement. On parle d'elle p. 307 ; on la voit sans l'entendre (un prodige) p. 553.

Le Dragon Réincarné lui même nous fait l'honneur de sa présence seulement en page 558. Là, on apprend un truc important : le saidin a été nettoyé mais son usage rend toujours Rand malade. Lui ne veut pas d'une guerre avec la Tour Blanche mais la Tour Blanche a des projets pour les Asha'man qui ne risquent pas de lui plaire. Crâmons tout pour mettre tout le monde d'accord. Question : la plaie qui ne cicatrice pas chez Rand peut-elle être une référence au Roi Pêcheur du Cycle du Graal ?

Le reste du temps, Robert Jordan meuble avec talent quelques centaines de pages. La Tour Blanche est assiégée par Egwene mais ça n'avance pas (on dirait cette histoire avec du sexe et des dragons, comment elle s'appelle déjà ?). En bonne Aes Sedai, Egwene ne conçoit pas l'existence des Asha' Man: "Si la Tour Blanche meurt, l'espoir meurt avec elle" (p. 409). Non, le monde apprendra juste à se débrouiller tout seul. C'est pas si mal. L'auteur nous rabâche également l'obsession des Seanchaniens pour les étiquettes et les statuts sociaux. En revanche, ces braves envahisseurs me sont sympathiques car les Aes Sedai ne les aiment pas, vus qu'ils refusent de négocier avec elles et surtout avec elles. Robert Jordan ne manque jamais d'insister sur le côté plantureux de certaines poitrines féminines (Sevanna par exemple). Il se serait très mal entendu avec William Faulkner dont les héroïnes sont des planches à pain dépourvus de hanches.

Du côté de Perrin, pas d'avancée majeure non plus sinon un durcissement du personnage qui n'hésite pas à couper une main avec sa hache (dont il se débarrasse symboliquement plus tard). Mis à part illustrer le concept historique de "brutalisation" développé par George L. Mosse, tout ce passage ne sert à rien.

A ce rythme là, on n'est pas sûr de voir accoucher Elayne avant la bataille finale. Enceinte de jumeaux, elle n'est toujours pas reine et elle est assiégée elle aussi. A sa place, Napoléon se la serait mise sur la tête la couronne et cette histoire serait réglée.

Je laisserai la conclusion au Nain du Donjon de Naheulbeuck: "On s'emmerde dans cette aventure" (**)
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Message  Estuaire44 Mar 11 Juin 2024 - 17:18

Vivement la Baston, alors ! Merci pour la chronique en tout cas !
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Message  Dearesttara Mar 11 Juin 2024 - 19:56

Tu as pourtant une des plumes les plus généreuses pour ce volume honni entre tous ! Effectivement un délayage total de la substance narrative où surnagent seulement quelques pépites comme Perrin qui y va franco pour montrer qu'il faut pas plaisanter avec lui ou Mat donnant l'ordre fatal de tuer la traîtresse (mais avait-il le choix ?).

Je ne serais pas étonné d'une référence au Roi Pêcheur, la saga me semble aussi emprunter à la légende Arthurienne (Déjà Callandor à sortir de la Pierre, enfin la Pierre de Tear...). Le côté inéluctable d'une blessure inguérissable montre aussi un certain courage de l'auteur à ne pas ménager ses personnages. Bien utilisé, c'est un excellent atout. Dans La Roue du Temps, cela affaiblit Rand, dans Le Seigneur des Anneaux, elle force Frodo à quitter la Terre du Milieu.

Je me régale toujours de tes piques sur les Aes Sedai ! Allez, je t'amène le Poignard des Rêves à la prochaine réunion, ça s'améliore déjà (et les trois livres finaux sont dantesques).
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Message  Dearesttara Mer 26 Juin 2024 - 20:56

Tel un final de saison, La Rose blanche, 3e volume de La Compagnie Noire conclut avec panache, même si pas sans quelques dommages, la première ère de la saga de Glen Cook, tout en ouvrant la porte à de nouvelles stimulantes aventures.

