Série "Doctor Who"

Le temps file à une vitesse, c'est complètement fou : voici 10 ans déjà que la regrettée Elizabeth Sladen nous quittait bien trop tôt, le 19 avril 2011. Cela me semble être hier. Cela avait été un grand bonheur de la retrouver dans la série moderne et dans les propres aventures de Sarah-Jane.

Décès de Jackie Lane (1941-2021) , qui fut l'interprète de Dodo Chaplet, Compagnon tardif du Premier Docteur. Malgré son allant et le talent de son interprète, cette jeune femme des années 60 manquait un peu de personnalisation. Elle fut assez vite remplacée par Ben et Polly, vivantes incarnations du Swinging London.

Je conserve le bénéfice du doute à Jodie. Elle a eu à jouer la gentille organisatrice d'une gentille colonie de vacances durant presque tout son parcours, je ne suis pas sûr que Tennant lui-même aurait accompli des miracles dans ces circonstances. Verdict après l'ultime saison, je pense que Jodie va donner tout ce qu'elle a.

Pour le showrunner j'espère toujours à Mark Gatiss, voilà. C'était son tour et on a eu Chibnall. Même si l'exercice est singulièrement difficile, tentons de remettre les pendules à l'heure à bord du TARDIS. Pour j’interprète , je trouve que Hayley Atwell coche vraiment toutes les cases pour un Docteur féminin ET badass ET mystérieux ET ultra british (idem pour jouer un Agent 00 féminin d'ailleurs). Mais la partie ne fait sans doute que débuter !

Depuis 2005, j'ai régulièrement lu les romans édités par la BBC , et plus rarement quelques Comics (question anglais c'est d'un niveau facile). n y trouve quelques vrais échecs, mais pas tant que cela, la BBC ne se moque pas de son public. on y retrouvait vraiment la série, avec des épisodes plus détaillés qu'à l’ordinaire, et quelques chefs d’œuvre. J'ai totalement stoppé cela depuis l'arrivée de Chibnall et la tronche des derniers bouquins (Comics) sortis m'incitent à attendre le passage du prochain train pour remonter à bord. Je n'en peux plus, il est temps que tout cela s'achève.

Avec Robot des Bois, l'ami Mark, futur showrunner d'une série ressuscitée, nous avait régalé d'un épisode exubérant, parodique et geek jusqu'au blanc des yeux, encore enjolivé de moments de pur délire (et d'un Robin fort seyant dans ses collants). Qualifier l'ensemble de postmoderne relèverait de la litote compassée. A cet égard, The Lion, à la fois contemporain dans l'action et des décennies plus tôt dans la Timeline de la série, permet de mesurer le chemin parcouru par Doctor Who. En effet nous nous situons ici dans l'Historical le plus pur et classique. D'ailleurs si sa théâtralité évoque effectivement Les Rois Maudits, l'ensemble m'a plutôt fait songer à La Caméra explore le Temps, le N&B  y contribuant également.

Ce n'est pas pour autant que l'épisode, porté par des praticiens éprouvés de la série d'aventures Sixties va s'avérer ennuyeux. Les évènements  ne cessent de se précipiter, alors que le récit renonce même à l'habituelle séquence d'introduction à bord du TARDIS. Évidemment on pourrait pointer que le coup de la séparation est désormais bien connu, qu'une nouvelle fois Vicky ne sert à rien, ou regretter l'absence d'un dressing à bord du TARDIS (le Docteur en voleur à l'étalage n'est guère épique, même si Hartnell rend la séquence amusante). Peu importe, le récit d'aventures se montre entrainant, aidé par une caméra variant agréablement ses points de vue. Le dynamisme de l'ensemble prévaut, malgré la faiblesse persistante des moyens.  De fait la maîtrise globale de l'ensemble donne l'impression d'une série désormais rodée et sur ses rails, ce n'est sans doute pas un hasard si Verity Lambert annonça son prochain départ lors de ce tournage tournage (même si elle allait encore boucler la saison et lancer la suivante). Son rôle était achevé, de nouvelles aventures l'appelaient.

