Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Dearesttara a écrit:OK, je te l'apporte à la prochaine réunion
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Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
En fait, avec ses personnage récurrents, son univers permanent (derrière le délire) et ses romans formant des épisodes circonscrits, les Annales fonctionnent à peu près comme une série télé. On est ici dans le cas typique d'un pilote de série privilégiant la présentation de l'univers au scénario du jour, un classique. J'ai malgré tout apprécié davantage cette découverte à l'époque, tellement j'avais ri aux larmes, encore et encore. Je suis un lecteur facile, quand on me fait rire c'est déjà dans la poche.
Et puis pour quasiment un premier bouquin (hormis deux-trois tentatives SF), on se situe déjà à un très bon niveau, à mon avis. J'ai toujours conservé une tendresse particulière pour le Bagage, mais là c'est l'ex-rôliste qui parle, parce que terminés les problèmes d'inventaire !
Dernière édition par Estuaire44 le Mer 8 Fév 2023 - 15:33, édité 1 fois
Estuaire44- Empereur
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Re: Romans de Fantasy
Oui, j'aime bien le Bagage aussi. Souvenir de L'Île du Roi-Lézard, excellent livre dont vous êtes le héros où on peut acquérir une Poche à Contenance Illimitée : les objets atterrissent dans une autre dimension mais peuvent être invoqués immédiatement, du coup la Poche ne pèse rien. Le sortilège d'agrandissement d'Hermione dans le 7e Harry Potter fait petit bras à côté. Terminé les problèmes de sac à dos car oui, la scoliose des héros et des persos de JDR est un problème dont on ne parle pas assez.
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
L'humour de Pratchett demeure souriant et bon enfant mais bien en-deça des dingueries d'Adams. J'ai comme l'impression que la parodie burlesque n'est pas son forte et qu'il se montrera plus efficace dans la satire. On sourit plus qu'on rit, et l'imagination de l'auteur, trop foisonnante et encore incontrôlée, manque de rigueur. Estuaire a raison, on est vraiment dans un pilote d'exposition où le joyeux délire est laissé à lui-même tandis que les personnages vadrouillent d'un lieu et d'une péripétie à l'autre. Avec le recul, Pratchett opte pour la même solution que Clair de Lune, série contemporaine du Disquemonde et pareillement parodie allumée du genre policier et romance. Les deux oeuvres, à leur aurore, se cantonnent à la parodie rassurante et codifiée d'oeuvres connues à leur époque, avant de créer leur propre dinguerie. On aime beaucoup plusieurs trouvailles comme cette magie sentiente, ses moyens de transport divers et variés, les trolls très amènes ou les interventions toujours hilarantes de la Mort (le jeu de société à base de règles dignes de Perceval, j'ai hurlé) mais le worldbuilding demeure un simple élément du décor ou ne s'active que pour des passages "ta gueule c'est magique".
La structure connaît un progrès. Pratchett se rapproche davantage du choix d'Adams. Au lieu de 4 nouvelles fragmentées, le rythme s'accélère, avec un zapping continu d'un lieu à un autre mais cette fois plus clairement assumé, dans le style d'H2G2. L'imagination débordante pallie un peu à ce manque d'unité, d'autant que Pratchett trouve un semblant de fil rouge dans l'évolution de Rincevent, qui parvient souvent à trouver des ressources de courage inattendues aux moments critiques. Par contre, Pratchett commet une lourde erreur en restant trop longtemps dans le flou quant à l'étoile rouge et aux sortilèges : après le premier dialogue avec le Huitième sortilège, on ne sait plus du tout si Rincevent doit continuer à fuir ou revenir à Ankh-Morpork, si l'étoile est maléfique ou non, si Trymon a raison ou pas d'attraper le mage le plus minable du Disquemonde... en noyant les enjeux, Pratchett gâche l'immersion.
Les personnages demeurent hélas toujours aussi schématiques, mais on dénote un léger effort avec Trymon, méchant assez goulû dans son fanatisme de l'ordre et ses pièges roublards. L'Université de l'Invisible n'est qu'ébauchée, mais ce qu'on y voit promet beaucoup, entre mages supérieurs se trucidant les uns et les autres, magie en folie et première des nombreuses explosions à venir. Je serais curieux de voir les prochaines aventures de Rincevent et des mages, ça viendra. Mine de rien, Pratchett commence à se livrer et se dessine déjà une critique de la bureaucratie mécanique, des dirigeants froidement mathématiques et secs, Trymon (mais aussi le Patricien) apparaît d'ailleurs très déplacé dans le monde foufou du Disquemonde, et sa condamnation implicite est évidente de la part d'un auteur qui exalte la liberté de l'imaginaire, quitte à partir en surchauffe désordonnée. C'est assumé, c'est honnête, c'est franc, Le Huitième sortilège m'a rendu l'auteur sympathique au-delà de l'histoire.