Certains partis pris de ce volume m'ont paru peu convaincants. Ainsi, Glen Cook se passe globalement de son concept-phare d'une chronique de sa Compagnie et de ses dérangeants dilemmes moraux. Toubib, du point de vue du lecteur, n'est plus un membre de la troupe faisant son devoir au côté de ses frères d'armes, et davantage un héros (OK anti-héros) de fantasy menant l'intrigue générale, soit à mon sens une profonde modification de l'ADN de la saga. La mort du bien trempé capitaine dans le tome précédent laisse le lieutenant et Chérie à la tête de la troupe, mais aucun ne m'a semblé avoir la présence marquante de leur prédécesseur, pourtant perso secondaire. Le lieutenant et Casier sont des silhouettes et Chérie se cantonne à son rôle de cheffe de guerre, mais à l'exception d'un éclat dramatique, m'a paru aussi terne que les hommes qu'elle commande. Cela inclut Traqueur (et son clébard), surtout vu par le prisme de son talent d'infiltration, ou un Corbeau longtemps absent et assez décevant au final. La plupart des personnages s'enferment dans la routine et n'évoluent guère. Les savants troubles moraux de la saga sont également absents pendant les 2 premiers tiers, vu que la Compagnie a tourné casaque du côté des "gentils", tandis que les tueries viscérales qui faisaient le prix des précédents livres se voient bien édulcorées ici. Durant la majeure partie du livre, on croirait presque voir une compagnie quelconque de mercenaires, soit la pire offense qu'on pourrait dire sur la Compagnie Noire.

Pourtant, La Rose blanche n'en est pas moins passionnant à lire, grâce à une profusion de nouvelles idées faisant mouche. Ainsi, le crescendo de doute et de peur s'abattant sur la toute-puissante Dame frappe, jusqu'à établir un lien aussi intime que possible avec l'annaliste. Cette "étincelle de lumière qu'elle n'arrive pas à éteindre" pourrait paraître clichée, elle ne tombe pas du ciel, elle a été bien préparée par son comportement parfois étonnamment clément. Voilà la Dame, toujours pugnace et terrifiante, mais humanisée jusqu'à installer un plaisant jeu de rôle avec Toubib. Humaniser sans enlever l'aura, un difficile équilibre brillamment tenu par Cook. Toubib est à la fête, de tous les débats, et compensant sa vieillesse par son côté volontaire et ses prises de risque. Sans être aussi flamboyant que Marron Shed, l'histoire de Bomanz n'est pas moins riche en émotion et en suspense, celui qui réveilla la Dame n'est ni un idiot ni un fanatique, celui qui passa toute sa vie à essayer de sortir de sa condition médiocre a sa grandeur et sa mesquinerie. Cook sait écrire de fascinants ambivalents personnages quand il se laisse le temps. Bien qu'on reste dans un système de magie très soft, j'admire comment avec une seule grande règle, le "nul" de Chérie, Cook parvient à en tirer de stimulants jeux tactiques et de revirements (quitte à expédier la bataille finale). Quant à la Plaine de la Peur, elle ouvre une fenêtre étonnante sur ce qu'aurait donné Terry Pratchett s'il avait cadré ses délires fous furieux dans des romans sombres et sérieux. Cette contrée où vagabondent êtres et phénomènes totalement WTF est un écrin de choix pour l'ouvrage.

Après un entraînant enchaînement de petites quêtes (où j'avoue à ma grande honte m'être totalement fait avoir par Choucas puis par Saigne-Crapaud le Chien), c'est véritablement dans le dernier tiers, lorsque la Dame bascule une nouvelle fois le plateau de jeu, que Cook parvient à développer une redoutable accélération vers la fin du conflit. Tous les fils, des sortilèges du Tumulus au secret des noms en passant par les alliances tactiques remodelées se croisent et galopent jusqu'à une conclusion peut-être brève mais explosive (Boiteux et Silence en pleine forme) et surtout menant à ce saisissant épilogue où Toubib propose l'ultime vote. Malgré quelques fils laissés opportunément lâches, La Rose blanche aurait pu constituer une excellente conclusion à cette trilogie désenchantée. Une page se tourne au prix du sang, vers une errance dont on se demande quelle forme elle va prendre. (***)
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Message  Estuaire44 Jeu 27 Juin 2024 - 10:42

Merci pour cette critique et son enthousiasme ! J'ai trouvé que c'était un peu le roman de la normalisation pour la Compagnie Noire. Situés dans les 80's, les deux premiers avaient rompu le paradigme de la Fantasy à la Tolkien, avec notamment des personnages et une vision de la Guerre davantage sombres et réalistes. Mais au troisième opus l'effet de surprise joue moins, on s'est habitué à cette forme d'écriture, un nouveau genre s’est constitué. Sans aller jusqu'à dire que l'on a du déjà-vu, cette suite du cycle donne donc une impression d’atterrissage. Ce sentiment est renforcé par le maintien du poncif que demeure la grande bataille finale où se joue le Destin, mais aussi par la reconduction d’une forme narrative très proche du roman précédent, avec trois fils narratifs finissant par se rejoindre.