Cette priorité donnée à l'historique porte pleinement ses fruits, d'autant que le récit n'a pas d'Alien hostile à gérer, cet éternel regret de la série moderne. Un panorama équilibré,dépeint avec autant de concision que d'efficacité  du crépuscule de la Troisième Croisade (comme de la personnalité tourmentée de Richard) nous est ainsi offert. On aime vraiment que Whitaker ne sacrifie pas tout à l'action et prennent le temps,sans lourdeur, de poser le profil psychologique de ses protagonistes.  A côté de Ian et Barbara toujours au top, les personnalités positives et négatives se retrouvent en proportions égales dans les deux camps, un subtil moyen de souligner l'inanité des guerres de religion (hormis dans Warhammer). De l'art d'introduire un message dans un récit sans transformer celui-ci en prêche pesant et démonstratif. Oui, décidément Doctor Who a bien changé.

On apprécie certains à-côté, comme la présence de noms français parmi les proches de Richard, nous rappelant la nature duale de l'Empire Plantagenêt (Philippe Auguste a son idée sur la question), ou l'évocation de figures moins connues mais tout aussi passionnantes comme Jeanne d'Angleterre, que Richard effectivement envisagea un temps de marier au frère de Saladin, afin de pérenniser le Royaume de Jérusalem. Que richard s'irrite quand Jean commerce avec la France est également amusant en ces temps de Brexit ! Et puis, of course, alors que l'on s'interroge parfois dans certaines enceintes sur le prochain Game of Thrones, Docteur Who apparaît ici comme un pré Trône de Fer, avec son titre hommage à Lord Tywin, son évocation des griffes du Lion (The Rains of Castemere) ou bien encore son Mestre Pycelle enfin parvenu au sommet du pouvoir. Mais pour admirer la Reine des Épines, il faut aller sur ITV ! (****)


Superbe présentation de l'édition DVD par William Russell

Pas évident d'estimer un épisode dont on ne dispose (quasiment) que de l'audio, et qui n'a pas du tout été pensé comme une dramatique radio de la BBC ou comme l'un de ces audiobooks dont nos amis Anglais raffolent. Bravo aux fans français de l'avoir  sous-titré, quelle passion ! Tel quel, The Knight of Jaffa se pose néanmoins en digne successeur de The Lion, en continuant à dresser un portrait maîtrisé de la Troisième Croisade, cette fois en mettant en avant une confrontation plus poreuse qu'on ne le croit généralement, via la figure du marchand italien, ou les trêves et  accommodements recherchés  par les seigneurs chrétiens, à commencer par le premeir d'entre-eux. Nous nous situons en terrain connu, puisque c'est très exactement le même phénomène qui s'est instauré durant la (pas toujours) glorieuse Reconquista, entre les souverains catholiques et les Taïfas. On peut toutefois regretter que le fait religieux se voit minoré au point de ne pas être évoqué dans l'affaire du mariage royal, alors même que c'est cela qui fera capoter l'affaire, mais cela surviendra peut-être durant les prochains épisodes.

L'épisode a également la bonne idée d'octroyer un large espace à ce grand acteur shakespearien qu'était déjà Julian Glover, issu de la RADA et surtout de la Royal Shakespeare Company, tout comme sa grande amie Diana Rigg alors sur le point d'arriver sur une autre chaîne, dans une série vaguement remémorée. Une spécificité parmi les comédiens de télévision de l'époque, qui lui valut d'être régulièrement chambré par le sobriquet de "Mr National Theatre" par son ami Roger Moore, au tout autre parcours.  Glover continue à dresser le sombre portrait d'un roi inquiet, biscornu et en proie au doute, dissimulant sous un désir proclamé de paix le fait qu'il s'apprête à vendre sa sœur pour pouvoir accourir en Angleterre assujettir son frère Jean. La Maison Plantagenêt, ces éternels Atrides. On regrette en particulier de ne pas pouvoir découvrir deux scènes : la magnifique rencontre avec Jean Marsh (Joanna d'Angleterre), l'une des meilleures actrices de son temps, bientôt Compagnon du Docteur, pour une confrontation frère /sœur au non-dit que je trouve personnellement assez trouble. Les deux  formidables comédiens sont à fond sur ce registre, avec une intensité totale. Et puis bien sûr l'adoubement de Ian, moment solennel que William Russell rend très amusant, tout en clins d'oeil à son grand rôle précédent du Chevalier Lancelot.