Si la plupart des persos sont des silhouettes (Bethan méritait mieux), je lève le pouce à ce cher Cohen le Barbare. Ayant terminé Conan il y a quelques mois, ce fut une joie de fan de découvrir cette version décatie, vieillie, hilarante mais curieusement respectueuse. Car non, Pratchett ne cède pas à la facilité de ridiculiser ce héros grabataire en réalité encore efficace et combatif. Ses réflexions et ses actes impulsifs sont certes drôles, mais c'est aussi un personnage touchant, incapable de raccrocher les crampons car ne vivant que pour l'aventure même. Sur ce point, c'est en fait très fidèle au héros d'Howard, qui n'abandonne jamais le frisson aventureux. Même le fait qu'il prenne femme est canon puisque l'Heure du Dragon, chronologiquement la dernière aventure du Canon d'Howard, se terminait par Conan annonçant ses épousailles avec une servante. On sent que Pratchett révère cette influence par-delà la bouche édentée et les lumbagos de sa version. Avec Rincevent, il est mon coup de coeur de ce tome.
Une autre surprise vient qu'après une aventure aussi disjointe, Pratchett parvient à invoquer un puissant finale très astucieux lors de la bataille de la Tour de l'Art. Les poursuites et l'affrontement final sont pleins de suspense, sans renoncer à l'humour - la dispute au-dessus du vide de Rincevent et Deuxfleurs m'a fait rire à pleins poumons. Tandis que des souvenirs de Lovecraft apparaissent avec cette vision d'un monde parallèle peuplé de créatures indescriptibles (à quand une visite de Cthulhu dans le Disquemonde ?) Après cela, la séparation inévitable de Rincevent et Deuxfleurs - et son merveilleux cadeau - m'a ému, je ne m'attendais pas après un prélude mollasson de trouver action, suspense, humour et émotion dans les dernières pages. C'est du très bon, il faut le dire.
Une correction mineure des défauts de structure et de personnages, des thèmes plus présents et sympathiques et un finale soufflant me font hisser Le Huitième sortilège au-dessus de La Huitième couleur. Après ce pilote inabouti mais prometteur, je suis plus partant que jamais à explorer le Disquemonde sous toutes ses coutures. (***)
Dernière édition par Dearesttara le Lun 20 Fév 2023 - 8:50, édité 1 fois
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
Après en avoir lu quelques uns (et 2 de H2G2), je donnerai le point à Pratchett parce que, derrière l'humour délirant des Annales, il y a toujours quelque chose d'intelligent de dit. D'un roman à l'autre, on saute de lieux très divers, entre des sorcières en plein MacB**, une Université qui ne touche plus terre etc. A chaque fois, le cadre est drôle et l'histoire racontée m'a fait rire.
Débattre des mérites de Pratchett et d'Adams, c'est un beau sujet !
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
Cependant, je dois commencer par pousser un coup de gueule. Ce tome 5 ne comprend pas Perrin. Oui, vous avez bien lu, Perrin est absent. A peine mentionné !
Scandale ! Hérésie ! Blasphème !
Où est Robert Jordan que je le fasse brûler sur un bûcher ? Ah, on me dit dans mon oreillette qu'il est déjà mort. Pas grave ! On va exhumer le corps, le juger et on jettera les restes dans le fleuve le plus proche. On a déjà vu ça.
Robert Jordan jongle plutôt bien entre des lieux très éclatés. Il vaut mieux avoir la carte à portée de mains ! On voit moins la Tour Sombre ; pardon, la Tour Blanche, où la nouvelle Chaire d'Amyrlin n'a pas l'autorité de la précédente détentrice du châle arc-en-ciel. ça sent quand même le sapin à Tar Valon puisque le respect se perd et que, visiblement, plus personne ne sait quoi faire en priorité. Les Aes Sedai sont plus divisées que jamais et certaines ont carrément désertées pour se calfeutrer à Salidar, méditant de sombres plans pour rester dans le coup. C'est un peu pathétique.
Question bonne ambiance et félicité, on peut compter sur les Rejetés qui se détestent tous quand ils n'intriguent pas les uns contre les autres. Lanfear a son obsession amoureuse personnelle qui, semble-t-il, la conduit à sa perte. La bonne nouvelle, c'est qu'elle emporte Moiraine avec elle. Mais, comme précisément, mon rêve le plus fou est de voir disparaître cette sorcière, je suis certain qu'elle va revenir tôt ou tard. Moiraine, qui a mis du temps à admettre qu'elle se ferait davantage écouter de Rand si elle ne paraissait pas vouloir à tout prix le contrôler. La voir prêter serment est une preuve d'intelligence chez elle et Rand l'est assez pour savoir qu'il a besoin d'elle. Un modus vivendi semblait avoir été trouvé avant le drame de Camlyn.