Heureusement, le monde et la chronologie s’étendent, la qualité littéraire et psychologique répond toujours à l’appel (et j’étais demeuré toujours aussi fan de Toubib et de la Dame) tandis que La Rose Blanche parvient malgré tout à se distinguer par deux points clés : les 10 ans écoulés se voient pleinement intégrés et effectivement par cette insolite contrée saturée de magie jusqu’à en devenir quasi psychédélique, à mon sens la vraie vedette du bouquin. Oui, on se retrouve dans les contrées les plus agitées du Disque-Monde (peut-être Rincevent a-t-il cavalé dans cette dimension également) ou alors au Wacky Land (capitale : Zinzinville) du Derniers des Dodos, encore plus cinglé que le reste des Merrie Melodies de la Warner Bros. Le tout reste très prenant et d’un haut niveau, ce test particulier pour toute saga qu’est la maturité se voit franchi avec succès.
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Message  Dearesttara Jeu 27 Juin 2024 - 11:38

Merci, c'est exactement ce que je ressens ! Une normalisation, mais toujours relevée par les qualités littéraires de l'auteur. Je me pose sincèrement la question de savoir comment la série peut continuer. Il y a 11 livres (4 de plus sont prévus) et les survivants sont déjà vieux, usés et fatigués. A moins d'un renversant reboot où on évacue les personnages et on les remplace par leurs successeurs, je suis curieux de voir comment Cook gère une saga qu'il n'a manifestement pas prévue qu'elle soit aussi longue. A sa décharge, il a plus ou moins dit qu'étant son œuvre la plus populaire, il se sent plus contraint à écrire des romans de la Compagnie Noire que ses autres créations (les maisons d'édition ont aussi leurs lois).
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Message  Estuaire44 Jeu 27 Juin 2024 - 11:44

Sans spoiler disons que la Compagnie va voyager et voir du pays... il va falloir cartographier... â la Tolkien. Certains éléments demeurent incontournables en Fantasy.
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Message  Camarade Totoff Ven 28 Juin 2024 - 13:57

Je mets cette saga sur ma liste d'attente... [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
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Message  Dearesttara Sam 6 Juil 2024 - 1:22

Rien de nouveau au royaume d'Aslan, Le Fauteuil d'argent, 4e volume des Chroniques de Narnia de C.S. Lewis, a beau constituer le premier spin-off de l'aventure originale, il se contente de recycler les qualités et défauts habituels de la saga, une certaine répétition en prime.

Comme toujours, scénario et personnages sont aux fraises. Les personnages demeurent des silhouettes pour la plupart, avec la circonstance aggravante que le trio central réagit davantage qu'il n'agit aux évènements. Jill n'apporte pas grand-chose, si ce n'est un rôle assez ingrat de demoiselle quelque peu tête à claques, tandis qu'Eustache ne profite guère de son séjour passé sur le Passeur d'Aurore pour briller. Sur le volet aventures, Le Fauteuil d'argent se montre le plus radin des volumes car après un premier tiers d'exposition longuette, nos amis traversent... 2 péripéties. Voilà, 2, c'est tout. Avec la circonstance aggravante d'apparaître très faisandées. La 1re péripétie se contente de transposer le To Serve Man de Damon Knight, sorti 3 ans avant. Dès que la dame en vert parle du festin d'Automne, on comprend instantanément de quoi il retourne. Les enfants se contentant de se balader dans Harfang, Lewis éprouve franchement du mal à instiller de l'intensité. La 2e péripétie apparaît comme un médiocre remake de la déjà très passable intrigue du 1er volume, une nouvelle méchante sorcière, un nouvel envoûtement, un nouveau monde à délivrer, on est à la limite du foutage de gueule. Autre point saoulant, après avoir levé le pied dans Prince Caspian et L'Odyssée, Lewis revient à une prose épuisante de lourdeur, surlignant le moindre effet, surexpliquant tout, avec des convolutions interminables. Le style est décidément le point sur lequel l'heptalogie accuse son âge.

