Série "Doctor Who"

Une fidélité pareille doit quand même dire quelque chose et avoir une signification sur ce que représente la série. Cela devrait intéresser au hasard, un diffuseur ?

Vu The Star Beast, avec des retrouvailles somme toutes réussies avec Ten (parce que bon, oui, c'est Ten). L'épisode se montre alerte, drôle, souvent brillant et porté par un David Tennant toujours tout feu, tout flammes, même si les années passées ont logiquement laissé leur marque. Quelle locomotive ! L'épisode conservera le grand mérite de nous remémorer pourquoi Ten demeure l'Incarnation préférée d'une  large partie du public et pourquoi le duo avec Donna fonctionne du tonnerre, on retrouve pleinement le ton et le tempo du duo. Après, quid du reste de l'épisode au-delà de ces retrouvailles assurant à coup sûr de passer une bonne soirée ? C'est là, ami lecteur, que toi et moi allons nous aventurer en terre davantage hostile.

Parce que, bon, on nous avait promis un Spécial 60,  alors que, via œufs de Pâques et dialogues, on a essentiellement un récit centré sur le New Who...  et particulièrement sur les seules années RTD. C'est réducteur, le Spécial 50 avait su voir plus large (Gallifrey stands!), on verra ce qu'il est est dans deux opus suivants. Par ailleurs on demeure bien loin d'ouvrir une nouvelle ère, à moins de considérer que c'est cela que signifie l'arrivée sur Disney+, parce que le scénario est vraiment standard. C'est peut-être voulu en tant que commémoration (tout comme la bande son consistant essentiellement en des réorchestrations), mais cela rend tous les twists prévisibles au possible. RTD semble d'ailleurs s'en rendre compte en n'en faisant pas des caisses sur la survie de Donna, personne n'allait croire un seul instant qu'elle allait y rester (toute la continuation de la séparation avec le Doc est traitée avec un soin indéniable).

RTD démontre heureusement son habilité habituelle autour des nouveaux personnages introduits. C'est le cas pour l'Opposition, même si l'on se retrouve là aussi dans une situation très proche de Smith and Jones. Le Meep se montre amusant en cousin de Gizmo from Space. Et si les Hommes-fourmis demeurent d'évidents substituts aux Judoons, j'ai bien aimé la persistance de l'esprit Craignos Monsters de Doctor Who, à l'heure où le budget permettrait de s'en dispenser. Un plaisir de gourmet. Concernant la caillasse, décors (TARDIS sublime), effets spéciaux et scènes d'action sont à la hauteur. Par contre le Sonic Screwdriver devient plus que jamais la baguette du Magicien et c'est dommage (avis personnel). Belle baston entre les valeureuses Forces de Défense Planétaire (les célèbres FDP) et la perfide engeance xéno.

Et puis il y a bien entendu ce volet Woke qui en a irrité pas mal sur Twitter et le Tube (toujours les mêmes, de films en séries, bref). RTD avait annoncé la couleur et cela ne surprendra pas ses amateurs, de toutes manières. J'ai trouvé qu'il s'en sortait très bien...  durant la majeure partie de l'épisode. Bon, il coche les cases, mais avec sa finesse bien connue. L'inévitable personnage handicapé aura en vérité été mon vrai coup de cœur de la soirée. L'adorable  conseillère scientifique  de UNIT évoque toute la saveur des aventures très Sixties du Troisième face aux plans tordus du Maître (même les gadgets de son fauteuil roulant sont dans la vibe) et j'ai adoré le naturel de sa connexion avec le Docteur. Leurs échanges composent ma scène préférée de l'épisode, alors même qu'ils font parfois doublon avec les explications données au début. A la revoyure, j'espère.

J'ai aussi beaucoup aimé Rose, très attachante, parfaitement interprétée, et dont le côté Trans s'insère longtemps à l'action avec un naturel très à la RTD, sans aucune lourdeur militante. Bon, RTD joue bien la provoc en toute fin de parcours, quand c'est la nature non binaire de Rose qui sauve Donna et Londres (si j'ai bien compris, vu en VO non sous-titrée), c'est à peu près du même niveau que Rand triomphant car déconstruit. I Un féminisme aussi un rien misandre quand elles affirment au Doc qu'il a beaucoup perdu en redevenant un homme. Mais  je ne vais pas critiquer tout un ensemble pour  deux-trois dialogues maladroits, on l'a assez fait subir aux Anneaux. De la conclusion je retiendrai surtout la joyeuse dinguerie du TARDIS partant en vrille à cause  d'un café renversé, une dinguerie très Doctor Who !  (***)

Même pour qui ne regarde pas. C'est dire le talent.