Si un rapprochement tactique s'est opéré entre l'Aes Sedai et le Dragon Réincarné, un fossé est désormais béant entre Rand et Egwene. Ce que celle-ci appelle "arrogance" chez lui est juste son libre-arbitre mais c'est inconcevable pour l'apprentie. Il n'est pire zélote qu'un nouveau converti. Surtout que l'arrogance, elle la pratique aussi quand elle se croit autorisée à se rendre dans le Monde des Rêves contre l'avis des Matriarches (encore des femmes qui nient le libre-arbitre) sous prétexte d'apprendre tout et tout de suite.
J'ai toujours de l'affection pour Nynaeve dont le portrait reste celui d'une jeune femme têtue, obstinée, râleuse, de mauvaise foi, ronflant comme un sonneur et prêt de ses sous. Mais c'est justement tous ses défauts qui la rendent attachante, chaleureuse ; en un mot humaine. Donc pas une Aes Sedai. Elle voyage pas mal dans cet opus jusqu'à déboucher dans un cirque ! Elle manque de se faire tuer par Moghedien - au passage, les femmes dans cette saga sont à égalité avec les hommes en matière de dureté - et n'est sauvée que par l'intervention de Birgitte, l'héroïne légendaire qui va devenir...la Championne d'Elayne ! Voilà, j'ai réussi à placer le nom de la Fille-Héritière. Fille-Héritière à qui Rand garde son trône au chaud après avoir conquis le Cairhien et chassé Gaebril alias Rahvin. Le duel entre ce dernier et Rand donnent de très belles pages et Nynaeve joue un petit rôle dans la victoire du jeune homme. J'apprécie beaucoup qu'elle évolue, revienne sur ses faux pas pour essayer de faire mieux, lutte contre la peur la plus infâme qui la ronge et l'affaiblit dans son second duel contre Moghedien et qu'elle parvienne à s'en sortir et à remporter une victoire. Relative certes mais, psychologiquement, je pense qu'elle comptera.
Le "Seigneur Dragon" n'a pas la vie facile puisque, non seulement il doit lutter contre les Ténèbres, mais il a aussi des tas de gens ingérable sur les bras. Egwene, par exemple, croit qu'il a un vrai lit et plein de servantes alors que c'est tout le contraire et qui n'obéit jamais à ce qu'il lui demande car elle sait tout mieux que lui. On a Aviendha que Rand ne comprend jamais mais avec qui il opère un rapprochement que je n'ai pas vu venir alors que les sentiments de la jeune Aielle envers Rand expliquaient largement sa conduite. On a Mat qui se transforme en général mais qui n'a toujours pas compris comment fonctionne la Trame. Il n'a toujours pas admis que la Trame retient les ta'veren s'ils essayent de lui échapper et que ce n'est qu'en suivant son sens qu'on peut quelque peu influer dessus et trouver un peu de liberté. La liberté naît de la contrainte. Beau sujet de philo ! L'obstination de Mat est assez pénible. Je n'arrive pas à accrocher avec lui. Personne ne peut lui passer une pique en travers du corps ? Ah ! Il est ta'veren, on peut pas. Mince. En tout cas, si Rand lutte pour ne pas laisser le précédent Dragon prendre le contrôle de son corps, Mat subit lui des influences venues de Manetheren.
Entre la reine Morgase que tout le monde croit morte mais qui est partie en vadrouille pour tenter de sauver le trône dont elle a été dépossédé (deux fois même si on considère qu'elle ne contrôlait plus rien dans les derniers temps), les Rejetés loin d'être (tous) vaincus, les manigances des Aes Sedai, les Fils de la Lumière que j'ai oublié de citer, les plans de Rand ; on n'est clairement pas sorti de l'auberge. Il va falloir un tome 6. C'est obligé. (****)
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
Sans être comique, j'apprécie ce fil rouge de guerre des sexes de La Roue du Temps qui donne un peu de légèreté à tous ces diables d'évènements intenses et parfois tragiques (le twist de Camelyn m'a complètement pris à revers).
Oui, Elaida a cru qu'un boulevard s'ouvrait devant elle, la suite va lui donner tort. On usurpe pas la chaire d'Amyrlin sans conséquences et oh bon sang, ça va swinguer chez les Aes Sedai, tant à la Tour Sombre (oui, je soutiens ce nom officieux) qu'à Salidar. On est au spectacle, on sent que Jordan est au zénith de son talent, ce que le tome 6 confirmera - apparemment c'est plus discutable ensuite.