Tout n'est heureusement pas à jeter. L'hilarant Puddlegum constitue ainsi un intéressant précurseur au Marvin d'H2G2, jouant sur le même running gag de pessimisme outrancier et imaginatif. Bon, Marvin est un dépressif total, là où Puddlegum se montre plus flegmatique que désespéré, mais je me demande vraiment si Adams ne s'est pas bouffé son Lewis. Le roman évite ainsi l'ennui par ses commentaires désabusés perpétuels, dans un stand-up continu proprement irrésistible. J'ai aussi apprécié qu'au lieu d'une bataille de vrais bonhommes (où Lewis n'est clairement pas à l'aise), le duel contre la sorcière se montre avant tout psychologique. Bon, on peut tiquer sur une apologie du christianisme moins subtile que d'habitude, représentée par nos héros face à cette horrible athée/démone qu'est la sorcière. Mais Lewis a-t-il au moins le bon sens de ne retirer que la part humaniste de la religion. J'ai particulièrement aimé que ce qui sauve nos amis, c'est leur volonté de croire en quelque chose qui nous dépasse derrière les apparences de notre triste monde tragique, de chercher moins une vérité de toute façon inatteignable et de choisir une voie intérieure plus belle et pleine d'espoir. La profession de foi de Puddlegum reste le pic du bouquin, aisément transposable à cette quête de transcendance. Quand il s'agit de parler du mystère de la foi, Lewis garde tout son brio.
Plus secondairement, le conservatisme de Lewis est ici si épais et flagrant qu'il en devient comique. Ah, ces écoles mixtes où l'on apprend pas la bible, ah ces profs laxistes qui ne font plus marcher les élèves à la baguette, quelle diablerie sur Terre. Et pourtant, c'est mixé avec une description toute en pudeur du harcèlement scolaire, où Lewis dénonce avec une acuité désarçonnante pour 1953 la déjà incapacité des écoles à traiter ce problème efficacement. En 2024, c'est toujours l'horreur pour les victimes de harcèlement, et ce que décrit Lewis, certes avec beaucoup d'implicite, n'a pas changé d'un iota. La fin douce-amère du livre est également une nouveauté.

Le plus grand atout du roman demeure évidemment l'imagination féérique de Lewis, qui nous régale de créatures enchantées, de royaumes secrets, de descriptions frappantes, de paysages et de créatures ensorcelants. Sans égaler tout à fait l'orgie d'imagination du tome précédent, Lewis assure toujours son worldbuilding qui nous met sous son charme à chaque page. Narnia demeure décidément un endroit où on revient moins pour ses aventures que pour en explorer ludiquement chaque recoin (**).
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Message  Camarade Totoff Sam 6 Juil 2024 - 15:17

Restons dans Narnia avec Le neveu du magicien.

On y assiste à rien de moins qu'à...la naissance de Narnia ! Une naissance quelque peu biblique puisque ce monde naît du chant d'un lion ! Aslan bien évidemment qui choisit quelques animaux à qui il donne la parole mais qui pourront la perdre s'ils déchoient. Mais un monde déjà vicié car, venue de l'extérieur, une sorcière s'y est introduite.

On rembobine la critique. Au commencement est Diggory, neveu de l'oncle Andrew qui se préoccupe de la santé de sa mère et se fait une amie de Polly. Les deux enfants découvrent que l'oncle Andrew bricole de la magie mais que, manquant de courage, il préfère envoyer les enfants vérifier si les bagues qu'il a créée permettent réellement de voyager dans d'autres mondes.

Il se trouve que oui et les enfants aboutissent dans celui, mourant, de Charn, où Diggory, cédant à la curiosité, réveille la reine Jadis, une femme cruelle, despotique et qui sait se servir d'une magie puissante. Au moment de repartir, elle parvient à s'accrocher à eux....et vous connaissez la suite.

Le récit est extrêmemnt court (une centaine de pages),ce qui le rend assez facile à lire d'autant que sa structure n'est guère compliquée. En fait, le premier tiers du livre est même assez pénible et manque cruellement d'originalité. Un vieil oncle s'adonnant à la magie dépassé par ce qu'il a fait et une sorcière. Heureusement, le récit s'anime quand Narnia naît et, là, c'est la Bible qui nous donne les clefs de compréhension, en particulier la Genèse. Aslan use volontiers également des l'expression "Fils/fille d'Adam/Eve" et je ne vous raconte pas l'épisode avec des pommes et un jardin ! J'avoue que j'ai écarquillé les yeux devant la transposition pas littérale mais très explicite du passage biblique. Et Lewis n'oublie pas de nous faire la morale : mal agir a des conséquences fâcheuses. Sans rire ?