Après un premier Special somme toute assez classique, Wild Blue Yonder tente de varier les plaisir en jouant la carte de l'étrange et du mystérieux. J'ai passé un excellent moment grâce à la qualité des dialogues et à l'interprétation, mais je n'ai pas trouvé cela si original que cela non plus, des Doppelgängers il y a en avaient déjà beaucoup dans les séries d'aventures UK des années 60, on a plusieurs épisodes sur le sujet dans Chapeau Melon et Bottes de Cuir, par exemple. Pour le reste j'y ai vu comme un mix de The God Complex (pour le huit clos énigmatique, hanté par une présence a priori hostile) et de The Rebel Flesh, pour les Doubles, y compris jusqu'au détail de la fausse Compagne se substituant à la vraie (Fourteen le repère beaucoup plus vite que Eleven...).

Peut-être le côté 60 ans se voit -il ici accentué avec le Docteur et Donna coupés du TARDIS, c'était le cas de quasiment toutes les aventures du premier équipage.  Comme lors de cet autre huis clos que fut Midnight, les dialogues scintillent, notamment en prenant en compte l'évolution d'une Donna ayant pris de l'âge ou en évoquant  le mystère et les périls  du Néant infini aux confins de l'Univers (assez comme les Mondes du Halo, dans une Galaxie où le pacifisme n'est pas une option). Sur cette qualité RTD brille décidément davantage  que Chibnall, tout en montrant l'élégance de reprendre à son compte certains aspects contestés de cette période, comme The Timeless Child.

Même chose concernant le "wokisme", où RTD joue ici la davantage la carte de la ,;provoc amusante que celle du bréviaire ânonné. C'est ainsi le cas  avec Isaac Newton joué par un nacteur d'origine hindoue (les amateurs de la Rubrique à Brac seront à la fête) ou du gag voyant le Quatorzième se découvrir gay au détour d'une phrase, quitte à ici égratigner l'asexualité du Docteur.  Les effets spéciaux s'avèrent inégaux, mais c'est ça aussi, Doctor Who. A défaut d'être aussi innovant que pas mal de fans l'ont proclamé, l'exercice de style demeure totalement maîtrisé et retrouver une ultime fois Bernard Cribbins est bien entendu particulièrement émouvant. (****)

Apparemment, le nouveau Docteur change la donne :

https://braindamaged.fr/11/12/2023/doctor-who-larrivee-de-ncuti-gatwa-en-docteur-change-la-donne-spoilers/

Vu The Giggle et je dois dire que RTD, oui, s’est assez planté sur des points importants. Vous me direz que je ne suis jamais content, c’est sans doute vrai, mais autant j’ai trouvé que les deux premiers Specials s’avéraient finalement assez classiques, autant j’ai trouvé que celui-ci regorgeait d’idées, mais peu convaincantes.

Ainsi la déjà fameuse « Bi-génération » ne m’a pas du tout convaincu. La mort d’une Incarnation, qui participait crucialement à l’intensité dramatique, se voit proprement gommée. Au total on transforme quelque chose de fort car profondément intime, en un numéro de cirque. Avec, je trouve, avec une arrière pensée assez cynique, pouvoir faciliter l’instauration de futures franchises et crossovers. Un mets particulièrement apprécié par la Souris et ses univers partagés. Le tout alors que le merchandising atteint des sommets inédits, même pour DW et la BBC. On met Tennant au frigo, en attendant un opportunité (tiens, Good Omens s’achève bientôt) :le Docteur définitivement à la retraite, personne d’honnête ne peut y croire. L’ancienne Incarnation n’a plus de vraie scène d’adieu, et la nouvelle n’a plus qu’une scène d’arrivée croupion, puisque devant faire galerie en attendant le vrai début de son aventure. Le seul intérêt consiste à générer du jus de crâne chez les Whovians amateurs de théories, je ne suis pas concerné.