J'aime bien Nynaeve aussi, elle est souvent irritante mais assez réaliste dans sa lenteur à vouloir changer, ce qui est très humain après tout. J'ai été assez stupéfié de l'évolution d'Egwene mais c'est raccord avec son arc, la pure jeune fille de Deux-Rivières s'endurcit, pour le meilleur comme pour le pire. Autant j'aime Mat, autant son "pouvoir" m'a déçu : contrairement à Rand et Perrin, c'est un pouvoir qui lui tombe tout cuit dans la bouche sans qu'il ait besoin de l'invoquer ou de se mettre en danger. J'aime toujours autant son obstination à s'écarter de son destin que La Roue lui rabat sans cesse devant lui. Au-delà du récit au long cours, La Roue du Temps soigne toujours autant ses running gags.
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
De fait, Le Silmarillion reproduit d'exploit du Fondation d'Asimov, autre épopée se jouant des travers des bonds temporels et persos éphémères pour nous investir à fond dans son histoire. Certes, nul jeu d'intelligence roublard, simplement un set virtuose de variations sur un thème : l'hubris, origine ténébreuse des êtres humains dans maints mythes et religions. De ce thème unique, Tolkien fait sa propre Ainulindalë et construit une titanesque étude de l'humanité. Son exploit est qu'en dépit du caractère cyclique de son Épique où les travers ne peuvent que se reproduire, l'effet n'est jamais répétitif et lassant tant chaque personnage majeur a ses propres motivations et faiblesses et que leurs impacts varient selon leur rayon d'action. Qui dit fiction dit méchant et par Eru, Melkor/Morgoth est décidément un méchant en mythril. Il fallait oser proposer l'équivalent du Satan chrétien et Tolkien relève le gant. Morgoth fascine par sa haine vorace, son antithèse absolue de la création bénéfique qu'il ne peut émuler qu'en de grotesques horreurs, et aussi son intelligence stratégique grand train, source des coups les plus tordus et à déchirer le coeur de l'épopée. Sauron tient aussi très bien son rang quoique je le trouve un peu trop similaire à son maître. Sans doute volontairement car Le Diable ne peut créer que des ersatz de lui-même.
Certains moments chavirent le coeur comme la destruction des Arbres de Valinor, le massacre d'Alqualondë (et les deux autres massacres fratricides), le lai de Beren et Luthien - sans doute le coeur émotionnel du livre - le destin tragique de Turin... entre deux aventures trépidantes, ces moments brillent comme les Silmarils sur la couronne du Legendarium. Le worldbuilding dingo, sans doute indépassable, de l'Auteur, achève une immersion fantastique mais sert aussi à dessiner chaque personnage, selon son espèce, sa généalogie, sa naissance, même si le libre-arbitre de chacun en demeure le moteur.
Cette méditation sur l'orgueil, propre à toutes les espèces d'Arda, tire le meilleur des mythologies et religions, reprenant l'hubris des héros maudits et dieux pas tous-puissants (sauf Eru qui fait on ne sait quoi) mais en y ajoutant cohérence et concision. La dimension tragique est prégnante alors même que l'optimisme de Tolkien, issu de sa foi chrétienne, s'y manifeste également comme le deus ex machina terminant la Quenta Silmarillion ou cette magnifique citation de Mithrandir "Souvent l'aide vient des faibles quand les Sages font défaut.” Au-delà d'un destin du monde souvent terrifiant, Le Silmarillion est bien une approche humaniste du monde, où l'orgueil peut être réparé par des élans de générosité et d'altruisme, venant le plus souvent d'outsiders "faibles" (comme Beren arrachant un Silmaril à Morgoth, il est vrai bien aidé par Luthien). La conclusion, similaire à celle du Seigneur des Anneaux, m'a inspiré une vibrante émotion devant l'exil final des derniers Eldar. Décidément, il se passe toujours quelque chose quand on évoque les Havres Gris...
Je reconnais qu'il y a une partie que j'ai trouvé un peu creuse, entre l'arrivée des Noldor en Terre du Milieu jusqu'à la naissance de Beren où il ne se passe à peu près rien, témoin un chapitre entier consacré uniquement à la cartographie du Beleriand. D'ailleurs à force d'imaginer 10 noms différents pour chaque personnage et lieu, j'avoue qu'il faut garder sa concentration au maximum pour suivre, tandis que j'ai renoncé à comprendre les déplacements géographiques en l'absence de carte (pas bien grave).
Je n'ai pas trouvé la lecture si difficile que ça. Sur ce point, la réputation du Silmarillion me semble exagérée. Il est vrai que s'arrêter toutes les pages pour consulter l'index peut paraître lassant, mais je n'ai pas trouvé si difficile une telle adaptation à la lecture.
Pour le reste, l'enchantement fut permanent. Le musicien que je suis a évidemment adoré l'idée d'un Monde créé par la musique, on sent l'influence des Musicae Caelestis et Mundana théorisés par Boèce au VIe siècle.