Publié en 1956, ce court roman est un préquelle de la saga à laquelle je vais maintenant m'atteler. (**)
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Message  Estuaire44 Sam 6 Juil 2024 - 18:03

Merci pour ces deux belles critiques ! Je confirme préférer le Trône d'Or au Fauteuil d'Argent, roman pas tout à fait mineur, mais qui pour la première fois sacrifie la démonstration à la narration. L'intersection entre la Caverne de Platon et la Parabole du Semeur est intéressante en soi, avec la Dame Verte en écho de Satan multipliant les chausses-trappes empêchant la parole du Seigneur d'éclore dans les âmes, mais l'amateur de voyages et d'aventures n'y trouve effectivement guère son compte. Quelques bonnes idées toutefois, comme le collège mixte dépeint comme une institution aussi maléfique qu'un certain cabinet d'avocats à Los Angeles, où l'instauration d'un Monde souterrain, devenu depuis une facette incontournable des Mondes de D&D et Warhammer Fantasy, entre Skaven et Elfes Noirs. Je regrette toutefois que l'occasion ne soit pas saisie de fonder comme un Ordre antagoniste des Sorcières, avec celle qui aurait pu former une Sœur Noire de Jadis.  
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Message  Dearesttara Lun 29 Juil 2024 - 20:43

Je regrette de ne pouvoir partager l'enthousiasme de Camarade et d'Estuaire car sans être aussi raté que La huitième fille, Trois soeurcières, 6e opus du Disquemonde de sir Terry Pratchett, m'a laissé vidé d'ennui et de frustration. Pourtant, le sujet qui avait tout pour me plaire.

Brassant notamment Macbeth et Hamlet, Pratchett adopte un excellent pitch, décalant dans le Disquemonde ce que donnerait les pièces de Shakespeare du point de vue des personnages secondaires, comme l'avait fait Tom Stoppard avec Rosencrantz et Guildenstern. Les multiples clins d’œil au Barde font bien sourire, avec un Hwel délicieux en démiurge accidentel, et les sorcières passant leur temps à aller à l'encontre de tous les clichés traditionnels. J'ai aimé tout le discours de Pratchett sur la beauté, la magie des mots, que même cette bonne vieille Mémé Ciredutemps ne peut combattre, sauf à les reprendre pour son compte. Tandis que quelques vannes et quelques notes de bas de page dédiés à un lore en roue libre se montrent aussi dadas qu'on l'aime. Le pot à lait céleste qui fracasse un bandit ou le démon invoqué via machine à laver, j'avoue, j'ai bien rigolé.

Cependant, ces qualités se voient noyées dans un récit déstructuré dont aucune branche n'est arrivée à me passionner. La duchesse psychopathe et le duc fou, plus Macbête que Macbeth, s'enferment tout le long dans leurs numéros respectifs, l'aura torturée et maléfique de leurs modèles laissant la place à une farce molle, sans évolution ni gag vraiment marquant. La sympathique troupe de théâtre manque cruellement de place, mais leurs quotidiens souvent mornes ne donnaient pas vraiment envie, malgré un Hwel se démenant pour amener un peu de chair en artiste en proie aux affres de la création (Pratchett s'identifie-t-il à lui ?). Tomjun n'est pas exploité autrement que son génie d'acteur, et demeure fade. La déception vient cependant des sorcières, manquant cruellement de fantaisie au sein d'un tel univers. On en reste à des blagues sages, parfois un peu salaces, mais la perte de valeur face aux fous furieux de l'Université de l'Invisible est criante. Nounou, Magrat et Esmé n'ont qu'une vague excentricité, à la hauteur d'une intrigue émiettée façon feu octarine qui avance à pas de tortue. Il n'y a pas vraiment de protagonistes, juste quelques camps qui se mêlent rarement entre eux, chacun avançant dans son quotidien en général... et pas grand-chose d'autre. Ah si, il y a une amourette avec les sympathiques Fou et Magrat, mais dont on se fout car la demoiselle ne s'y investit vraiment pas. En comparaison, le caméo du bibliothécaire m'a bien fait davantage rire que les complots des Wyrd Sisters.
Après avoir canalisé son imagination dans Mort et Sourcery, Pratchett revient aux travers des premiers romans du Disquemonde et se contente de saynètes vaguement reliées entre elles, mais dénuées de la vigueur burlesque des aventures de Rincevent. Même la confrontation finale, réussie par bien des aspects, est constamment gâchée par des résolutions hâtives (la duchesse), un manque total d'investissement des protagonistes (Hwel et Tomjun ne font rien du tout) voire du ta gueule c'est magique (comment les sorcières arrivent-elles à insuffler un nouveau texte aux acteurs ?).