Le Celestial Toymaker était une bonne idée permettant de renforcer le côté commémoratif du Special 60. Et on lui doit effectivement nombre de scènes distrayantes, grâce à l’abattage assez insensé d’un Neil Patrick Harris davantage en mode Dr Horrible  que Barney Stinson. Il parvient même à régulièrement prendre l’ascendant sur David, ce que l’on admettra volontiers comme  étant inédit dans la série. On reste néanmoins dubitatif devant cette version totalement extravertie du protagoniste, aux antipodes de celle de Michael Gough. Il aurait au moins fallu expliquer a minima ce changement, d’autant qu’on le charge de règles n’ayant absolument pas influé à l’époque. D’ailleurs l’aspect ludique du Toymaker se résume ici à trois fois rien (un tirage de cartes et un jeu de balle au lancer !), visiblement cet aspect ne passionne pas RTD tant on reste loin de l’original là aussi. On se souvient notamment de son superbe final en jeu télévisé assumé, rien de tel ici. En fait on se retrouve davantage face à un simili Maître, ce qui est hors sujet.

Le reste de l’épisode m’a semblé pareillement inégal. Les décors, notamment l’Emporium, sont superbes, mais la tour de UNIT évoque trop celle des Avengers, Mickey en bave déjà de son nouveau MCU. Les différentes retrouvailles sont réussies, mais aucun personnage (y compris Donna) n’a assez de scènes pour réellement impacter le récit. Gatwa s’avère aussi formidable que pressenti, mais se voit ici cantonné à quelques gags pour meubler. Les péripéties sont nombreuses mais jusqu’à conduire à un nouveau récit-zapping après The Flux et cela ne plaît pas davantage parce que c’est RTD, même si les dialogues manifestent davantage de brio. Le coup du ricanement dans les écrans est malin et permet à RTD d’avoir son Black Mirror à lui, mais j’ai trouvé l’approche historique davantage travaillée dans The Idiot's Lantern. Et puis, fondamentalement, est-ce que l’Humanité n’était pas déjà navrante avant l’arrivée de l’étrange lucarne ?

La séquence récapitulative avec les marionnettes était plaisante, mais Doom Patrol l’avait déjà fait et en nettement plus ambitieux et fun (ep Puppet Patrol, de la folie à l’état chimiquement pur). Idem pour la séquence musicale, mais qui vient trop tôt après celle de Raspoutine, elle aussi davantage dimensionnée, y compris musicalement. Ce type de séquence doit relever de l’événementiel et surtout pas devenir une routine, comme hélas cela semble se profiler après les déclarations de Millie Gibson. Disney, encore une fois (vous savez, ceux qui étaient là seulement pour distribuer). Le coup du maillet est amusant, mais est-ce que cela ne contribue pas à trivialiser le TARDIS ? Bref, je pourrais poursuivre la liste, mais disons que si l’épisode fait passer un bon moment grâce au choc entre deux monstres sacrés des séries télés, il n’en reste pas moins trop inégal pour pleinement convaincre. De même si les Specials 60 m’ont globalement beaucoup plu, admettons que le Special 50 était davantage enthousiasmant et virtuose. (**)

Je suis un affreux jojo mais cette critique d'Estuaire au burin et à l'acide (on appelle ça "une eau-forte") est un régal qui me met en joie. J'ai honte d'aimer ces critiques car cela suppose des épisodes nuls, contestables, plein de choses qui révulsent bien entendu les vrais connaisseurs. Bref, un plaisir coupable.

Un lien avec un épisode précédent :

http://braindamaged.fr/19/12/2023/doctor-who-60-ans-lien-avec-un-episode-effrayant-de-la-saison-4/

Finalement, ce sont de braves bêtes et Docteur Who devrait les remercier pour le succès qu'il lui ont apporté ! Pas de bonne série sans un bon méchant !

The Church on Ruby Road, nous vaut un épisode moins inégal que précédemment. Le résultat est là et bien là sur l’essentiel. Toutefois, si les Gobelins sont certes amusants et introduisent une fantaisie idoine pour un épisode de Noël, comme souvent, les trucages s’avèrent en montagnes russes. Surtout, pour quelqu’un de ma génération, ce sont vraiment des copies conformes des Gremlins de Joe Dante (en particulier concernant le deuxième film, pour les Geeks), voire des créatures de Labyrinth (pour les Nerds). Ce que vient couronner la scénette musicale, en plus d’être très Disney, décidément le pli est pris. Il y a eu des procès pour plagiat intentés pour moins que cela. Globalement des adversaires divertissants mais pas foncièrement mémorables.