Alors oui, l'imagination foisonnante de Tolkien était horriblement difficile à contracter en un seul livre de 440 pages (petit format). Christopher Tolkien et Guy Gavriel Kay ont je trouve fait un excellent travail. En l'état, Le Silmarillon est un plaisir à lire, tant pour le coeur que la tête. Penser que l'on a devant soi qu'une partie de ce qu'a imaginé Tolkien laisse rêveur... En tous cas, je range sans problèmes Le Silmarillion parmi les livres qui ont le plus marqué ma vie. (****)
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
Le seul regret du bouquin est son goût de trop peu : on perçoit sans cesse que, au-delà de la brillante synthèse effectuée, il y a beaucoup plus à dire sur les personnages et lieux rencontrés c'est un peu frustrant. Mon édition chez Christian Bourgeois, qui a désormais trente ans (et des pages bien jaunies) a eu la bonne idée de le coupler avec les Unfinished Tales, cela compense.
Je viens de la consulter, on y trouve bien une carte des Royaumes de Beleriand et des Terres du Nord, je la mets ici au cas où elle manquerait dans ta version. Et j'ai adoré consulter sans cesse l'index, cela a totalement fait partie de mon plaisir de lecture, je l'avoue !
Dernière édition par Estuaire44 le Mar 11 Avr 2023 - 9:30, édité 1 fois
Estuaire44- Empereur
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Re: Romans de Fantasy
Je reconnais un progrès dans la structure après le zapping forcené des aventures de Rincevent, La Huitième Fille est bien plus concis, sans dispersion, mais cette charpente cache mal la récurrence des faiblesses de Pratchett. En premier lieu, des personnages silhouettes. Il fallait oser présenter une petite fille héroïne totalement transparente, et pourtant Eskarina frôle la coquille vide, se contentant de ressasser le cliché de la "fille pas comme les autres, différente, qui réfléchit plus que les cons qui l'entourent" mais sans jamais lui donner de la substance. Son modus operandi consiste surtout à réagir aléatoirement à l'action et à se reposer sur son bourdon invulnérable pour parer à tout danger. Le résultat est qu'elle est non seulement plate mais qu'on ne s'inquiète jamais pour elle (excepté à la toute fin). Il est visible que Pratchett s'amuse davantage avec Mémé Ciredutemps, effectivement un avatar gouleyant du mentor bourru mais là aussi peu développée. N'existant que par le prisme de sa relation avec Esk, Mémé se retrouve à la remorque de la protagoniste alors même qu'elle bénéficie de plus d'action. Un contresens total, pas diminué par le féminisme certes enthousiaste de l'auteur mais qui finit par tourner à la répétition frénétique d'une seule idée : Mémé passe toute la seconde partie du roman à ânonner à ces misogynes de mages que oui les femmes peuvent être mages... et pas grand-chose d'autre. En 1987, Pratchett est sans doute plus moderne que ses confrères mais il demeure loin de ses consoeurs qui avaient déjà commencé à bien occuper le terrain. Il est un comble que le meilleur personnage du livre soit... le Bourdon. Tout comme l'hilarant Bagage, il confirme le brio de Pratchett pour les objets animés mais ne peut porter à lui seul 220 pages.
Pratchett évite l'écueil fréquent de diminuer ses persos masculins pour valoriser les féminins. Simon et Biseauté ne sont pas des lumières mais au moins le premier est-il surdoué et le second plutôt raisonnable, d'autant qu'il est rigolo de le voir à la traîne de Mémé durant tout le final, dans une sorte de buddy movie gentiment vachard. C'est d'ailleurs l'autre travers du roman : après la parodie massive, Pratchett rentre son audace et déroule un mécanique roman d'apprentissage 1er degré et à mon sens très peu drôle. Les blagues viennent à 90% de comparaisons lourdingues tandis que les aventures des deux femmes se montrent bizarrement fades. Un manque de folie générale rend le roman parfois bien sérieux tandis que les moments les plus prometteurs comme la tribu-qui-ne-sait-mentir ou les joyeux lurons de l'Université de l'Invisible sont à peine exploités. Le worldbuilding n'était pas le forte des tomes 1 et 2 mais il existait quand même. Ici, Pratchett ne développe rien de plus, si ce n'est l'esprit de l'Université... qu'il n'exploite pas non plus. Où est donc cette magie en folie ? Ces persos plus grands que la vie ? Ces méchants grand train ? Rien ne vient nourrir ce roman d'apprentissage où Esk demeure invariante, et où le danger vient de Choses floues sans personnalité, final singulièrement fragmenté et atone au menu. J'espère que Tiffany Aching sera plus vive.