Trois soeurcières me semble indiquer que Pratchett est plus à l'aise avec les Mages et autres persos bien cramés TELLE CETTE CHÈRE MORT qu'avec les Sorcières. Le prochain volume sera apparemment une histoire individuelle, je suis curieux de voir comment Pratchett va traiter ce nouveau front. (*)


Dernière édition par Dearesttara le Mar 30 Juil 2024 - 18:01, édité 1 fois
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Message  Estuaire44 Mar 30 Juil 2024 - 13:44

Critique parfaitements affûtée, mais j’ai malgré tout envie de défendre ce roman malgré l’Exterminatus fulminé par Dear. D’abord parce que, avec le recul, on se demande bien s’il n’a pas inspiré l’excellent The Shakespeare Code de Doctor Who (le Barde, la Magie des Mots, les Sorcières…) mais aussi et surtout pour le gambit à mon avis réussi qu’aura constitué la véritable entrée en scène des Sorcières de Lancre.

J’ai aimé que leur philosophie et leur magie diffèrent totalement de celles, très D&D, des fracassés de l’Université. Bien plus proche du Vif que de l’Art, la Sorcellerie apporte de la variété à l’univers, mais aussi une expérience du quotidien et des rudes trivialités de l’existence qui évite au Disque-Monde de virer à la simple pochade absurde, aussi brillante soit-elle.

Mémé et les autres apportent un sens du réel prosaïque et une sagacité rendant la dinguerie du monde plus prégnante par contraste. Quand tout est fou, la folie redevient normalité et Mémé et autres se dressent face à ce péril. Les Sorcières se rendent aussi réellement utiles aux petites gens, moins par magie que par l’accompagnement, j’ai aimé l’idée que la grandeur puise aussi être simple, voire humble. Tout ce qui à comme un goût d’authentique, davantage que l’In Octavo et les bananes, à mon avis.

Par ailleurs j’ai trouvé l’intrigue du jour agréablement complexe et les personnages finement dessinés, chacune des trois possède une personnalisé bien à elle, ce qui n’empêche pas le convent de former un vrai groupe (je n’ose pas évoquer ici le Pouvoir des Trois), certes déséquilibré. J’ai trouvé que voir un groupe aussi chaotique être chargé de rétablir l’équilibre des pouvoir et l’ordre naturel relevait d’une ironie subtile.

Terry Pratchett nous emmène dans ce voyage plein de magie et de force féminine, il démontre son incroyable capacité à construire des personnages tridimensionnels et authentiques, les enchevêtrant dans une série d'événements hilarants et inattendus, qui ravissent et en même temps déstabilisent le lecteur. Chaque page se lit avec le sourire, tandis que la tension de l'intrigue principale progresse en arrière-plan.

Plus qu'une Fantasy traditionnelle, Trois sœurcières est le reflet de l'esprit et du sens social de Pratchett. À travers son récit, le roman dresse un portrait satirique de la société, joue avec les stéréotypes de genre et propose des commentaires mordants mais légers sur la politique, cet art de la manipulation, ce théâtre des apparences. Car le théâtre reflet du monde en apporte bien sûr la meilleure des métaphores. « Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. » disait le Barde.

Plus qu'une séquence de gags ou un simple pastiche fantastique, c’est un livre doux-amer et plein d'humanité, avec des personnages qui touchent et des moments qui font rire aux éclats. Ce sera souvent la marque des Chroniques des Sorcières du Disque, y compris celle de la formidable Typhaine Patraque. Ici, Terry Pratchett démontre que l'humour peut être un instrument puissant pour raconter des histoires pleines de vérité et d'émotions profondes. Son incroyable capacité à équilibrer les moments hilarants avec les moments touchants est ce qui donne à ce roman son charme unique.
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