Dear a bien raison de pointer les facilités et accélérations  du récit, elle sont patentes. J'avoue que cela ne me dérange pas du tout, car elles sont tellement typiquement Sixties et que j'adore ça (on se croirait chez Simon Templar, du cousu main), c'est très subjectif, of course. J'ai par contre été dérangé par le développement de cette histoire assez ridicule de vol de vêtements, comme si un Chambellan allait accuser des hôtes honorés de son Roi du fait d'accusations d'un humble marchand. Mais il fallait bien trouver quelque chose à faire à Hartnell (outre citer du Shakespeare, bien à sa place ici), très à son affaire, dans cet Historical pas loin de donner la priorité aux figures historiques, plutôt qu'aux personnages réguliers.  Je trouve aussi que l'opus est singulièrement sexué pour du Dr Who, avec une évocation assez explicite de ce qui attend Barbara dans le harem du félon de service, ou du désir du frère de Saladin pour Joanna (Angélique et le Sultan, c'est pour bientôt), sans même parler de la version locale de Cersei et Jaime. Le sujet scabreux de son  Harem oblige toutefois  à ne pas trop développer le félon. De fait, on reste loin du récital irrésistiblement gouleyant de Tlotoxl dans The Aztecs, qui demeure mon Historical préféré de l’Ère Hartnell, malgré l'excellence ici confirmée de The Crusade.  (****)

The Wheel of Fortune (et non pas of Time, ce qui siérait pourtant bien au Doc) tire paradoxalement parti de la quasi absence de Ian, dont l'interprète est alors en vacance. Cette habitude d'alors de la série, qui nous semble bien incongrue aujourd'hui, permet en effet au récit de développer  plus aisément deux et non plus trois intrigues. Et cela tombe à pic, car malgré cela, cet excellent opus conserve un  goût de trop peu. Le véritable scandale réside dans les seulement quatre segments impartis à ce passionnant Historical, contre les six dédiés aux élucubrations du Zarbi et consorts, ce récit pré Chibnall.

Le segment Barbara sait préserver son bon goût d'aventures sixties, tout en n'évitant pas tout à fait le mélodrame par moments. On distingue là-dessus un certain Orientalisme assez daté, d'ailleurs l'Indomptable Angélique (1967) se verra pareillement conseiller d'opter pour le suicide plutôt que tomber vivante aux mains des Barbaresques. Les deux héroïnes finiront de même par être capturées, ici aux mains du Félon de service plus Levantin que jamais. Courage Barbara, ton Rescator approche !

Le clou du spectacle réside dans le beau portrait de la Princesse Joanna, portée par une grande Jean Marsh, aussi lumineuse qu'au caractère bien trempé et lucide sur son frère. La confrontation des deux enfants de la bouillonnante Aliénor compose le meilleur moment de l'arc, d'une terrible intensité. De quoi regretter véritablement d'être prive de la première scène avec Glover, lors du segment précédent. Joanna se montre aussi fine politique, en posant enfin le problème de la religion sur la table tout en en appelant à l'autorité suprême du Saint Siège sur les mariages royaux. La Couronne anglaise finira par s'en lasser... On est au grand spectacle de l'Histoire, tout en appréciant que le Docteur soit enfin débarrassé du marchand digne du sparadrap du Capitaine Haddock. .

Toutefois on ne saisit pas très bien pourquoi il défend si ardemment un projet d'union dont il est bien placé pour savoir qu'il va échouer, la scène en devient un tantinet étrange. On est aussi un peu déçu de voir le Premier, d'habitude si rusé, échouer aussi lamentablement au Jeu des Trônes, une contre-performance ! On apprécie a contrario que Vicky trouve à exister sur le plan émotionnel à défaut d'action : touchante avec le Doc, resplendissante de solidarité féminine avec Joanna, un féminisme bien réel irriguant le récit, dans les deux volets. Accessoirement,les robes de ces dames s'avèrent superbes et plus élaborées que les costumes de la série jusqu'ici. On sent que la BBC commence à quelque peu lâcher la caillasse.