La Huitième Fille échoue sur tous les plans, un creux aussi grand dès le 3e livre m'inquiète. J'espère que le prochain retour de Mort saura dynamiser tout ça. (*)
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Re: Romans de Fantasy
Bouquin lu voici il y a bien 30 ans, je n'en ai guère de souvenir mais il y en a d'autres que j'ai découvert depuis encore plus longtemps et qui m'ont davantage marqué. Cela te donne raison, mais Pratchett aussi est sans doute de ton avis puisque si la Huitième Fille inaugure la famille des romans centrés sur les Sorcières, Esk n'y figurera plus. Hormis effectivement lors de l'arrivée de Tiphaine, que j'ai vraiment beaucoup aimée et qui sera considérablement plus développée (je n'en dis pas plus pour ne pas spoiler). Et, à ma connaissance, il n'y aura plus d'autre femme étudiante à l'UI par la suite...
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Re: Romans de Fantasy
Merci pour tes précieux retours, Estuaire. Je veux bien avoir confiance pour Tiphaine. Je n'ai que vite croisé la Guilde dans La Huitième couleur mais ça promettait fort, je suis bien curieux de voir la suite de leurs aventures
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Les romans que j'ai lu m'ont tous enthousiasmés mais ils sont plus tardifs. Il est possible que Pratchett ait su complexifier ses intrigues tout en développant le Disque-Monde.
Ce qui est intéressant dans ta démarche, c'est que tu lis les livres dans l'ordre ; ça te permet de voir les progrès (ou non) alors que, personnellement, je les prends au hasard donc, quelque part, je redécouvre la roue à chaque fois.
J'ai Ronde de nuit sous le coude. je compte m'y mettre prochainement.
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Dearesttara a écrit:Oui, j'ai toujours été fasciné par la chronologie, j'aime beaucoup suivre l'évolution d'un ou d'une artiste au fil de sa vie.
C'est moi qui ai fait des études d'histoire et lui qui suit la chronologie...Je suis tombé bien bas. Où est ma corde ?
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
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Re: Romans de Fantasy
En croisant le réalisme magique et une Victoriana que n'aurait pas désavoué Jules Verne (on dénote quelques traces de steampunk avec ces machines infernales, ballons et zeppelins, mais aussi le fameux aléthiomètre), Pullman décide volontairement d'un worldbuilding restreint : nous sommes dans une Terre parallèle où la principale différence est que chaque humain est pourvu d'un daemon (sorte d'être magique prenant la forme d'un animal) qui est comme un prolongement de son âme. Le reste, à part quelques peuplades étonnantes comme des ours très humains, pourrait se dérouler sur notre Terre même. Pourtant, le talent de conteur de Pullman fait que, malgré ses prétentions de "stark realism" (Ah), nous sommes bien dans de la fantasy de la meilleure eau, aux descriptions enchanteresses - les aurores septentrionales envoient du rêve - aux contrées et populations riches en histoires, traditions et conflits ; on goûtera notamment les us gitans et l'honneur hiératique des Ours, aussi passionnants à voir que la vie quotidienne de Jordan College. Rarement un monde parallèle très similaire à notre Terre ne m'aura pourtant fait plus rêver que des mondes imaginaires. Pullman connaît manifestement par coeur la 2e loi de Sanderson et sait exploiter à fond quelques traits de worldbuilding avant de passer à d'autres révélations.
D'un style élégant et enlevé, Pullman s'appuie sur cette base solide et croque chaque personnage avec précision. Aucun perso n'est laissé sur le carreau, suave ambiguïté de Mme Coulter et Lord Asriel, puissance minérale de Iofek, émotion des daemons fusionnés avec leurs humains, vigilance bourrue de Faa, hubris fatal de Iofur... en quelques traits, les players sont clairement dessinés et leurs interactions produisent des myriades d'étincelles, avec en fil rouge l'héroïsme galopant de Lyra qui la pousse d'une Londres victorienne au Pôle Nord. Je reste admiratif que Pullman ne ménage pas son héroïne qui court de péripétie en péripétie à vitesse supersonique tout en faisant montre d'une ingéniosité sans pareille mais jamais forcée, avec 2-3 moments de pure terreur (comme la scène de guillotine). Son antisentimentalité évite tous les clichés des romans jeunesse, avec des relations davantage basées sur le mentorat et l'amitié et souvent pas sans une certaine sécheresse adulte.
Le roman se lit très vite, déchaînant l'adrénaline par ces traques impitoyables et ses virages/trahisons soudaines. Mêler fantasy, thriller, aventure et roman d'apprentissage avec une maestria de chaque instant en dit long sur le métier sûr de l'auteur, qui ménage déjà ses mystères (quelle est la Poussière ?). D'autant qu'il n'hésite pas devant des passages très rudes comme le final où s'entrelace merveilleux et noirceur terrible : là où Harry Potter plongeait dans la tragédie au tome 4, His Dark Materials y va dès le 1. Ouiche.