Millie apporte une vraie fraîcheur à Ruby et son naturel sait communiquer l’enthousiasme de celle-ci pour le Docteur et ses aventures. Toutefois on perçoit qu’il ne s’agit sans doute pas de l’actrice de composition la plus subtile ayant embarqué à bord du TARDIS, mais on lui conserve le bénéfice du doute. D’autant que l’on découvre finalement ici très peu de son personnage, dont on explore surtout la famille et les proches. En soi Ruby demeure encore très standard, en réalité. Le plus gênant est que, derrière les relatives audaces concernant les diversités, Ruby reste enfermée dans la posture ultra traditionnelle de la Damoiselle en Détresse. Elle demeure en permanence à la remorque du Docteur et, si elle ne manque pas de vaillance, elle ne m’a pas semblé bénéficier de l’action déterminante qu’avait su engager Rose en son temps pour sauver la journée face à la Conscience Nestene, lors du pilote de l’ère précédente. Elle se voit même carrément retirée de l’action durant toute la confrontation finale ! Ni Nine, ni Ten n’auraient jamais fait cela à Rose !

Il faut dire que l’objectif consiste clairement à établir la posture de la nouvelle Incarnation et, là, vraiment, on se régale sans réserves. D’une manière nette et définitive, Doctor Who devient un authentique show Gatwa, quasiment autant qu’elle fut (et sera) un show Tennant. Porté par sa jeunesse, son charme et son charisme indiscutables, il fait de chacune de ses scènes un feu d’artifice, encore aidé par des dialogues qui claquent et qu’il négocie à merveille. Cette fois-ci aucun délai d’adaptation, il devient ipso facto mon nouveau Docteur. D’autant que RTD sait installer le protagoniste dans toutes les dimensions et facettes du Docteur, ce qui fut hélas insuffisamment  le cas pour Jodie (avis très personnel). Pétillant d’humour, d’énergie, d’inventivité, d'un panache inouï, de vraie gentillesse, il dynamise un épisode tonique de bout en bout. RTD n’oublie rien et surtout pas le volet sombre de l’impitoyable justicier que peut aussi devenir le Seigneur du Temps en mode Deus Irae, notamment lors de la mise à mort totalement Gore et délibérée du Roi Gobelin (le Hobbit peut aller se rhabiller), tout comme l’Exterminatus so Christmas de ses sujets. L’ultime dialogue de l’opus lui vaut une idéale conclusion !

Comment souvent lors des pilotes, l’histoire du jour se révèle simple, du fait du temps consacré à la mise en place des personnages. De moins tout cela est-il rondement mené et taillé à la perfection pour cette énergie débordante par laquelle RTD a clairement voulu caractériser le nouveau duo. En clair : finies ces parlottes lénifiantes et/ou moralisatrices dont on a rien à secouer (je ne citerai personne, c’est inutile, mettons le cap vers l'avenir). Quelques pistes prometteuses pour la suite se voient également ouvertes, même si Moffat reste le meilleur là-dessus. En ceci comme en toutes choses, Steven si tu nous lis. Le jus de crâne a encore un bel avenir chez les Whovians. Le jeu des références a pratiquement disparu, mais c’est normal, nous avons quitté les Specials 60. Même l’affection du Quinzième pour les gadgets m’a parlé, cela fait tellement vieilles séries d’aventures, j’adore. Henry Cavill aura un défi à relever quand il deviendra 007 (en plus du Fils Vengeur, quel homme). Seul regret : l’intéressante idée du jeu des coïncidences heureuses ou malheureuses m’a semblé insuffisamment exploité, on reste loin de la patte de lapin fatidique et tellement fun de Supernatural.

En bref l’année 2024 des Whovians s’annonce resplendissante : l'arrivée du Quinzième constitue bel et bien la meilleure chose qui soit arrivée à Doctor Who depuis fort longtemps. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il justifie à lui seul le lancement d’une nouvelle ère, mais je cède volontiers là-dessus. On va beaucoup s’amuser et c’est bien l’essentiel. Espérons qu’une fois sorti de Noël nous aurons droit à des antagonistes davantage substantiels et menaçants (j’ai tellement envie de découvrir Gatwa face à Dhawa, un showtime absolu), parce que, bon, le Fifteeen il s’est baladé, en vrai. Espérons aussi que Ruby ait sa scène glorieuse bien à elle (« This is my moment in the sun » chanterait Gallavant), sans quoi son intronisation dans l’Ordre, euh, à bord du TARDIS, ne serait pas complètement validée. Mais je n’éprouve guère de doutes. Concernant Disney, on reste vigilant, mais, allez, ça passe. (****)