The Crusade continue ici à nous faire réfléchir sur la nature de la Guerre, plus complexe qu'il n'y pourrait sembler, car on s'aperçoit ici que même la paix peut-être recherchée pour de mauvaises raisons. La paix demeure d'ailleurs une quête fragile, tandis que la violence constitue un état de nature vers lequel chacun converge plus aisément. Chaque protagoniste se voit placé devant l'option de la violence comme solution à sa problématique, l'arc en ciel des réponses apporte beaucoup au récit. De manière amusante, Saladin semble envisager des Noces pourpres, encore et toujours GoT ! On aime qu'entre toutes et tous, la plus adamantine dans son refus de la violence reste Barbara, préférant se sacrifier pour sauver la jeune fille, plutôt que de poignarder le garde dans le dos. Ce refus du couteau est un grand moment Barbara, personnage faussement fragile,  inflexible sur les principes et les valeurs, ce qui lui confère une force sans doute supérieur à celle, plus inscrite dans l'action, de Ian. (****)

Avec The Warlords, le serial décide de s’achever en frappant fort, avec le plein d’action et de péripéties. Tout cela ne va pas sans un niveau de violence, montrée ou suggérée, qui étonnera toujours le spectateur français de ce qui demeure une série destinée à la jeunesse (je veux dire, nous on avait Picolo et Piccolette, à la même époque). Entre les mises à morts (dont celle de la félonne de service par les autres femmes du harem, glaçant), les évocations parfaitement explicites de supplices, la torture par les fourmis nous voici gâtés. C’était d’ailleurs trop pour William Russell, le bras vu en gros plan n’est pas le sien, mais celui d’un membre de l’équipe technique. Mais c’est le spectateur qui sera le plus éprouvé, voyant dans ces insectes comme l’allégorie d’un retour du Zarbi et ça, ce serait vraiment l’horreur, pour le coup.

Malgré cela, on s’amuse bien jusqu’à l’action finale au palais du félon de service, vraiment trop rushée pour ne pas altérer le plaisir. C’est sans doute là que le manque criant d’un opus supplémentaire, au moins, se fait le plus cruellement ressentir, tant tout devient caricatural. Pour pouvoir s’en sortir Ian et Barbara accomplissent des exploits surhumains, à croire qu’ils ont été bioniquement augmentés par le Docteur. Steve Austin et Jaimie Sommers n’ont qu’à bien se tenir. Bon, tout cela reste très Sixties, avec un sommet voyant Ian allant tranquillement assaillir seul tout un palais farci de gardes. Il se serait certainement bien entendu avec Simon Templar, autre Chevalier anglais en terres étrangères ! On se presse tant que plus personne ne semble se soucier du devenir du sympathique Chevalier des Réaux, à commencer par Barbara, étonnant !

De fait l’épisode est le meilleur quand il a le temps de vraiment installer une scène, notamment pour la dernière rencontre avec Richard. On apprécie de le voir davantage avenant et royal à cette ultime occasion, même si le doute et la duplicité l’accompagnent toujours, Glover est toujours aussi formidable. La sentence du Docteur tombe à pic pour clore le volet historique, grand atout du serial. La dernière joute avec Leicester apporte une péripétie bienvenue, après que le récit eut pris le temps de traiter comme il convient la toujours sensible scène des adieux avec les Compagnons du jour. La famille réunie, bien entendu, mais aussi cet amusant forban d’Ibrahim, dont l’écriture ferait sans doute grincer quelques dents aujourd’hui. Là aussi le Saint n’est pas loin. Avec un effet très réussi, l’équipage se voit propulsé d’emblée dans une nouvelle aventure, relevant cette fois clairement de la SF spatiale. Assez inévitablement d’ailleurs, puisque,, par définition, les épisodes dans le Londres contemporain sont impossibles avec Ian et Barbara ! (***)

The Crusade (****) achève par le haut l’excellente succession d’Historicals caractérisant la première mouture de Doctor Who. Il s’agit en effet de la dernière expédition du genre pour Ian et Barbara, couple idéalement calibré pour nous entraîner à la découverte de l’Histoire. Très bientôt, la fantaisie de Spooner va l’amener à créer le Pseudo Historical (et ses interventions d’Aliens en arrière plan devenues la règle dans la série moderne), lors de The Chase et, bien davantage encore, de The Time Meddler. Goûtons donc avec The Crusade à cette époque où Doctor Who mettait l’accent avant tout sur l’Histoire, en limitant la SF aux personnages réguliers.