L'opposition, représentée par une Église si effrayée par la Vérité qu'elle préfère l'étouffer, manque peut-être d'une figure tutélaire - Coulter est plus une opportuniste - mais l'ombre qu'elle étend est si large qu'elle imprègne le tout. On reconnaît le tempérament antireligieux de Pullman, il peut faire grincer, on peut préférer la vision plus ambivalente de la religion dans les Cantos d'Hyperion, mais en attendant ça se fait avec beaucoup d'efficacité. Qu'il déclare qu'His Dark Materials est sa réponse à ce qu'il voit comme du prosélytisme religieux dans le Narnia de C.S. Lewis ne m'étonne pas.
Les défauts sont très mineurs, le chapitre 1 demeure après coup une certaine arnaque avec une tentative d'assassinat ayant peu de sens, Pullman répète parfois ses informations - se peut à cause de sa cible jeunesse - et Lyra efface assez vite son portrait trouble du début pour devenir un parangon d'héroïsme. Ses doutes et faiblesses se voient mieux traduits mais elle reste trop parfaite moralement, tombant dans un défaut qu'on voit parfois dans ce genre de littérature (Harry Potter n'y a pas échappé non plus). Ce n'est pas grand-chose, Les Royaumes du Nord est bien un flamboyant départ pour une Trilogie dont je comprends aisément le succès (****)
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Je tique juste sur la "perfection" que tu imputes à Lyra dont j'ai gardé le souvenir d'une gamine menteuse et désobéissante. J'avais trouvé d'ailleurs que c'était intéressant et surprenant de prendre pour héroïne l'anti-Petite Fille Modèle.
Sinon, je partage entièrement ton avis. Des moments de terreur, tu vas en avoir d'autres dans le second volume (La Tour d'ambre de mémoire) avec les spectres de la ville de Cittegazza (je ne garantis pas l'orthographe, j'écris de mémoire).
Le projet prométhéen de Lord Asriel m'avait beaucoup frappé aussi. Mme Coulter évolue beaucoup dans les deux autres tomes.
Ce premier volume a été adapté au cinéma ("A la recherche de la boussole d'or"). Il est critiqué mais j'en suis un fervent défenseur pour ma part.
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
Qualifié de roman jeunesse (et publié en tant que tel en France), Northern Lights est un roman d'aventures et de surprises continues, qui ne laisse pas au lecteur un seul instant de répit. C'est un roman fantastique qui n'est pas fortement influencé par Tolkien, ce qui est fort bienvenu (vive la diversité !). Philip Pullman regarde plus loin, vers les maîtres fantastiques du XIXe siècle : Lord Dunsany, Jules Verne... Un même parfum d'émotion et de magie entoure ses œuvres. Cela évoque souvent le Sandman de Gaiman et tout le courant de Dark Fantasy si en vogue depuis quelques années (y compris pour le conspirationnisme entre les diverses factions).
Lyra, que l'auteur sait éviter de rendre trop parfaite, vit dans un monde aussi simultanément proche et différent du nôtre, un monde dans lequel tous les êtres humains ont des Démons familiers, une espèce d'animaux de compagnie intelligents. Une Angleterre avec un certain air du XIXe siècle, là où le Paris des Merveilles s'inscrit dans la Belle Époque, pareillement entre Gaslight et Steampunk . Le décor est l'une des plus grandes réussites du livre : c'est un monde suggestif, plein de merveilles, qui devient souvent un autre personnage dont on veut connaître tous les détails. Peut-être peut-on regretter que le monde d'Oxford soit si détaillé, alors que finalement l'essentiel de l'Aventure ne s'y déroule, pas alors que l'on va un peu plus superficiellement ensuite.
Selon une tradition bien établie, Lyra se lance dans l'Aventure qui va changer sa vie : des enfants disparaissent dans toute l'Angleterre. Elle est bien décidée à secourir son ami Roger et pour cela elle se rendra au Pôle Nord, supposée patrie des "gobblers", les ravisseurs d'enfants. Et d'ici coups de feu, gitans, comtesses, esprits, singes psychopathes, immenses marécages, ours cuirassés, savants fous, portails vers d'autres mondes, ballons et zeppelins... Bref, mille et une aventures qui se déroulent à un rythme effréné. et cela nous mènera directement à la fin parfaite du premier livre d'une trilogie. Dans les dernières pages, Pullman parvient à donner un sens final au livre qui laisse le lecteur satisfait et en même temps laisse ouvertes de nombreuses intrigues du livre.
Pullman est très clair sur l'objectif de son livre : divertir. Et il le remplit totalement. Pour autant, il ne dédaigne pas d'introduire des enjeux importants (surtout métaphysiques), d'une manière à peine évoquée dans ce premier tome de la trilogie, mais qu'il reprend plus en profondeur et en détail dans les tomes suivants et qui se termineront devenir les axes centraux de leur œuvre.
Toutefois, il ne s'agit pas d'une œuvre parfaite. Son principal problème est l'inexpérience apparente de Pullman lorsqu'il s'agit de traiter des aspects qui sont loin de la simple intrigue. Le style dans lequel il écrit n'enthousiasme guère, suffisamment explicatif pour nous transmettre toute la puissance de ses idées et de ses créations, mais rien de plus. Les scènes s'emboîtent par simple juxtaposition, donnant à l'ensemble du roman un rythme vibrant mais quelque peu saccadé.
Les personnages, à l'exception de Lyra, avec qui il passe le plus de temps, sont pour la plupart des archétypes sous-développés. Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas intéressants : ils demeurent souvent attachants , mais aucun effort n'est fait pour leur donner plus de dimension. Son autre grand défaut est l'orientation juvénile, qui semble parfois s'emparer de l'auteur et le fait parfois édulcorer son aventure (par exemple question War Bears, cela se passe autrement à Kislev, voyez).
Mais dans l'ensemble, c'est un livre d'aventure fascinant, extrêmement divertissant et hautement recommandé.
Estuaire44- Empereur
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Re: Romans de Fantasy
Estuaire : superbe analyse, je m'y retrouve complètement. Bien vu pour Oxford où on passe en effet pas autant de temps, d'autant que j'aurais bien aimé quelques retours là-bas, ne serait-ce que pour voir des persos comploter massivement. Il me semble d'ailleurs qu'on ne quitte jamais le point de vue de Lyra dans ce tome, c'est un sacré tour de force de rester collé à ses basques en demeurant passionnant (le manque d'adversaire personnalisé est sans doute le défaut d'un tel pari).
Le style peut-être sec et économe est en effet là, je ne sais pas si Pullman a écrit sa Trilogie en vue d'une adaptation mais tout le roman, justement à cause de ce style, m'a fait pas mal penser à un scénario de film, tout est sacrifié à l'efficacité et au rythme. Ce faisant, il me rappelle quelque peu Robert E. Howard (en moins gore).
Merci pour vos retours, mes amis, je lis aussi des livres pour cela
Dearesttara- Roi (Reine)
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Re: Romans de Fantasy
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
Je l'avais choisi juste parce que sa couverture me rappelait le tableau de Rembrandt et que j'adore la peinture hollandaise du Siècle d'or.
Le duc Sam Vimaire, commissaire divisionnaire du Guet d'Ankh-Morpok, poursuit le dangereux criminel Carcer (un des personnages les plus détestables créé par Pratchett, un psychopathe pour lequel l'adjectif "malfaisant" n'est pas trop fort) lorsque tous deux passent à travers la verrière de la bibliothèque de l'université et qu'un phénomène magique les amène 20 ans plus tôt.
Et avec la magie, il y a toujours un prix à payer.
Comme le dit l'auteur, "vivre dans le passé n'est pas facile mais mourir étonnamment simple". Vimaire va devoir accomplir un certain nombre d'actions avant de pouvoir rentrer chez lui. Mais le pourra-t-il ? Il doit, entre autres, transformer le ramassis de bras cassés du Guet de nuit en policiers passables, se former lui-même (puisqu'il rencontre le Vimaire jeune !), traverser une révolution et arrêter Carcer.
Je trouve que c'est un des romans les plus complexes des Annales que j'ai pu lire. L'histoire ne progresse pas linéairement d'un point A à un point B parce que les personnages avancent littéralement. Toute l'action est en effet circonscrite à la ville et pratiquement à la rue de la Mélassière. C'est une belle étude de caractères avec des personnages intéressants, souvent amusants. L'évolution de Vimaire, qui s'interroge sur ses actions, ses motivations, ce qu'il doit dire et faire en permanence, est captivante. Il n'y a pas une enquête policière mais une étude de la police pas piquée des vers. J'ai trouvé également un grand détachement de Pratchett envers la chose politique ; presque du cynisme. En tout cas, les élites dirigeantes de la ville (mais sans doute pourrait-on élargir) sont attaquées à l'acide comme une eau-forte de Rembrandt. La tonalité de ce roman est plus grave que ceux que j'ai pu lire jusqu'à présent.
L'auteur ne renonce pas à son humour habituel puisque le fossoyeur du cimetière ne veut pas d'un zombie dans son cimetière parce qu'il est mort. Vous trouverez des dames "à l'affection négociée" et tant d'autres aphorismes qui me mettent en joie ! (****)
Camarade Totoff- Prince(sse)
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Re: Romans de Fantasy
Estuaire44- Empereur
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Re: Romans de Fantasy
Dearesttara- Roi (Reine)
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